Allemagne : histoire
Résumé L’Antiquité – Germains et Romains Peuplé entre les xie et ier siècles avant J.-C. par diverses tribus d'origine nordique, le territoire de l'Allemagne ne recouvre qu'approximativement celui de l'ancienne Germanie. Installés entre le Rhin et la Vistule, les Germains poussent les Celtes en Gaule. Ils sont contenus à l'est du Rhin par César, mais Rome ne parvient que très partiellement à s’établir, au début du ier siècle après J.-C., autour de Cologne et de Mayence. Les origines du royaume de Germanie (ve-ixe siècles) Après l’effondrement de l’Empire romain d’Occident (476) et tandis que les populations sont peu à peu christianisées, plusieurs royaumes germaniques se forment. Le plus important, celui des Francs (qui englobe entre autres les Alamans), constitue en 800 l’Empire de Charlemagne, avec pour capitale Aix-la-Chapelle. Le royaume de Germanie naît du partage de cet empire carolingien, en 843 (traité de Verdun). Le royaume de Germanie, le Saint Empire et la papauté (xe-xiiie siècles) Élu roi de Germanie, le Saxon Otton Ier envahit l’Italie et fonde le Saint Empire romain germanique (962). La domination de l'empereur est toutefois limitée : la féodalité favorise le pouvoir de certains seigneurs qui sont princes électeurs de l’empereur, et les rivalités entre grandes familles. Ainsi celle des Hohenstaufen, dynastie souabe qui, après les deux grandes dynasties saxonne et franconienne, s'impose aux xiie-xiiie siècles. Cette souveraineté est en outre affaiblie par les ambitions impériales en Italie et la lutte contre la papauté, tandis que les villes marchandes de la Hanse en profitent pour prendre leur essor. L’Allemagne, une mosaïque d’États (xiiie-xve siècles) Si l’empire n’est qu’un corps inorganisé de principautés, de grands ensembles territoriaux se constituent, notamment ceux des Habsbourg et de Luxembourg. En concurrence pour le titre impérial, ils s’efforcent de s’affranchir de la tutelle du pape (système électoral de la Bulle d’or, 1356) et de restaurer l’autorité de l’Empire sur l’Allemagne. L’Empire des Habsbourg et la Réforme (xve-xviie siècles) À partir de 1440, les Habsbourg (autrement dit : la maison d’Autriche) sont les nouveaux maîtres du Saint Empire, qui connaît son apogée sous Maximilien Ier et Charles Quint (1519-1556). Mais toute centralisation du pouvoir étant écartée, l'Allemagne, devenue le foyer de la Réforme luthérienne au xvie siècle, échappe largement à leur suzeraineté et se déchire entre catholiques et protestants (guerre de Trente Ans, 1618-1648). La Prusse et l’unité allemande (xviiie-xixe siècles) Dans une Allemagne morcelée en quelque 350 États se détache, au début du xviiie siècle, la dynastie protestante des Hohenzollern, incarnée par Frédéric II (1740-1786). Initiée à la chute de l’empire napoléonien (1815) par la Prusse, devenue la principale puissance allemande, l'unification sera l’œuvre du chancelier Bismarck : engagée à partir de 1862, réalisée contre l'Autriche mais aussi scellée par un conflit avec la France en 1870-1871 (guerre franco-allemande). Du xxe siècle à nos jours Le pangermanisme contribue à l'exacerbation des tensions internationales et à l'entrée de l'Allemagne dans la guerre de 1914-1918 (→ Première Guerre mondiale), puis, aggravé par les dures conditions du traité de Versailles et la crise économique de 1929, à l'avènement du national-socialisme et de Hitler (1933).
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le IIIe Reich vaincu est divisé, en 1949, en deux États : à l’ouest, la République fédérale d’Allemagne (RFA) et à l’est, la République démocratique allemande (RDA). La fin de la guerre froide permet la réunification des deux Allemagnes en 1990.
1. La formation de l'Allemagne
1.1. Des origines à Louis le Pieux
Romains et Germains
Pendant l'Antiquité, sous la pression de populations slaves et asiatiques venues de l'est, divers peuples barbares d'origine nordique, appelés Germains par les Romains, s'installent de part et d'autre du Rhin.
À la fin du ier siècle avant J.-C., l’empereur Auguste veut annexer la Germanie : Drusus et Tibère en entreprennent la conquête, de la rive droite du Rhin jusqu’à la Weser puis l’Elbe entre 12 et 8 avant J.-C. Devant la résistance des Germains – inaugurée, en l’an 9 après J.-C., par la défaite des légions de Varus face au chef des Chérusques Arminius (Teutoburger Wald) –, les Romains se retirent sur le Rhin, dans un territoire qui sera divisé en deux provinces : la Germanie inférieure dont le chef-lieu est Cologne (Colonia Claudia Ara Agrippinensis) et la Germanie supérieure dont le siège est à Mayence (Moguntiacum).
Du royaume franc à l'empire carolingien
À partir de la fin du ive siècle, l'Empire romain s'effondre sous les poussées barbares. La dernière vague de ces invasions, vers la fin du ve siècle, provoque la conquête de la Gaule par les Francs de Clovis. À la suite de son expansion au-delà du Rhin à partir de la fin du ve siècle, le royaume franc englobe Alamans, Thuringiens, Bavarois, Saxons... Ces populations germaniques, par l'action de missionnaires venus de l'Occident, se convertissent progressivement au christianisme. Les plus réfractaires, les Saxons, sont soumis et christianisés de force par Charlemagne.
Charlemagne hérite d'une partie du royaume franc en 768 et à la mort de son frère cadet a reconstitué l'ensemble du royaume. En 43 années de règne et autant de campagnes militaires, il réunit peu à peu sous son autorité la majeure partie de l'Europe occidentale. Couronné par le pape à Rome en 800, il fonde l'empire d'Occident, avec pour capitale Aix-la-Chapelle, auquel sont intégrés les Germains.
Sous le fils de Charlemagne, Louis le Pieux, l'unité impériale résiste mal à la tradition germanique des partages. Son troisième fils, Louis le Germanique reçoit, dès 817, le titre de roi et fait de la Bavière le centre de son royaume.
1.2. Vers le régime féodal
À la mort de Louis le Pieux (840), si l'unité de l'Occident n'est plus qu'un souvenir, subsiste l'idée d'« empire universel », attachée au titre impérial, que conserveront, avec des fortunes diverses, les souverains germaniques.
Après la défaite de leur frère aîné Lothaire à la bataille de Fontenoy (841), Louis le Germanique et Charles le Chauve (roi de France 843-877) s'engagent à se prêter mutuellement assistance : les serments de Strasbourg (842) constituent les plus anciens documents où le latin est remplacé par les langues vulgaires, romane et tudesque, comme un « partage linguistique » entre les deux héritiers de l'empire carolingien. Cette alliance leur permet d'imposer à Lothaire la signature du traité de Verdun (843) qui scelle la division définitive de l'Empire en trois États nouveaux : la Francia occidentalis (futur royaume de France) et la Francia orientalis (futur royaume de Germanie), qui enserrent la Lotharingie, grande et riche mais difficile à défendre.
Le traité de Verdun consacre aussi la souveraineté de Louis le Germanique sur les territoires situés à l'est du Rhin.
En 870, au traité de Meerssen, la Lotharingie est partagée entre la Francia occidentalis de Charles le Chauve et la Francia orientalis de Louis le Germanique, si bien que les territoires de ce dernier s'étendent jusqu'à la Meuse et la Saône.
En 876, les fils de Louis le Germanique se partagent son royaume ; l'un d'eux, Charles le Gros, reconstitue l'empire d'Occident, mais pour peu de temps (882-887).
Sur la fin du ixe siècle et le début du xe, la faiblesse des derniers Carolingiens, dont la couronne est devenue élective, et les invasions (Normands, Hongrois, Moraves) accélèrent l'implantation du régime féodal dans le cadre à la fois territorial et ethnique des duchés nationaux : Bavière, Souabe, Franconie, Lorraine, Saxe.
Pour en savoir plus, voir l'article féodalité.
2. Le royaume de Germanie, le Saint Empire et la papauté (xe-xiiies.)
2.1. La dynastie saxonne (919-1024)
Élu roi de Germanie (919-936), le duc de Saxe Henri l'Oiseleur s'assure le pouvoir royal. Tandis qu'il ramène la Lorraine dans la mouvance germanique (925), il crée un système militaire remarquable et lutte avec succès contre les Slaves, les Hongrois et les Danois.
