Réforme catholique ou Contre-Réforme
Ensemble des réformes entreprises par l'Église catholique en réponse à la Réforme protestante au xvie siècle.
1. Introduction
Si le terme de Contre-Réforme est consacré par l'usage, il est d'un emploi délicat. On préfère celui de Réforme catholique, qui répond mieux à l'œuvre positive accomplie par l'Église romaine. Tout au plus, l'expression Contre-Réforme peut-elle recouvrir la première phase du mouvement, lorsque, sous l'influence prépondérante des Méditerranéens, Italiens et Espagnols représentés au concile de Trente, l'assemblée adopta une attitude radicale qui correspondait à celle tout aussi radicale des luthériens.
2. Le fond du problème : exigence de réforme ou eschatologie
Toute l'époque d'avant la Réforme est imprégnée d'« attente », et ce puissant mouvement irrationnel est lourd d'eschatologie, c'est-à-dire d'espérance dans le retour imminent de l'âge d'or, sorte de redécouverte des données originelles. La fin du xve siècle est un temps de révolution, annonciateur de grands changements. Il y a ainsi des époques dans l'histoire qui ne veulent plus être ce qu'elles paraissent, où l'essentiel consiste en une attente active, en une certitude de changement. La Renaissance procède des mêmes besoins, mais plus policés, contrôlés, rationalisés pourrait-on dire.
La Réforme en est, en grande partie, la forme panique, tragique et profondément religieuse. La crise de la Réforme, protestante ou catholique, peu importe, est d'abord cette exaspération de forces religieuses profondes qui ne trouvent plus dans l'Église de leur temps la possibilité de s'accomplir et de s'exprimer.
Ainsi, on discerne dans cette exigence de réforme deux aspects : l'un, habituel, le médiéval, depuis longtemps en cours, par rapport à quoi la Réforme du xvie siècle est plus une conséquence qu'une nouveauté ; l'autre, nouveau, est celui de forces neuves qui cherchent en Occident leur expression religieuse.
3. Les raisons d'une crise
Dès le milieu du xve siècle, le monde occidental est à la recherche d'un nouvel équilibre. Dans l'Église, les papes, mêlés de plus en plus étroitement à la politique italienne, délaissent leurs devoirs de pasteurs. La réforme de l'Église est sans cesse ajournée, le magistère romain s'affaiblit, pendant que l'Empire achève de perdre tout prestige. L'idée de croisade, ciment de la chrétienté médiévale, s'affaiblit.
Calixte III (1455-1458), impopulaire par son népotisme, prêche sans succès la croisade contre les Turcs. Hormis les peuples qui sont proches – Hongrois de Jean Hunyadi, Albanais de Skanderbeg –, aucun prince ne répond à son appel.
Pie II (1458-1464) et Paul II (1464-1471) n'ont pas plus de succès. À partir de Sixte IV (1471-1484), qui s'attache à transformer par les pires moyens les États de l'Église en monarchie italienne, il n'est plus question des grands intérêts de la chrétienté. Les pontificats corrompus et scandaleux d'Innocent VIII (1484-1492) et d'Alexandre VI Borgia (1492-1503) achèvent de déconsidérer la papauté.
Celle-ci essaie cependant de lutter contre les hussites de Bohême, mais les Tchèques de Georges de Poděbrady résistent, et, en 1484, catholiques et utraquistes (ou calixtins) signent la paix. Pour la première fois – précédent très lourd de conséquences – l'autorité civile accorde protection et mêmes droits à des hérétiques contre l'aveu de Rome. Cependant, l'hérésie hussite dégénérera et n'aboutira qu'à une réforme manquée. Les autres hérésies, la vaudoise, la cathare (disparue avec la Bosnie en 1463), celle des fraticelles, ne représentent alors plus grand-chose.
C'est en Allemagne que les doctrines suspectes sont les plus vivaces, et un Johannes Wessel Gansfort (vers 1420-1489) préfigure Luther par une doctrine qui prône la primauté de la foi et des Écritures sur la Tradition et attaque vivement les indulgences et la papauté.