Otton, premier empereur du Saint Empire
Son fils et successeur Otton Ier (936-973) renoue avec la tradition carolingienne en se faisant sacrer roi à Aix-la-Chapelle ; d'autre part, il s'empare de la « couronne de fer » d'Italie (951) et, en reprenant le titre impérial, il fonde à Rome (962) ce qui deviendra le Saint Empire romain germanique, qui durera jusqu'au début du xixe s. (la dénomination « saint empire romain » s'imposera au xiie s. et la référence à son caractère « germanique » n'apparaîtra qu'au xve s.).
Un pouvoir central limité
Comme Otton Ier, Otton II (roi de Germanie en 961, empereur en 967), qui règne de 973 à 983, Otton III (roi en 983, empereur en 996) et Henri II (roi en 1002, empereur en 1014) s'efforcent d'affaiblir les grands seigneurs féodaux en s'appuyant sur le clergé et la petite noblesse. En fait, ils précipitent l'émiettement de l'Allemagne : le pouvoir central qu'ils établissent est trop embryonnaire. Le pays est condamné à n'être longtemps qu'une expression géographique. Le titre de « roi des Romains » (Rex Romanorum) apparaît.
2.2. La dynastie franconienne (1024-1138)
1024 : Conrad II le Salique, duc de Franconie, cousin d'Henri II, est élu roi de Germanie ; en 1026, il devient roi d'Italie et, en 1027, empereur. En 1032, il annexe le royaume d'Arles (ou Bourgogne-Provence) à l'Empire.
1028 : élu roi de Germanie du vivant de son père Conrad II, Henri III le Noir devient empereur à la mort de ce dernier, en 1039. Son règne est marqué par ce que l'on appelle le césaropapisme (le souverain prétend exercer un droit de contrôle sur le pouvoir spirituel de l'Église), que les souverains germaniques vont pratiquer au détriment des intérêts de l'Allemagne et qui débouchera sur la querelle des Investitures.
L'empereur contre le pape
La querelle des Investitures éclate en 1075 au sujet du pouvoir de conférer des titres ecclésiastiques. Le roi de Germanie est alors Henri IV (1056-1106), qui mène une âpre lutte contre le pape Grégoire VII devant lequel il finit par devoir s’incliner à Canossa (1077) avant d’être déposé (1080). Il fait alors élire un antipape puis s’empare de Rome et s’y fait couronner empereur par Clément III (1084).
La querelle des Investitures se termine par le concordat de Worms (1122), signé entre le pape Calixte II et Henri V (1106-1125), fils et successeur d'Henri IV.
Une autorité impériale limitée
À la mort d'Henri V (1125), l'Empire est en pleine crise féodale. De la longue lutte avec le pape, le pouvoir central et l'autorité impériale sortent diminués au profit de l'Église et des petits féodaux souvent alliés contre l'empereur : c'est avec l'appui de l'Église que le duc de Saxe, Lothaire III de Supplinburg, succède à Henri V comme roi de Germanie et empereur. Mais il se heurte à Conrad de Hohenstaufen, qui lui dispute la couronne ; Lothaire le soumet momentanément avec l'appui du guelfe (en allemand, Welf) Henri le Superbe.
2.3. Les Hohenstaufen (1138-1250)
Conrad de Hohenstaufen, duc de Souabe, est élu empereur sous le nom de Conrad III (1138-1152) par les Grands Électeurs – princes laïcs ou ecclésiastiques qui participaient à l'élection de l'empereur – effrayés de la puissance acquise par Henri le Superbe. Sur fond de rivalité entre les Staufen et les Welfs (Guelfes) – les deux familles dont sont issus respectivement ces deux princes –, une longue lutte s’engage entre les deux camps. Une lutte qui recouvre aussi en Allemagne l'opposition existant entre les partisans de la poussée germanique vers l'est (Drang nach Osten) et ceux de la monarchie universelle orientée vers Rome. En fait, les Hohenstaufen laissent aux Welfs tel Henri le Lion (fils de Henri le Superbe) la mission de germaniser et d'évangéliser les Slaves des régions de l'Est (action qui sera poursuivie au xiiie s. par l'ordre Teutonique), tandis qu'eux-mêmes s'orientent vers l'Italie, dont ils sont rois.
Frédéric Barberousse et l'enjeu de l'Italie
Neveu et successeur de Conrad III, Frédéric Ier Barberousse (1152-1190) se fixe comme objectifs :
– de rétablir l'autorité impériale en Italie et en Allemagne,
– d'affirmer la suprématie du pouvoir impérial sur celui des autres rois d'Occident,
– de limiter lepouvoir pontifical au domaine spirituel.
En Allemagne, à laquelle il se consacre à partir de 1177, il brise la puissance d'Henri le Lion ; en Italie, il se heurte aux papes, et notamment à Alexandre III. Ainsi reprend un vieux conflit connu sous le nom de lutte du Sacerdoce et de l'Empire (1154-1250). Quand Frédéric Ier part pour l'Orient en croisade (1189), où il va mourir, ses tentatives de domination sur l'Italie du Nord ont échoué.
Son fils Henri VI le Sévère (ou le Cruel) poursuit la politique de son père en Italie, en Sicile notamment, qu'il cherche à unir à l'Empire. En Allemagne, il doit encore lutter contre Henri le Lion, qui, rentré d'exil, fomente une nouvelle révolte groupant les Welfs et les féodaux rhéno-westphaliens.
À la diète (assemblée politique) de Mayence (1196), il essaie de faire admettre l'hérédité impériale ; il ne peut que faire élire son fils Frédéric II, alors âgé de deux ans, roi des Romains.
Pour en savoir plus, voir l'article histoire de l'Italie.
Frédéric II de Sicile, une personnalité forte et complexe
En 1212, le jeune Frédéric II est réélu à Francfort puis couronné roi des Romains à Mayence. Mais les vrais insignes royaux sont encore aux mains du Welf Otton IV de Brunswick, empereur depuis 1209.
Frédéric II, élevé en Sicile dont il est roi depuis 1198, est davantage attaché à cette île qu'à l'Allemagne, où cependant, avec l'appui du pape, il doit lutter contre ses compétiteurs au trône impérial. Allié au roi de France Philippe Auguste, il profite de la défaite de son rival Oton IV (bataille de Bouvines, juillet 1214) pour s'imposer et se fait de nouveau couronner roi des Romains (1215) à Aix-la-Chapelle puis empereur à Rome (1220).
Le règne de Frédéric II est une longue lutte contre la papauté, cependant que le mariage de l'empereur avec Isabelle d'Angleterre marque la réconciliation des Hohenstaufen avec les derniers Welfs. Mais cette lutte est transposée en Italie dans la guerre civile entre guelfes (partisans du pape) et gibelins (partisans de l’empereur). Le concile de Lyon (1245) dépose Frédéric II, qui meurt cinq ans plus tard, laissant l'Allemagne et l'Italie en proie à l'anarchie.
2.4. Le Grand Interrègne (1250-1273)
La mort de Frédéric II a non seulement consacré l'effondrement des Hohenstaufen, la faillite de l'idéal de monarchie universelle, mais aussi la rupture définitive des liens entre l'Allemagne et l'Italie.
Durant le Grand Interrègne, l'Allemagne n'est plus qu'une mosaïque d'États. Dans l'anarchie générale, ne subsiste qu'une seule puissance durable : la Hanse (ou Ligue hanséatique, née en 1241 et étendue en 1281), qui fait la richesse des villes marchandes de la mer du Nord et de la Baltique (Lübeck, Brême, Hambourg) et aussi de celles du Rhin (Francfort, Strasbourg).
D'autre part se constituent quelques ensembles territoriaux, notamment ceux des maisons de Luxembourg, de Brandebourg et de Habsbourg, promises à un grand avenir.
3. Le Saint Empire et les Habsbourg jusqu'aux traités de Westphalie (1273-1648)
3.1. La restauration de l'autorité impériale en Allemagne (1273-1437)
Le repli sur l'Allemagne
En 1273, Rodolphe de Habsbourg (1273-1291) est élu roi des Romains grâce à l'intervention du pape et des princes allemands. Abandonnant l'aventureuse politique italienne des Hohenstaufen, il renonce à ses droits sur la Sicile pour se consacrer à l'Allemagne, à laquelle l'Empire va désormais progressivement se réduire.
En même temps, il fait des Habsbourg l'une des premières puissances territoriales d'Allemagne en annexant un vaste domaine en Autriche, la Carinthie, la Styrie et la Carniole (ancien nom de la Slovénie) – la maison des Habsbourg s'identifie si bien à ses nouveaux domaines qu'au xve siècle elle prendra le nom de maison d'Autriche.
Cependant Rodolphe ne réussit pas à faire élire son fils Albert roi des Romains. L'ambition habsbourgeoise rencontre en effet des résistances. Adolphe de Nassau est élu empereur (1292-1298) ; Adolphe tué à la bataille de Gölheim, Albert Ier reprend l'Empire (1298-1313). Puis c'est Henri VII de Luxembourg, élu roi de Germanie en 1308, qui se fait couronner à Rome en 1312. À sa mort, un an plus tard, Frédéric de Habsbourg, fils d'Albert Ier, entre en compétition pour l'Empire avec Louis IV de Bavière.
Louis IV de Bavière devient roi des Romains en 1314 ; excommunié par le pape Jean XXII, il parvient néanmoins à se faire couronner empereur à Rome (1328) et y installe un antipape, Nicolas V. Son règne inaugure une véritable politique d'indépendance de l'Empire face à la papauté.
Le système électoral de la Bulle d'or
Charles IV de Luxembourg, roi de Bohême, est élu roi des Romains en 1346 ; il est sacré empereur en 1355. Il affranchit définitivement l'Allemagne de la tutelle pontificale en codifiant un système électoral par la Bulle d'or (1356). Celle-ci règle minutieusement, en dehors de tout couronnement à Rome et de toute sanction pontificale, l'élection du « roi et empereur des Romains » par un collège de sept Électeurs – archevêques de Mayence, de Cologne, de Trèves, roi de Bohême, comte palatin, duc de Saxe, margrave de Brandebourg –, dont deux seulement (comte palatin du Rhin et duc de Saxe) sont autorisés à gouverner l'Empire en cas de vacance du pouvoir : l'empereur est la puissance suprême mais son autorité dépend de l'importance de ses biens.
L'Empire : un conglomérat de principautés
La mort de Charles IV (1378) marque le terme d'une évolution commencée un siècle et demi plus tôt, en 1250, au cours de laquelle le Saint Empire s'est dégagé du mythe de la monarchie universelle, tout en restant un corps inorganisé. Le fils et successeur de Charles IV, Venceslas IV de Bohême (1378-1419), ne peut imposer son arbitrage entre les ligues urbaines et seigneuriales ; son cadet, Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie, est élu roi des Romains en 1411 et couronné empereur à Rome en 1433.
Tandis que la souveraineté de l'empereur se réduit constamment – les liens, ténus avec l’Italie et la Suisse, se distendent également avec la Bourgogne, la Prusse orientale et la Bohême –, l'empereur voit son pouvoir diminuer en Allemagne même.
La diète d'Empire comprend trois collèges : Électeurs, princes, villes, qui délibèrent séparément, les décisions étant soumises à une assemblée générale ; votées, elles sont présentées à l'empereur, qui les ratifie par un édit. En fait, ces décisions sont souvent contestées si l'unanimité n'est pas réalisée, le principe du vote majoritaire n'ayant pu être imposé.
3.2. L'Empire des Habsbourg, la Renaissance et la Réforme (1437-1619)
En 1437, le duc d'Autriche, Albert II de Habsbourg, époux d'Élisabeth, fille de Sigismond, est reconnu par celui-ci, mourant, roi de Bohême et de Hongrie ; il est élu roi des Romains en 1438, mais il meurt dès 1439.
Présenté au concile de Bâle vers 1439, un plan de réorganisation politique anonyme, dit Reformatio Sigismundi, tente de restaurer l'autorité impériale ; seuls quelques articles concernant les tribunaux sont mis à exécution.
La puissance de la maison d'Autriche...
Chef de la maison des Habsbourg, Frédéric III de Styrie (1440-1493), cousin d'Albert II, est élu roi des Romains et empereur. Il est le dernier souverain allemand qui soit allé chercher la consécration pontificale à Rome (1452). Sans autorité réelle sur l'Allemagne, dont il se désintéresse, il voit la Bohême et la Hongrie lui échapper. Mais le mariage de son fils Maximilien avec Marie de Bourgogne (1477), héritière unique de Charles le Téméraire – ce qui lui apporte les Pays-Bas et la Franche-Comté (États bourguignons) –, assure la grandeur de la maison d'Autriche.
... face aux fiefs des princes allemands
Le règne de Maximilien Ier (1493-1519) renforce les liens unissant les États héréditaires des Habsbourg et prépare l'énorme puissance de Charles Quint, son petit-fils.
En Allemagne, Maximilien tente vainement d'organiser un pouvoir central et d'unifier le pays en y étendant les institutions autrichiennes. La seule réforme de portée durable est la division de l'Allemagne en six (plus tard en dix) cercles qui regroupent dans un cadre territorial tous les « immédiats » d'Empire (fiefs relevant directement de l'empereur). Mais sont exclus de cette division les territoires électoraux et ceux de la maison d'Autriche : celle-ci ne s'impose aux Électeurs que par sa puissance et sa richesse.
Charles Quint
Prince des Pays-Bas (1506), roi d'Espagne (1516), roi de Sicile (1516), l'empereur Charles Quint, élu en 1519, se heurte en Allemagne à la faiblesse institutionnelle et politique de l'Empire. Une faiblesse permanente mais que viennent encore aggraver les conséquences de la Réforme protestante.
En mai 1521, après avoir ouvert sa première Diète d’Empire à Worms, devant laquelle comparaît Luther, Charles Quint signe le décret mettant le réformateur, excommunié en janvier, au ban de l’Empire.
Un peu plus de trente ans plus tard, la paix d'Augsbourg (1555) consacre le triomphe de la Réforme dans les États de l'Allemagne du Nord ; elle légalise le principe selon lequel les sujets d'un prince sont contraints d'embrasser la religion de celui-ci (cujus regio, ejus religio) et entérine les sécularisations des biens de l'Église catholique opérées par les princes protestants avant 1552. Quand Charles Quint abdique, en 1556, l'unité de l'Empire est définitivement brisée.
L'Allemagne entre Réforme protestante et Réforme catholique
Roi de Bohême et de Hongrie depuis 1526, roi des Romains depuis 1531, Ferdinand Ier de Habsbourg succède à son frère Charles Quint comme empereur germanique, en fait en 1556, en droit en 1558. Adversaire des protestants, élève et amis des jésuites, il travaille à la Réforme catholique (ou Contre-Réforme) en Allemagne.
Son fils Maximilien II (1564-1576), poursuit d'abord la lutte contre les réformés, puis instaure un régime de tolérance qui favorise les derniers progrès des protestants.
Rodolphe II (1576-1612), fils du précédent, favorise en revanche la Contre-Réforme ; en installant sa capitale à Prague, il s'attire les sympathies des Tchèques, mais aussi l'hostilité des Allemands. Son frère Mathias l'oblige, en 1611, à renoncer à ses États héréditaires ; Rodolphe ne conserve que le titre impérial.
Mathias, élu empereur à la mort de Rodolphe II, choisit comme héritier son cousin l'archiduc de Styrie (Ferdinand II de Habsbourg), catholique intransigeant. Les Tchèques se révoltent (défenestration de Prague, 23 mai 1618). C'est le début de la guerre de Trente Ans.
3.3. La guerre de Trente Ans (1618-1648) et l'affaiblissement du pouvoir impérial
Un pays profondément déchiré
Dès le début du xviie siècle, l'Allemagne est divisée en deux camps hostiles à la fois sur le plan politique (contestations autour de l'autorité de l'empereur) et sur le plan religieux, car, outre le luthéranisme, l'introduction du calvinisme (exclu de la paix d'Augsbourg) a encore compliqué la situation. En face de l'Union évangélique, regroupant les villes et les princes protestants et dominée par les calvinistes (dont son instigateur le comte palatin), se dresse la Sainte Ligue allemande, catholique, du duc de Bavière.
La guerre de Trente Ans est la conséquence de cette division entretenue par des puissances étrangères désireuses d'affaiblir le pouvoir impérial.
Luttes internes et interventions extérieures
Roi de Bohême et de Hongrie, Ferdinand II de Habsbourg se fait, durant son règne comme empereur (1619-1637), le champion de la Contre-Réforme. Il renforce d'abord son autorité par la triple défaite des Tchèques (1620), du comte palatin et du roi de Danemark (1621-1629). La couronne élective de Bohême est déclarée héréditaire au profit des Habsbourg, le Palatinat électoral échoit au duc de Bavière, et l'empereur impose aux princes protestants l'édit de Restitution des biens sécularisés depuis 1552.