Pourtant, un travail de réforme se poursuit chez des réguliers comme les Bénédictins et les Cisterciens. Il dégénère en guerre civile chez les prêcheurs, qui se divisent en observants et conventuels et qui perdent de leur prestige. Quant au clergé séculier, il est très insuffisant, sans préparation ni savoir, les prélats eux-mêmes s'employant surtout à accumuler les bénéfices. Aussi réforme et discipline sont-elles prêchées sans ensemble ; elles le sont toutefois par les Frères de la vie commune en Allemagne et aux Pays-Bas ; un de leurs amis, Jean Standonck, recteur de l'université de Paris, veut réformer la vie du clergé français.
Le relâchement du clergé et de l'épiscopat explique que, si le cadre de vie est officiellement chrétien, la religion est trop souvent superficielle et limitée aux pratiques mécaniques. Un clergé urbain occupé de ses revenus, un clergé rural mal rétribué et grossier, des couvents relâchés, toutes ces raisons unies à un concours de forces neuves telles que la doctrine d'Érasme et de Luther, l'avidité des princes à s'emparer des biens ecclésiastiques vont aboutir à un ébranlement profond du monde chrétien.
Luther, à l'origine directe de la Réforme de par sa protestation en particulier contre le trafic des indulgences supposées racheter les péchés, est excommunié en 1521. En Suisse, les thèses réformatrices d'Ulrich Zwingli, curé de la cathédrale de Zürich, sont adoptées et leur influence gagne rapidement d'autres cantons, qui s'opposent aux cantons restés catholiques. À Genève, le Français Jean Calvin affirme le rôle de l'Église réformée dans la cité et sa pensée rayonne dans toute l'Europe. Théodore de Bèze lui succéde et, en Angleterre, Henri VIII est excommunié en 1534 pour s'être soustrait à l'autorité du pape lors de ses problèmes conjugaux. L'Église catholique dénonce ce qu'elle considère comme des excès et des abus visant à saper sa suprématie.
4. La réforme catholique avant le concile de Trente
4.1. La fondation d'ordres nouveaux en Italie
La réforme tridentine est précédée de la fondation d'ordres nouveaux en Italie. Dès le pontificat de Léon X, au plus tard en 1517, l'initiative part de Rome, d'un groupe d'ecclésiastiques et de laïques cultivés qui s'unissent en une fraternité, l'Oratoire de l'amour divin ; au début, ils n'ont d'autre souci que de se renouveler intérieurement par des œuvres de piété et de charité ; puis des filiales s'érigent dans plusieurs villes italiennes. Mais tout cela est peu organisé.
Théatins
Deux des membres de l'Oratoire, Gaétan de Thiene et Jean-Pierre Carafa, fondent en 1524 un ordre de clercs réguliers, les Théatins. Cet institut préfigure en quelque sorte celui des Jésuites. La mission de ces prêtres, qui vivent en communauté, est de donner au clergé l'exemple du savoir, de la discipline et de la vertu. Pépinière d'évêques et de hauts dignitaires, ce petit corps d'élite sera un agent insigne de la réforme catholique.
Barnabites, Capucins
Les Barnabites, ou clercs réguliers de Saint-Paul, fondés en 1530 par saint Antoine Marie Zaccaria, ont un recrutement plus démocratique et se vouent principalement à la prédication et à l'enseignement ; leurs collèges seront imités plus tard par les Jésuites.
D'autres ordres sont fondés qui se consacrent aux exercices de charité : les Somasques de saint Jérôme Émilien, confirmés dès 1540 par Paul III et qui se vouent aux orphelins, aux pauvres, aux malades ; les Frères de Charité, institués par saint Jean de Dieu en 1537 (aujourd'hui Frères hospitaliers de Saint-Jean-de-Dieu). En 1525, la réforme franciscaine de Matteo da Bascio amène les Capucins à la pauvreté absolue ; ces mendiants exerceront dans les milieux populaires français et italiens une influence considérable.
Jésuites
Mais l'ordre nouveau qui va acquérir une importance exceptionnelle est celui des Jésuites. Son fondateur, saint Ignace de Loyola, est un noble basque, officier espagnol. Une blessure reçue en 1521 est l'occasion de sa conversion. Après une retraite chez les Dominicains de Manresa, un pèlerinage en Terre sainte et des études théologiques à Paris, il fonde avec quelques disciples la Compagnie de Jésus, que Paul III approuve en 1540. L'ordre ainsi organisé avec une discipline quasi militaire va fournir à la papauté ses meilleurs soldats.
Du côté du clergé séculier, on trouve aussi quelques précurseurs, tel cet étonnant Gian Matteo Giberti (1495-1543), évêque de Vérone, qu'on a appelé le modèle de la réforme tridentine et qui donne, dans ses Constitutiones et Monitiones, un exemple de ce que devait être la pastorale épiscopale. En France, quelques évêques, comme Poncher à Paris ou Briçonnet à Meaux, ont le souci de revivifier l'évangélisation.
Paul III
À Rome même, le climat change avec l'avènement du pape Paul III (1534-1549), qui est pourtant un homme de la Renaissance, mais qui a compris l'urgence des réformes. Il appelle au Sacré Collège des prélats réformateurs et convoque enfin à Trente, en 1545, le concile tant attendu. Avant cette convocation, il a réorganisé l'Inquisition (1542) dans le but de lutter contre l'hérésie. Toute l'Italie, sauf Venise, accepte sa juridiction, qui a vite fait d'étouffer les quelques foyers hérétiques de la péninsule. Dès 1543, la congrégation de l'Index surveille l'impression de tous les livres en Italie.
Le concile de Trente
Le concile de Trente, qui se tient de 1545 à 1563, donne enfin à l'Église son armature doctrinale et disciplinaire. De fait, il entérine officiellement la plupart des dogmes dénoncés par la Réforme protestante : autorité du magistère dans l'interprétation de l'Écriture, autorité de la tradition comme source de la Révélation, transsubstantiation des espèces dans l'eucharistie, culte de la Vierge et des saints. Toutefois, il ne réalise pas son but premier, qui est la restauration de l'unité, et l'Occident chrétien reste divisé.
La grande habileté de Rome est d'accepter, sous Pie IV (bulle Benedictus Deus et Pater), immédiatement et en son entier, les décisions prises à Trente, même parfois contre la volonté des papes.
Ainsi la papauté, en consacrant ce qu'elle n'a pas toujours voulu, trouve son autorité renforcée à la vieille source conciliaire ; forte du consensus universel, elle pourra imposer les décrets de réforme. Par la prise en charge de leur application, la papauté impose sa monarchie spirituelle dans la définition neuve d'une « catholicité moderne ».
5. L'entreprise de rénovation après Trente
5.1. Saint Charles Borromée
Pie IV (1559-1565) – le pape de la fin du concile, dans le peu de temps qui lui reste à vivre – s'efforce de faire appliquer les décisions prises à Trente. Mais l'essentiel de son action reste l'appui qu'il accorde à son neveu, saint Charles Borromée (1538-1584), archevêque de Milan, qui dans l'espace de dix-neuf ans (1566-1584) réforme complètement son diocèse suivant les normes tridentines et dont l'action et les écrits serviront d'exemple à tous les prélats réformateurs de la chrétienté.
Charles contrôle lui-même son diocèse par de fréquentes visites pastorales, par des synodes diocésains et des conciles provinciaux. Il travaille à la réforme des monastères en rétablissant une clôture stricte. Il restaure la vertu et la discipline ecclésiastiques au moyen de séminaires (six à Milan) et de collèges. Pour l'aider dans sa tâche, il recourt à des religieux, jésuites, barnabites et théatins. En outre, son influence déborde son diocèse de Milan ; le Saint-Siège le nomme visiteur et il peut ainsi réformer des régions entières d'Italie. D'autres prélats l'imiteront, dont le cardinal Hosius en Pologne, et au Portugal l'archevêque de Braga, Barthélemy des Martyrs.
5.2. Saint Pie V
C'est avec le successeur de Pie IV, le dominicain saint Pie V (1566-1572), un ancien inquisiteur, célèbre par la simplicité de ses mœurs, que la papauté devient l'organe moteur de la réforme catholique. Pie V édicte en 1566 un catéchisme romain qui sera la base de l'activité catéchétique du clergé paroissial et qu'on traduira en plusieurs langues européennes. Pour les autres livres liturgiques, tels le missel et le bréviaire, le pape s'efforce d'imposer une pratique uniforme dans la chrétienté.