L'intervention suédoise (1631) et l'intervention française, d'abord diplomatique (1630) puis militaire (1635), retournent la situation au détriment de Ferdinand II, puis de son fils et successeur Ferdinand III (1637-1657), qui doit accepter, en 1648, les dures conditions des traités de Westphalie.
L'Allemagne morcelée
Ces traités ruinent tout espoir d'unification de l'Allemagne en la morcelant en quelque 350 États.
Les « libertés germaniques » des États du Saint Empire sont placées sous la protection des puissances signataires. Le nombre des Électeurs est porté à huit : cinq catholiques contre deux luthériens et un calviniste, cinq laïques contre trois ecclésiastiques. En fait, les traités de Westphalie traduisent l'échec de la politique des Habsbourg visant à arracher l'Empire à son impuissance traditionnelle, et aussi l'échec de la Contre-Réforme en Allemagne, la paix d'Augsbourg de 1555 étant ainsi en fait confirmée.
4. La fin du Ier Reich (1648-1806)
Le Ier Reich (d'un mot allemand qui signifie empire) – c'est-à-dire le Saint Empire romain germanique, qui a pris naissance à la fin du xe siècle, n'est plus, au xviiie siècle, qu'une institution prestigieuse dénuée de pouvoir réel. Réduit, depuis l'élection de Rodolphe de Habsbourg en 1273, au seul royaume de Germanie, il a connu son apogée dans la première moitié du xvie siècle, sous Maximilien Ier et Charles Quint. Mais son unité s'est brisée sous l'impact de la Réforme et de la Contre-Réforme, et a finalement éclaté en une multitude d'États princiers.
4.1. Vie économique, société et culture en Allemagne aux xviie et xviiie s.
La guerre de Trente Ans (1618-1648) et les épidémies ont ruiné le pays, qui a perdu 40 % de sa population rurale et 30 % de sa population urbaine. Le grand commerce hanséatique est en voie de régression, tandis que les princes, devenus en fait indépendants, s'intéressent à l'économie, encore que l'essor de celle-ci soit longtemps gêné par le manque de capitaux et la hausse des prix.
C'est au xviiie s. que l'Allemagne est touchée par la mutation économique : l'exemple est donné par la famille des Hohenzollern, qui transforment une principauté médiévale (Brandebourg-Prusse) en État moderne.
La société allemande est alors une société d'ordres, où le clergé – divisé en plusieurs confessions – et la noblesse doivent compter avec l'importance des villes libres de l'Empire et avec une bourgeoisie urbaine active.
Cependant, les paysans constituent 80 % de la population, si bien que la société est encore, à la fin du xviiie s. de type ancien, paysanne et artisanale, mais le paysan de l'Ouest est plus heureux que celui de Poméranie et de Prusse, où le régime féodal sévit sous diverses formes. La révolution industrielle, qui bouleverse alors l'Angleterre, ne touche que très partiellement l'Allemagne.
Après un siècle de luttes confessionnelles, la tolérance religieuse s'établit, et on voit même se former les prémices d'un certain œcuménisme. Le protestantisme allemand est parcouru par des courants de renouveau mystique ou de religiosité : piétisme, Frères moraves, illuminisme.
Une civilisation allemande se forge, grâce à de très vivantes universités, où l'abandon progressif du latin au profit de l'allemand contribue à créer une langue unique et aussi à favoriser le sentiment national.
L'idée d'une patrie allemande commune se développe en grande partie par hostilité à la France, accusée notamment de la dévastation du Palatinat (1689). Mais cette hostilité se double curieusement d'une forte attirance : les modes françaises, la littérature française, l'art français triomphent partout. Les villes nouvelles, les capitales d'États, les résidences princières sont souvent doublées d'un « petit Versailles ».
Cependant, la littérature et l'art proprement allemands connaissent déjà un vif éclat, notamment sous la forme du baroque.
Pour en savoir plus, voir les articles art baroque, littérature allemande.
4.2. La montée des Hohenzollern et de la Prusse
À partir du milieu du xviie siècle, les empereurs de la maison des Habsbourg qui se succèdent à la tête du Ier Reich se désintéressent en fait de l'Allemagne au profit de l'Italie et de l'Europe balkanique et danubienne, et la diète germanique a beau devenir permanente (1664), elle est incapable de promouvoir une politique allemande commune.
Il revient néanmoins à Marie-Thérèse, qui exerce la réalité du pouvoir aux côtés de son époux François Ier (1745-1765), puis de son fils Joseph II (1765-1790), avec qui elle gouverne en co-régence, d'avoir mené une politique réformatrice, renforçant la centralisation et modernisant l'État. Archiduchesse d'Autriche (1740-1780), reine de Bohême et de Hongrie, l'impératrice défend l'héritage des Habsbourg mais ne peut empêcher l'ascension du royaume de Prusse.
Face aux Habsbourg catholiques se dresse en effet l'ambition grandissante d'une dynastie protestante, les Hohenzollern.
Un despote éclairé : Frédéric II de Prusse
L'année 1701 est, de ce point de vue, décisive : cette année-là, l'Électeur de Brandebourg, Frédéric Ier de Hohenzollern, qui a aidé Léopold Ier durant la guerre de la Ligue d'Augsbourg (1688-1697), obtient en échange le titre de « roi de Prusse ».
Sous le règne de son petit-fils, Frédéric II le Grand (1740-1786), type même du despote éclairé (il est lui-même auteur de l'Anti-Machiavel,, a fait venir Voltaire à Postdam, son « petit Versailles prussien »), les Lumières allemandes (Aufklärung) se développent chez les philosophes. Qu'est-ce que les Lumières ? d'Emmanuel Kant (1784) en est l'un des textes fondamentaux. La Prusse obtient, au détriment des Habsbourg, des gains territoriaux et politiques tels qu'elle devient la principale puissance allemande.
4.3. L'Allemagne, la Révolution française et Napoléon (1789-1806)
La Révolution française de 1789 éveille d'abord en Allemagne des échos favorables. Rapidement l'inquiétude gagne l'Empire, mais les adhésions idéologiques n'affectent qu'une élite. D'autre part, trop de différences politiques et sociales séparent Allemands et Français.
Par ailleurs, la guerre, dès 1792, oppose la France révolutionnaire à l'Autriche et à la Prusse, puis à l'Empire germanique en 1793. Après les campagnes de 1796 et 1797, qui coûtent cher aux Habsbourg, il est impossible de trouver une solution aux problèmes allemands (congrès de Rastatt).
9 février 1801 : conclu entre la France et l'Autriche, le traité de Lunéville, qui clôt la seconde campagne menée par les Français contre les Habsbourg en Allemagne (général Moreau) et en Italie (général Bonaparte), confirme les dispositions de Campoformio et consacre l'accroissement de la puissance française en Italie ; il reconnaît à la France toute la rive gauche du Rhin et prévoit des dédommagements pour les princes allemands ainsi dépossédés.
24 mars 1803 : le procès-verbal de la diète de Ratisbonne simplifie la carte de l'Allemagne en diminuant considérablement le nombre des États.
1805 : le traité de Presbourg, qui clôt la 3e coalition (bataille d'Austerlitz), rend de fait indépendants de l'autorité de l'empereur et de la diète les nouveaux rois de Bavière et de Wurtemberg, ainsi que le grand-duc de Bade.
1806 : Napoléon crée la Confédération du Rhin (12 juillet). François II délie les Allemands du serment de fidélité à l'empereur (6 août). Le Saint Empire romain germanique a vécu.
5. De Napoléon Ier à la fondation du IIe Reich (1806-1871)
5.1. La Confédération du Rhin et le réveil national (1806-1814)
La Confédération du Rhin (Rheinbund), dont Napoléon est le « protecteur », est formée de seize principautés allemandes auxquelles se joignent le royaume de Westphalie et, en 1807, le grand-duché de Varsovie. En fait, cette confédération s'avère un édifice fragile.
Vaincue par les Français au cours de la 4e coalition (bataille d'Iéna, bataille de Auerstedt, 14 octobre 1806), la Prusse est amputée de moitié par application du traité de Tilsit (juillet 1807).