Pie V veille particulièrement à la résidence des évêques ; il s'attaque à la vénalité de nombreux offices, à la commende, si désastreuse pour la discipline ecclésiastique ; en outre, il fait des choix épiscopaux irréprochables. Il s'emploie aussi à rétablir la police des mœurs dans la Ville éternelle, où l'immoralité publique, de règle durant toute la Renaissance, est si durement réprimée qu'un ambassadeur vénitien pourra dire que Pie V a transformé Rome en un cloître.
5.3. Grégoire XIII
Son successeur, Grégoire XIII (1572-1585), continue l'œuvre de réforme avec plus de modération. Juriste célèbre, il s'emploie à réviser le recueil de droit canon et à en donner une version officielle. Savant, il encourage les sciences et réforme le calendrier julien. Mais Grégoire XIII se préoccupe particulièrement de la formation intellectuelle du clergé. Il décide que le Saint-Siège se chargera lui-même de la fondation des séminaires. Il fait du Collège romain (l'université grégorienne) le collège de toutes les nations, où enseignent d'excellents professeurs, tels François Tolet (Francisco de Toledo) et Robert Bellarmin.
Il restaure le Collège germanique, qu'il charge de former de jeunes nobles aux grandes charges ecclésiastiques afin de renouveler progressivement le haut clergé allemand. Il fonde aussi des séminaires pontificaux en Allemagne pour pallier l'indifférence des évêques : Vienne (1574), Graz (1578), Fulda (1584), Dillingen (1585). Il en fonde aussi en Transylvanie, en Bohême, en Lituanie, en Dalmatie, etc.
Toute cette œuvre s'appuie sur l'action des Jésuites, qui deviennent les grands enseignants du temps et comptent déjà 5 000 membres groupés en 110 maisons et en 21 provinces. En outre, afin de ne nommer à l'épiscopat que des sujets irréprochables, le pape institue la Sacrée Congrégation des évêques.
5.4. Sixte V
Sixte V (1585-1590) est un vieillard énergique qui poursuit l'œuvre de rénovation interne de l'Église. Il réforme entièrement l'administration de l'Église pour lui donner plus de souplesse et d'efficacité. Il crée des organismes centralisés en instituant, en 1588, quinze congrégations romaines qui se partagent les affaires civiles et ecclésiastiques : comme, par exemple, la congrégation des Rites pour la liturgie ; celle des Études pour les séminaires ; celle des Réguliers pour les questions concernant les ordres religieux…
Il réforme le Sacré Collège en fixant le nombre de ses membres à 70 et les règles précises concernant l'âge et les qualités requises pour accéder à la pourpre. Infatigable, le pape remet de l'ordre dans les États pontificaux en réprimant les excès des féodaux. Pour combattre l'anarchie, il n'hésite pas à faire tomber des têtes.
Sixte V est moins heureux dans une autre initiative : la création de l'imprimerie du Vatican pour faire éditer, suivant les décisions du concile de Trente, le texte officiel et liturgique de l'Écriture, la Vulgate. Le texte, établi trop hâtivement, ne satisfera personne, et une nouvelle édition plus appropriée paraîtra sous Clément VIII, le dernier grand pape réformateur du siècle.
5.5. Clément VIII
(1592-1605), recueillant en ce domaine le travail de ses prédécesseurs, achève la réforme de la liturgie en en faisant éditer les principaux livres : Pontifical (1596), Cérémonial des évêques (1600), Bréviaire (1602), Missel (1604). Le pape veut aussi que la réforme romaine ait valeur d'exemplarité : Clément VIII, évêque de Rome, accomplit les visites pastorales et impose la résidence aux évêques italiens. La Ville éternelle devient en outre, fait nouveau, un centre de vie religieuse intense. C'est d'abord une ville de saints, ou plutôt de futurs saints, de nombreux fondateurs d'ordres religieux qui vont essaimer dans le monde entier mais dont la maison mère restera à Rome. Sous Clément VIII se fondent les Clercs réguliers des écoles pies de saint Joseph Calasanz (1597) et les Clercs réguliers de la Mère de Dieu de Jean Leonardi, entreprises audacieuses d'éducation chrétienne des pauvres soutenues par le pape ; c'est une tendance profonde de la réforme catholique que ce recours à l'enfance pour compenser l'hérésie ou la tiédeur des adultes. Le soin des malades, lui, sera assuré par l'ordre fondé par saint Camille de Lellis.