Paradoxalement, cet effondrement est aussi le point de départ du relèvement prussien, dont les principaux artisans sont le prince Hardenberg sur le plan social, le général Scharnhorst dans le domaine militaire et le philosophe Fichte, dont les quatorze Discours à la nation allemande (Berlin, 1807-1808) exaltent le sentiment national.
Les universités (celle de Berlin est fondée en 1810), où les étudiants se groupent en sociétés secrètes (tel le Tugendbund), sont de puissants foyers de nationalisme.
1810-1811 : les développements du Blocus continental obligent Napoléon à annexer à l'empire français les côtes de la mer du Nord et Lübeck ; mais, si l'Allemagne souffre de la pénurie des denrées coloniales, elle peut profiter de l'effacement momentané de l'Angleterre pour développer son industrie textile.
1813-1814 : à la suite des revers français en Russie, l'Allemagne, derrière la Prusse, se lance avec enthousiasme aux côtés des Alliés dans la « guerre de libération », encore que l'hostilité à la Prusse reste très forte en Rhénanie. Après la bataille de Leipzig (1813), le maréchal prussien Blücher franchit le Rhin. En avril 1814, le roi de Prusse entre à Paris avec le tsar de Russie.
5.2. La Confédération germanique (1815-1866)
En 1815, le congrès de Vienne donne une structure nouvelle à l'Allemagne. À la place du Saint Empire est créée une Confédération germanique (Deutscher Bund) de 39 États autonomes, dont l'Autriche et la Prusse (une Prusse fortifiée et agrandie, en Rhénanie notamment). Toute l'histoire de la Confédération est marquée par la rivalité austro-prussienne. Placée sous la présidence honorifique de l'empereur d'Autriche, la Confédération a comme organe essentiel la diète de Francfort.
Au début, les deux puissances, Autriche et Prusse, ont à faire face à un fort courant libéral, hostile à la restauration de l'ancien régime fondé sur les privilèges et les particularismes. En même temps se fortifie le mouvement unitaire. Une grande fédération, la Burschenschaft, où dominent bourgeois et intellectuels, et de nombreuses associations d'étudiants agitent dans ce sens le pays. La répression, menée par le chancelier autrichien Metternich avec l'assentiment de la Prusse (congrès de Karlsbad, 1819), étouffe la vie politique en Allemagne.
En fait, la Prusse pousse à l'unification de l'Allemagne à son profit par une action économique efficace. De 1818 à 1833 se constitue, autour d'elle et grâce à elle, une union douanière, le Zollverein, qui prélude à l'unité nationale en supprimant les barrières douanières entre une vingtaine d'États.
5.3. La révolution de 1848
En mars 1848, la révolution éclate en Allemagne ; elle est favorisée par la crise économique de 1847, la propagande anarchiste (Stirner) et socialiste (Weitling, Marx, Engels), et par l'annonce de la révolution de février en France. Cette révolution est à la fois libérale et nationale.
Un Parlement préparatoire (Vorparlament), réuni à Francfort du 31 mars au 4 avril, décide l'élection au suffrage universel d'une assemblée nationale allemande de 586 députés, chargée d'élaborer une Constitution unitaire.
Le 18 mai, cette assemblée se réunit pour la première fois à Francfort. Ses aspirations sont étouffées par les princes et par les radicaux ; son action est gênée par sa division en deux blocs hostiles : les partisans de la grande Allemagne avec l'Autriche et ceux de la petite Allemagne sans l'Autriche.
Cette dernière solution ayant été adoptée en mars 1849, la couronne impériale est naturellement offerte au roi de Prusse, Frédéric Guillaume IV, qui, hostile par ailleurs à une libéralisation de la Constitution prussienne, refuse cette couronne mais cherche à se la faire offrir par les princes (union restreinte).
Le 29 novembre 1850 à Olmütz, le prince Felix Schwarzenberg, chancelier d'Autriche, impose au roi de Prusse de renoncer à ses projets, humiliation qui pèsera lourdement sur les relations austro-prussiennes.
5.4. Guillaume Ier et Bismarck
La Prusse, socle de l'unité allemande
La Prusse, dans la lutte pour l'unité allemande qui va reprendre plus fortement que jamais, possède plusieurs atouts : sa puissance économique – qui s'affirme surtout depuis l'industrialisation des provinces rhénanes – et aussi l'action diplomatique et militaire du roi Guillaume Ier (successeur en 1861 de son frère Frédéric Guillaume IV), ainsi que celle de Bismarck, Premier ministre à partir de 1862.
Réorganisée par Moltke et Roon, l'armée prussienne prouve son efficacité contre le Danemark (guerre des Duchés de Slesvig, Holstein et Lauenburg, 1864) et contre l'Autriche, qui, vaincue à Sadowa (1866), doit accepter par la paix de Prague de se retirer des affaires d'Allemagne. C'est une étape décisive sur la voie de l'unité allemande.
La Confédération de l'Allemagne du Nord (1867-1870)
Bismarck organise alors, sous l'égide de la Prusse, une Confédération de l'Allemagne du Nord, comprenant tous les États (vingt-deux) situés au nord du Main. Cette Confédération, qui durera trois ans (1867-1870), a comme président héréditaire le roi de Prusse, chef de la diplomatie et des armées. Celui-ci nomme un chancelier fédéral – Bismarck –, réel détenteur du pouvoir ; il peut dissoudre le Reichstag, chambre législative élue au suffrage universel, mais non le Bundesrat (Conseil fédéral), véritable chambre haute formée de 43 délégués nommés par les souverains des États confédérés.
La Confédération se donne un drapeau national, qui unit le rouge du Brandebourg et des villes hanséatiques au blanc et noir du pavillon prussien.
Provisoirement, les quatre États de l'Allemagne du Sud – Hesse-Darmstadt (en partie), Bade, Wurtemberg, Bavière –, qui répugnent à la domination prussienne, restent en dehors de la Confédération. Mais Bismarck signe avec eux des conventions militaires qui les obligent, en cas de guerre, à marcher avec la Prusse ; il les englobe même dans l'union douanière (Zollverein).
La guerre franco-allemande (1870-1871)
Il ne reste plus qu'à sceller l'unité politique du Nord et du Sud. Par une action diplomatique retorse (dépêche d'Ems), Bismarck amène la France à lui déclarer la guerre (juillet 1870). La guerre franco-allemande se solde par une victoire éclatante des armées allemandes.
Sur les ruines de l'Empire français de Napoléon III, l'Empire allemand (IIe Reich) est proclamé (Versailles, 18 janvier 1871). Guillaume Ier en est le premier titulaire, Bismarck le premier chancelier.
Le 10 mai 1871, le traité de Francfort signé avec la France cède à l'empire allemand l'Alsace et une partie de la Lorraine, et lui accorde une indemnité de 5 milliards de francs à 5 % d'intérêts (plus 266 millions de dettes de guerre), qui vont contribuer à développer son économie.
5.5. La société et l'économie allemandes au xixe s.
La révolution industrielle marque alors profondément l'Allemagne.
De 25 millions d'habitants en 1815, la Confédération passe à 38 millions en 1870 ; cet accroissement, dû surtout à une forte natalité, crée d'ailleurs un large courant d'émigration, vers les États-Unis surtout.
Une industrialisation massive après 1850
Elle est liée :
– aux progrès de l'extraction du charbon dans la Ruhr (2 millions de tonnes en 1850, 12 millions de tonnes en 1870) ;
– à l'adoption de techniques modernes dans le textile, la sidérurgie (Westphalie, Silésie, aujourd'hui sud-ouest de la Pologne), la chimie surtout, domaine où l'Allemagne assure dès lors sa suprématie ;
– à l'essor du trafic ferroviaire (500 km de voies ferrées en 1840, 18 000 km en 1870) ;
– à la meilleure navigabilité du Rhin et à la puissance des compagnies de navigation ;
– enfin et surtout à l'union douanière, le Zollverein, qui assure une politique économique rationnelle.
L'unité monétaire étant assurée dès 1857, le marché financier se développe, les établissements de crédit se multiplient. Après des fluctuations et des crises cycliques (celle de 1846-1847 est la plus grave), l'économie allemande profite d'une conjoncture très favorable.
Bourgeoisie, ruraux, prolétariat urbain
L'urbanisation suit le rythme de l'industrialisation. L'Allemagne des confédérations voit s'épanouir, comme les autres pays occidentaux, une puissante classe bourgeoise, privilégiée par rapport aux ruraux et aux ouvriers.
Les ruraux, qui en 1870 forment encore 64 % de la population, sont parfois des paysans aisés (Wurtemberg, Bavière) ; mais ceux de l'Est sont encore sous la domination des junkers, propriétaires de grands domaines. Ailleurs, fermiers, métayers et ouvriers agricoles constituent un prolétariat rural, qui est attiré par les villes et grossit le prolétariat industriel. L'artisanat, fort répandu, est de plus en plus concurrencé par la grande industrie à structure capitaliste.
Tout naturellement, au sein d'un prolétariat ouvrier de plus en plus nombreux et dont les conditions de vie sont assez misérables, les idées socialistes font rapidement leur chemin.
Le mouvements des idées
Or les théoriciens du socialisme sont nombreux en Allemagne : Marx et Engels, dont l'influence sera prépondérante dans le mouvement ouvrier allemand ; Monseigneur Ketteler, évêque de Mayence, tenant d'un socialisme chrétien ; Ferdinand Lassalle, partisan d'un socialisme national protégé par l'État. En 1869, au congrès d'Eisenach, le courant marxiste triomphe (Bebel, Wilhelm Liebknecht) avec la formation de la social-démocratie (parti ouvrier social-démocrate), qui adhère à la Ire Internationale.
Sur les plans culturels et artistiques, la période 1806-1870, d'abord marquée par le romantisme, est une des plus fécondes dans l'histoire de la civilisation allemande : musique et littérature notamment témoignent d'une prise de conscience du génie national, génie que le militarisme prussien triomphant en 1871 va partiellement détourner de sa voie.
→ le romantisme en littérature
6. Le IIe Reich (1871-1918)
6.1. L'Empire sous l'égide de Bismarck (1871-1890)
Le nouvel Empire allemand, c'est-à-dire l'ancienne Confédération de l'Allemagne du Nord et les quatre États du Sud (Hesse-Darmstad, Bade, Wurtemberg, Bavière), couvre un peu plus de 540 600 km2. L'Alsace-Lorraine est la propriété commune des 25 États allemands.
Les institutions
L'Empire allemand est fédéral : les 25 États gardent leurs dynasties et leurs assemblées. Mais l'organisation militaire, les postes, la monnaie sont communes à tous. Les intérêts des États sont défendus par un Bundesrat groupant leurs représentants élus selon le système des classes ; la Prusse y jouit d'ailleurs d'une position prépondérante.
Une assemblée nationale, le Reichstag, est élue au suffrage universel à scrutin unique : elle vote le budget et les lois, mais ces dernières doivent être soumises à la ratification du Bundesrat.
Le premier Reichstag, élu en mars 1871, vote la Constitution impériale dès le 16 avril.
Le roi de Prusse, Guillaume Ier, est empereur héréditaire. Les affaires – et notamment la diplomatie – sont entre les mains du chancelier Bismarck. Celui-ci consolide son œuvre unitaire en faisant émettre le mark par une banque d'Empire (1875), en mettant en place un Code de procédure civile et criminelle (1872-1876), en créant le septennat militaire (1874), en travaillant à la germanisation des minorités nationales.
Les grandes lignes de la politique intérieure
Bismarck se heurte à la double hostilité des conservateurs protectionnistes (lui-même est libre-échangiste) et des catholiques du Zentrum (parti du Centre, dirigé par Ludwig Windthorst). Contre l'Église catholique d'Allemagne il lance le Kulturkampf, ensemble de mesures visant à combattre l'infuence du clergé. Ayant besoin de l'appui du Zentrum, dont le poids ne fait que croître, il abandonne cette politique religieuse anticatholique après l'avènement du pape Léon XIII en 1878.
Afin de protéger l'agriculture allemande et, surtout, de procurer au Reich de nouvelles ressources financières qui le rendraient moins dépendant des contributions des États, Bismarck rompt avec le libéralisme et le libre-échange (1879). Cette volte-face a la faveur des conservateurs, du Centre et d’une partie des nationaux-libéraux et elle répond aux intérêts de certains industriels (métallurgie, sidérurgie et textile) et des grands propriétaires terriens de l’Est (junkers).
Dans le même temps, Bismarck entend enrayer la progression du parti social-démocrate fondé en 1875 (Sozialdemokratische Partei Deutschlands [SPD]), en faisant voter par le Reichstag nouvellement élu une loi antisocialiste (1878) et en adoptant des mesures sociales très avancées pour l’époque (assurances obligatoires, 1883-1889). Mais l’objectif escompté n’est pas atteint puisqu’en 1890, après le refus par le Reichstag de renouveler les lois d’exception, le SPD progresse avec 35 élus et près d’un million et demi de voix.
La politique extérieure de Bismarck
Bismarck est, durant vingt ans, l'arbitre de l'Europe. Son principal souci est d'isoler la France et d’encourager les rivalités entre les autres puissances pour éviter qu’elles ne s’allient contre l’Allemagne. Pour éviter une alliance franco-russe, il met sur pied un système d'alliances complexe mais efficace, s'appuyant à la fois sur l'Autriche-Hongrie et la Russie (alliance des Trois empereurs, 1881, traité « de réassurance » avec la Russie, 1887).
Sa maîtrise diplomatique fait de lui le pivot de la politique internationale, comme en témoigne son rôle au congrès de Berlin (1878), qui stoppe l'avance russe dans les Balkans, et à la conférence de Berlin (1884-1885), qui délimite les sphères d'influence européennes en Afrique.
Guillaume Ier meurt en 1888. Son fils Frédéric III, aux convictions libérales et très hostile au tournant autoritaire de Bismarck, ne règne que quelques semaines (mars-juin 1888). Le jeune Guillaume II (1888-1918), fils de Frédéric III, décidé à prendre seul les rênes du pouvoir, se heurte à Bismarck. Ce dernier, ayant de plus perdu la majorité au Reichstag, doit présenter sa démission en 1890.
6.2. L'Empire sous le règne de Guillaume II (1890-1918)
Quatre chanceliers se succèdent sous Guillaume II : Caprivi (1890-1894), Hohenlohe (1894-1900), Bernhard von Bülow (1900-1909), Bethmann-Hollweg (1909-1917). Aucun n'a une action comparable à celle de Bismarck. C'est avant tout l'empereur qui gouverne.
À l'intérieur, avec des moyens moins violents, le Kaiser – comme on désigne l'empereur d'Allemagne et en particulier Guillaume II – poursuit sans succès la lutte contre la social-démocratie, qui, en 1910, est le parti le plus nombreux au Reichstag. Dans les provinces polonaises, le gouvernement tente une germanisation forcée ; en Alsace-Lorraine, il applique une politique tantôt répressive, tantôt conciliatrice.
Une politique étrangère ambitieuse...
À l'extérieur, fort d'un essor économique considérable, l'impérialisme allemand s'affirme. Le pangermanisme et le nationalisme se développent.
Les termes Weltpolitik (politique mondiale), Weltwirtschaft (économie mondiale) traduisent cette nouvelle ambition internationale de l’Allemagne – ambition qui nécessite notamment un renforcement de ses capacités militaires, en particulier de la marine afin de rivaliser avec la puissante flotte britannique.
Alors que Bismarck s’était engagé temporairement et sans conviction dans une politique coloniale (Sud-ouest africain, Togo, Cameroun, colonies allemandes depuis 1884), Guillaume II soutient plus activement ce mouvement.
... mais qui tend à isoler l'Allemagne
Par ses démonstrations de force – voyage de Guillaume II à Tanger (1905), crise d’Agadir (1911) –, l’Allemagne se retrouve de plus en plus isolée, comme lors de la conférence d’Algésiras sur le Maroc (1906), tandis que la France ne l’est plus depuis l’alliance franco-russe (1892) et l’Entente cordiale avec la Grande-Bretagne (1904).
De plus, en soutenant l’Autriche-Hongrie dans les Balkans, l’Allemagne rencontre aussi l’hostilité de la Russie qui se rapproche de plus en plus des deux puissances occidentales (accord anglo-russe de 1907) au sein de ce qui devient la Triple-Entente.
6.3. La puissance allemande sous Bismarck et Guillaume II
De 1871 à 1914, la population du Reich passe de 41 millions à 67 millions d'habitants, accroissement dû moins à la natalité (qui reste élevée mais baisse comme partout) qu'à la diminution sensible de la mortalité. Le taux de la population urbaine passe, durant le même temps, de 36 % à 63 %. Près de cinquante villes, en 1914, dépassent 100 000 habitants.