L'action de Clément VIII s'étend aussi aux grands intérêts de la chrétienté. Il continue l'effort de ses prédécesseurs, principalement de Pie V, en luttant contre l'infidèle.
6. La reconquête catholique en Europe
6.1. La paix d'Ausgbourg
Un aspect très important de la Contre-Réforme est constitué par la reprise patiente ou le maintien par la papauté des positions catholiques dans le Saint Empire romain germanique et l'Europe de l'Est.
Par la convention d'Augsbourg de 1555, qui définit le statut confessionnel, on décide que la religion du prince sera celle de ses sujets, cujus regio, ejus religio, mais des clauses compliquent l'application de cette paix de compromis. Ainsi on établit que les évêques et les abbés qui abandonneraient le catholicisme perdraient leurs États ; mais cette clause sera fréquemment enfreinte.
Jusque vers 1576, le protestantisme poursuit son avance et ses conquêtes en Allemagne. Ce qui est peut-être plus grave, il gagne aussi une très large audience dans les terres héréditaires des Habsbourg, en Autriche, où, à la mort de l'empereur Maximilien II en 1576, les trois quarts de la population sont passés à la Réforme, ainsi que la noblesse dans sa presque totalité. La situation est si grave que pour y remédier on recourt au pouvoir séculier. Aussi activités politiques et religieuses s'imbriquent à un point tel qu'il sera bientôt impossible de les dissocier. C'est dans l'Empire que cette situation atteint son paroxysme.
6.2. La contre-offensive catholique dans l'Empire germanique
Dans le dernier quart du xvie siècle, le catholicisme va regagner une partie du terrain perdu en Allemagne. Il devra ses succès surtout aux Jésuites. Établis solidement à Cologne, à Trèves, à Munich, à Ingolstadt, à Innsbruck, à Vienne et à Prague, ils y forment les chefs de la Contre-Réforme allemande et dirigent la contre-offensive catholique depuis leurs bases autrichiennes et bavaroises.
Les ducs Albert V et Guillaume V
La reconquête part d'abord de Bavière, où les ducs Albert V (1550-1579) et Guillaume V (1579-1597) se font les champions du catholicisme et appuient totalement les Jésuites. Albert V rétablit d'abord l'unité de la foi dans ses États, puis, sous son influence, l'Église catholique l'emporte dans le margraviat de Bade. Guillaume V fait accorder de 1581 à 1585 à son frère Ernst les évêchés de Liège, Cologne, Paderborn et Münster, qui restent ainsi aux mains des catholiques.
L'Autriche prend le relais lorsque Melchior Klesl, vicaire général de Passau, réussit peu à peu à recatholiciser le pays et à en chasser les protestants. Une révolte de paysans luthériens est écrasée dans le sang. Pendant ce temps, l'archiduc Ferdinand, le futur empereur Ferdinand II, élève des jésuites d'Ingolstadt, rétablit par la force le culte catholique en Styrie et en Carinthie.
Ferdinand II
Après la disparition de Rodolphe II (1612), favorable aux protestants, et l'avènement de Mathias, Klesl, évêque de Vienne puis cardinal, devient son conseiller. Il obtiendra que Ferdinand, l'homme de la Contre-Réforme catholique, accède à l'Empire en 1619. La Bohême se révolte aussitôt contre Ferdinand II. Le nouvel empereur, qui obtient l'alliance de la Bavière, de l'Espagne et de l'Électeur de Saxe, bien que ce dernier soit un luthérien, est vainqueur à la Montagne Blanche, près de Prague, le 8 novembre 1620.
Cette victoire fait basculer dans le camp catholique la Bohême et la Moravie, où Ferdinand II mène une énergique politique de Contre-Réforme : prédicants expulsés, protestants exclus de toutes les dignités, enfin, après une révolte paysanne, expulsion de force de tous les non-catholiques. C'est alors qu'en 1629 Ferdinand II publie son édit de Restitution dans le dessein de récupérer les biens ecclésiastiques affectés aux protestants depuis la paix d'Augsbourg. En 1631, les archevêchés de Brême et de Magdebourg, plus cinq évêchés et d'innombrables couvents et églises, ont été restitués.