L'urbanisation est corrélative à l'industrialisation : la production de la houille passe de 26 millions de tonnes à 190 millions de tonnes, celle de l'acier de 1 million de tonnes à 18 millions de tonnes ; l'industrie chimique allemande exerce une prépondérance incontestée.
Voies d'eau habilement aménagées, réseau ferroviaire dense (65 000 km en 1914) et peu centralisé, ports en plein essor (le tonnage de Hambourg passe de 6 millions à 15 millions), flotte marchande qui, en 1914, représente 12 % de la puissance mondiale : tels sont les principaux atouts d'une économie fortement regroupée en cartels et konzerns (consortiums industriels). Les produits fabriqués en Allemagne sont alors présents partout dans le monde.
Une législation sociale avancée n'a pas tout réglé : la classe ouvrière vit encore dans des conditions qui expliquent l'ampleur du socialisme marxiste, mais on ne peut pas parler de paupérisation. Dans l'ensemble, l'agriculture est négligée par apport à l'industrie ; l'Allemagne ne peut nourrir une population pléthorique : elle doit importer des produits agricoles, de Russie et des États-Unis surtout.
L'un des points noirs reste, en 1914, l'opposition latente des populations récemment intégrées dans l'Empire : Alsaciens-Lorrains, Danois du Schleswig, Polonais.
7. D'une guerre mondiale à l'autre (1914-1945)
7.1. La Première Guerre mondiale et ses suites
L'Allemagne, comme la France, aborde la guerre mondiale qui embrase l'Europe en 1914 dans un esprit d'« union sacrée » : les sociaux-démocrates eux-mêmes s'y associent en grande majorité ; mais, à partir de 1917, une minorité agissante s'insurgera contre la continuation des hostilités (→ spartakisme).
Assez rapidement, l'Allemagne, victorieuse des Russes (1917) mais fixée sur le front français par une guerre interminable et meurtrière, ressent les effets de la guerre, sur le plan économique notamment (hausse des prix, rationnement des denrées).
En 1917, et surtout au cours de l'hiver 1917-1918, le moral de la population est gravement atteint ; beaucoup sont partisans d'une « paix d'entente », et le spartakisme gagne dans l'opinion, provoquant des grèves.
La défaite allemande de novembre 1918, si elle laisse un pays intact sur le plan matériel, trouve une nation profondément démoralisée, et qui a perdu 1 810 000 hommes (sur 13 millions de mobilisés).
Dès le 3 octobre 1918, Guillaume II, pressé par le haut commandement, fait appel au prince Maximilien de Bade comme chancelier, mais celui-ci est débordé par le mouvement révolutionnaire. Le 31 octobre, le gouvernement conjure Guillaume II d'abdiquer : son refus ouvre la voie à la révolution ; le Kaiser n'abdique que le 9 novembre et se réfugie aux Pays-Bas. Le 10, Maximilien de Bade s'efface devant le gouvernement provisoire du social-démocrate Ebert. La république allemande a été proclamée la veille.
Pour en savoir plus, voir l'article Première Guerre mondiale.
7.2. La République de Weimar (1919-1933)
En 1919, alors que la révolution spartakiste déferle sur l'Allemagne, le gouvernement provisoire du conseil des commissaires du peuple, présidé par Ebert, décide de faire procéder à l'élection d'une assemblée nationale constituante. Réunie à Weimar (6 février 1919), elle élit Ebert président (11 février) ; celui-ci charge Scheidemann de former un gouvernement de coalition (13 février) comprenant les sociaux-démocrates du SPD (grand vainqueurs du scrutin), les catholiques du Zentrum et les progressistes du DDP (gauche des nationaux-libéraux).
Une nouvelle Constitution
La Constitution, compromis entre le régime bismarkien et la démocratie, est promulguée le 11 août. Le nouveau Reich est composé de 17 États (Länder), qui conservent leurs assemblées et leurs gouvernements (républicains), et sont représentés au Conseil du Reich (Reichsrat) au prorata de leur population, clause qui maintient le rôle prépondérant de l'État prussien au sein du Reich. Ces États consentent à élargir la compétence administrative du Reich non seulement à l'armée et à la diplomatie, mais aussi aux postes et aux moyens de communication.
Le pouvoir législatif fédéral est partagé entre le Reichsrat (aux pouvoirs restreints) et le Reichstag, élu pour quatre ans au suffrage universel : le gouvernement est responsable devant le Reichstag, qui prépare et vote les lois et le budget.
Le pouvoir exécutif est détenu par le président de la République, élu pour sept ans au suffrage universel (citoyens de plus de 25 ans) et rééligible. Il peut dissoudre le Reichstag, mais celui-ci peut proposer au peuple la déchéance du président de la République. Le chef de l'État désigne le chancelier, chef du gouvernement.
En janvier 1919, les spartakistes sont écrasés par le gouverneur de Berlin, Gustav Noske, qui, ministre de l'armée, recrute des Corps francs, ce qui facilite le putsch nationaliste de Kapp-Luttwitz. Après l'échec de ce putsch, Noske doit se retirer (mars 1920).
Le « Diktat » du traité de Versailles
Ebert, président de 1919 à 1925, a comme successeur le candidat des nationalistes, le maréchal Hindenburg. Hindenburg se montre incapable de s'opposer à la surenchère nationaliste dont le général Ludendorff et, dès 1923-1925, le parti national-socialiste des travailleurs allemands (Nationalsocialistische Deutsche Arbeiterpartei [NSDAP], créé par Hitler en 1920) se font les promoteurs zélés. Cette surenchère s'appuie sur la plus grande partie de l'opinion allemande, révoltée par le « Diktat » de Versailles.
En effet, le traité de Versailles (28 juin 1919), auquel l'Allemagne a été obligée de souscrire à la fin de la guerre, a imposé au Reich, outre la restitution de l'Alsace-Lorraine à la France, de la Posnanie à la Pologne, du Schleswig du Nord au Danemark, de dures conditions : cession des colonies, réduction de l'armée à 100 000 hommes, lourdes réparations.
L'Allemagne ruinée
Le refus de l'Allemagne de payer intégralement ces réparations (refus qui provoque l'occupation française de la Ruhr [1923-1925]) et l'impossibilité d'employer l'énorme capacité de production de l'industrie allemande provoquent une crise économique qui frappe surtout la classe moyenne. Cette crise est elle-même à l'origine d'une inflation galopante, que la création du Reichsmark (1924), puis l'application des plans Dawes (1924) et Young (1930) finissent par arrêter.
Sur le plan diplomatique, le ministre des Affaires étrangères Gustav Stresemann (1923-1929) mène une politique modérée qui l'amène à se rapprocher de la France (Aristide Briand) et à signer une série d'accords avec les Alliés. À la suite, notamment, des accords de Locarno (1925), il obtient une évacuation accélérée des zones occupées et l'admission de l'Allemagne à la Société des Nations (SDN).
La crise de 1929 marque la fin de cette période d'équilibre. Dès 1932, l'Allemagne compte 6 millions de chômeurs. Tandis que la social-démocratie décline, le parti communiste (Kommunistische Partei Deutschlands [KPD], né en 1919) se renforce (100 députés en novembre 1932), ce qui contribue à affaiblir encore le régime. Les espoirs de beaucoup se tournent vers le national-socialisme.
La montée du national-socialisme
Mêlant antisémitisme, antilibéralisme et nationalisme, le NSDAP (Parti national-socialiste [nazi]) dirigé par Hitler est alors en pleine ascension. Il trouve son principal soutien auprès des classes moyennes menacées par la crise mais aussi d’une partie de la classe ouvrière, tandis que certains industriels lui apportent leur appui financier. Dès 1930, il compte 107 députés au Reichstag en obtenant plus de 6 millions de voix contre à peine 800 000 en 1928.
Les derniers chanceliers de la République, Brüning, F. von Papen, Schleicher, ne gouvernent qu'avec des majorités sans lendemain. F. von Papen, croyant pouvoir utiliser les nazis, autorise même les formations paramilitaires du parti nazi, les SA et les SS.
Dès lors, les événements se précipitent. Si, en avril 1932, Hindenburg est réélu président face à Hitler avec le soutien des sociaux démocrates du SPD et des catholiques, les élections de juillet sont un triomphe pour le NSDAP qui obtient 230 députés – et bien que reculant à l’issue du nouveau scrutin anticipé de novembre, le parti nazi conserve 196 sièges dans un Reichstag toujours ingouvernable. Après avoir repoussé jusque-là cette option, Hindenburg appelle finalement Hitler à la chancellerie le 30 janvier 1933.