6.3. Pologne, Hongrie
À la même époque, le catholicisme triomphe totalement en Pologne, où le roi Sigismond III (1587-1632), un Vasa, gagne son surnom de « roi des Jésuites » ; de même qu'en Hongrie, grâce à l'activité de l'archevêque de Graz, le cardinal Pazmany. En ce début du xviie siècle, l'Église catholique a donc reconquis bien des terres perdues ; les pays méditerranéens, la France, une grande partie de l'Empire, les royaumes et les marches de l'Est resteront fidèles au catholicisme.
7. Influence sur les arts
7.1. De nouvelles règles iconographiques
L'influence considérable qu'a exercée la Réforme catholique sur les arts plastiques au xviie s. est due à divers facteurs. L'essor de la Compagnie de Jésus et de l'ordre de l'Oratoire (fondé par saint Philippe Neri, apôtre des manifestations de piété populaire) joua un rôle déterminant dans la diffusion et l'interprétation des directives du concile de Trente, pour rénover et fixer les principes de l'iconographie catholique, d'une part, et pour utiliser l'art à des fins de propagande, d'autre part.
S'il est vrai que la prodigieuse expansion de l'art baroque en Europe et en Amérique latine est pour une grande part due à la propagande des jésuites en faveur de ce style (instauré à Rome par la papauté simplement soucieuse de rehausser son prestige), c'est en revanche une erreur d'identifier le baroque au « style jésuite » ou à l'esthétique du concile de Trente.
En réalité, l'architecture jésuite est d'un style infiniment plus sobre et dépouillé qui s'accorde mieux aux desseins premiers du concile : répondre aux critiques justifiées des tenants de l'Église réformée (qui étaient grands adversaires du luxe et de l'abus des jouissances esthétiques). Le style de la véritable architecture jésuite est celui du classicisme sévère inauguré par Vignole pour la construction de l'église du Gesù à Rome, dont l'extérieur est d'une remarquable sobriété, comme maintes églises construites par les pères jésuites dans leurs missions d'Amérique latine, avant l'introduction des décorations baroques (qui, souvent, n'affectent que l'intérieur).
7.2. Provoquer l'émotion mystique
L'ornementation baroque a été ajoutée généralement assez tard au cours du xviie s. et s'est épanouie au xviiie, par suite d'une autre démarche. Le second objectif du concile, en effet, était la propagation de la foi, qui devait prendre le pas sur toute autre considération dans l'action de la Compagnie de Jésus. Or, des actes du concile, on peut extraire des paragraphes consacrés à la puissance de persuasion de l'œuvre d'art et de l'émotion esthétique (provoquée par le théâtre ou la musique aussi bien que par la peinture), et à la nécessité de recourir à ses effets, en raison de « la faiblesse de la nature humaine », pour aider à provoquer l'émotion mystique : c'était accorder, avant la lettre, un satisfecit à l'art baroque.
La nouvelle propagande, soucieuse de s'adjoindre les ressources du « sentiment » et de la sensibilité, a favorisé les peintres dont le style était le plus apte à la servir, tels que le Bernin, le Tintoret et Rubens, dont certaines œuvres exaltaient, dans un climat d'idéalisation, les martyrs, les saints, la puissance du surnaturel, les triomphes de la foi.
De même, la Contre-Réforme a mis à profit le goût du temps pour les manifestations ostentatoires et la pompe scénographique: elle adopta délibérément les décors baroques dans ses églises afin de faire bénéficier le sentiment religieux et la piété de leur puissance de séduction. L'œuvre baroque vise à provoquer le sentiment religieux par le truchement d'émotions ambiguës dont les motivations restent essentiellement profanes (exaltation des plaisirs sensuels de l'œil ou de l'oreille), et auxquelles les fidèles de l'époque se montraient très accessibles.
Parallèlement, l'iconologie développait des thèmes de dévotion nouveaux (l'Enfant Jésus, les anges gardiens, etc.) et tentait d'imposer la décence dans les sujets religieux, initiatives qui eurent pour effet d'introduire dans l'art sacré la mièvrerie conventionnelle dont il ne se relèvera plus.