7.3. Le IIIe Reich (1933-1945)
Le 27 février 1933 a lieu l'incendie du palais du Reichstag ; les nazis en attribuent la responsabilité au parti communiste, qui est mis hors la loi et persécuté – tout comme les Juifs, les socialistes, les chrétiens. C'est alors que s'ouvrent les camps de concentration nazis.
Hitler, maître absolu du Reich
Le 24 mars 1933, le Reichstag donne les pleins pouvoirs à Hitler. Le parti national-socialiste étant le seul admis, le IIIe Reich est une dictature noyautée par une police politique redoutable (Gestapo) qui se transforme bientôt en régime totalitaire (national-socialisme).
Voulant conserver l'appui du grand état-major, Hitler sacrifie les extrémistes de son parti (tel le dirigeant des SA, Röhm), ainsi que Strasser, Schleicher, et des centaines d'autres lors de la Nuit des longs couteaux, le 30 juin 1934. En août, la mort d'Hindenburg fait de Hitler, déjà chancelier, le chef de l'État.
Hitler, maître absolu (Reichsführer), appuyé sur une opinion fanatisée qui le plébiscite, pratique une autarcie aussi complète que possible. Une politique de grands travaux, favorisée par la formation du Front du travail, réduit le chômage et prépare l'Allemagne à une guerre qui devient imminente à partir de 1938, tandis que la concentration industrielle favorise le développement des consortiums industriels (konzerns).
Par ailleurs, en trois ans (1933-1936), Hitler abolit toutes les limitations prévues par le traité de Versailles pour les forces armées allemandes ; il réoccupe la Rhénanie (1936), pendant que se constitue l'axe Rome-Berlin avec l'Italie de Mussolini. Quant à l'accord naval anglo-allemand (1935), il permet la renaissance de la flotte allemande.
L'Allemagne en guerre
Dès lors, Hitler amorce les annexions qui conduiront à la Seconde Guerre mondiale. En 1938, l'Anschluss, c'est-à-dire le rattachement imposé de l'Autriche à l'Allemagne, est réalisé. Les accords de Munich (septembre 1938) entre la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie cautionnent le démembrement de la Tchécoslovaquie, pays qui est en grande partie (Bohême-Moravie) placé sous le protectorat allemand (1939). Enfin, désireux d'occuper le « couloir » de Dantzig, Hitler fait envahir la Pologne ; cette agression provoque l'entrée en guerre de la France et de l'Angleterre.
L'histoire de l'Allemagne entre 1939 et 1945 est inséparable de celle de la Seconde Guerre mondiale. Un énorme effort de guerre aboutit d'abord à des offensives victorieuses, à l'ouest (1940) comme à l'est (1941). Puis, peu à peu, et surtout à partir de 1943, les bombardements aériens violents des Alliés font peser sur le Reich une menace qui se précise après le désastre de Stalingrad (1943) [guerre germano-soviétique] et surtout après le débarquement allié en Normandie (1944).
En 1945, l'Allemagne devient le théâtre des dernières offensives alliées. Quand, le 8 mai, quelques jours après la mort (par suicide probablement) de Hitler, les chefs militaires allemands signent la capitulation, ils laissent un pays ravagé, épuisé, désorganisé et totalement occupé par les Alliés.
Pour en savoir plus, voir l'article Seconde Guerre mondiale.
L'adhésion – voire le soutien – des Allemands au national-socialisme a pesé sur l'histoire allemande après 1945. Le philosophe et psychiatre allemand Karl Jaspers tente, le premier, d'analyser la question de la responsabilité collective des Allemands dans Die Schuldfrage (La question de la culpabilité), écrit dès 1946. Depuis, cette question a joué un rôle majeur dans la conscience nationale allemande.
8. De la capitulation à la création des deux États allemands (1945-1949)
8.1. L'Allemagne sous l'administration des vainqueurs de la guerre
Le 5 juin 1945, les gouvernements alliés annoncent qu'ils prennent en charge la direction de l'Allemagne, ramenée à ses frontières de 1937, c'est-à-dire d'avant l'Anschluss, et diminuée toutefois de la Poméranie-Orientale, de la Silésie (dont l'administration est confiée à la Pologne) et de la Prusse-Orientale (partagée entre l'URSS et la Pologne).
Le pays restera quatre ans sans gouvernement, l'autorité de l'État étant remise, en vertu des accords de Yalta (février) et de Potsdam (2 août 1945), au Conseil de contrôle, où siègent les commandants des quatre armées d'occupation (américaine, anglaise, française, soviétique), à chacune desquelles une zone est attribuée.
Les Alliés fixent les principes de leur gouvernement en Allemagne : destruction complète de l'armée et extirpation de l'esprit militariste ; dissolution de toutes les organisations hitlériennes et poursuites contre les principaux chefs nazis ; contrôle de l'éducation ; réorganisation complète du système judiciaire dans un esprit démocratique.
Au point de vue économique, les Alliés doivent surveiller la production et s'efforcer d'appliquer partout les mêmes directives, pour traiter l'ensemble de l'Allemagne « comme une entité économique ». Des réparations doivent être prélevées par les vainqueurs dans leurs zones respectives, l'URSS ayant droit, en outre, à 10 % de l'outillage industriel de base prélevé dans les zones occidentales au titre de réparations, et dont la quantité doit être fixée dans les six mois et enlevée avant deux ans.
1945-1946 : à Nuremberg, un tribunal international juge les grands criminels de guerre nazis.
Dès la fin de 1945, des partis politiques autorisés se forment. Au début, un « front antinazi » réunit partout les anciens adversaires du régime national-socialiste, les plus actifs revenant de l'étranger, où ils ont émigré après 1933. Mais les Alliés encourageant des tendances politiques divergentes, très tôt des différences apparaissent entre les zones, qui suivent une évolution politique fondamentalement opposée.
8.2. Une évolution divergente entre l'Est et l'Ouest
Vers un « rideau de fer »
À mesure que le fossé se creuse, une véritable frontière intérieure, qui suit le cours moyen de l'Elbe, traverse l'Allemagne, de la Thuringe à Lübeck, en séparant la zone soviétique des trois autres.
En avril 1946, les Soviétiques obtiennent dans leur zone la fusion du KPD (dirigé par Walter Ulbricht) et des sociaux-démocrates de la zone soviétique (conduits par Grotewohl), en un parti socialiste unifié d’Allemagne (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, SED).
Dans les zones occidentales, rejetant cette union et s’opposant aussi bien aux communistes qu’aux chrétiens-démocrates d’Adenauer, Kurt Schumacher renforce sa position à la tête du SPD qu’il a refondé.
Après l’échec des conférences à quatre de Paris (avril et juillet) et alors que l’expression « rideau de fer » est née (discours de Churchill à Fulton en mars 1946), la création d’un État occidental séparé se profile.
Zone commune anglo-américaine et rejet du plan Marshall par l'URSS
Le 1er janvier 1947 est créée la bizone anglo-américaine ainsi qu'un Conseil économique commun. Le plan Marshall est annoncé en juin.
En 1948, la charte de Francfort (9 février) institue dans la bizone anglo-américaine un véritable gouvernement économique commun avec un exécutif et une assemblée législative. Le principe d’un État fédéral allemand est adopté lors de la conférence franco-anglo-américaine de Londres (février-mars) et le traité de Bruxelles est signé par la Grande-Bretagne, la France, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg (Union occidentale, 17 mars). Mais le représentant soviétique – le maréchal Sokolovski – quitte le Conseil de contrôle allié (20 mars).
Le plan Marshall (avril) est proposé à l’Allemagne toute entière mais il est rejeté par l’URSS. La réforme monétaire (deutsche Mark) est appliquée dans les trois zones occidentales (19 juin).
Blocus de Berlin et naissance des deux Allemagnes
En réponse à la réforme monétaire et dans l’espoir d’empêcher la création d’un État occidental, les Soviétiques organisent le blocus de Berlin-Ouest (juin 1948-mai 1949). Les secteurs occidentaux sont ravitaillés par un gigantesque pont aérien.
En 1949, un gouvernement est établi par les Alliés dans l'Allemagne de l'Ouest. Le Conseil parlementaire (8 mai) adopte la Loi fondamentale (Grundgesetz), promulguée le 23 mai, de ce qui va devenir la République fédérale d'Allemagne (RFA). À l'est, la République démocratique allemande (RDA) est proclamée en octobre.
Pour en savoir plus, voir l'article Allemagne : vie politique depuis 1949.