Napoléon Ier
(Ajaccio 1769-Sainte-Hélène 1821), empereur des Français (1804-1814 et 1815).
Stratège hors pair, surnommé par Victor Hugo « l'homme prédestiné », Napoléon Ier eut aussi un formidable sens de l'État, qu'il employa à façonner les institutions juridiques et administratives de la France moderne. Admirée ou critiquée, l'épopée napoléonienne pour bâtir un empire reste un moment fort de l'Histoire.
Enfance et formation
Né en Corse, deuxième fils de l'avocat Charles Bonaparte et de Maria Letizia Ramilo, il fréquente le collège d'Autun puis l'école militaire de Brienne, enfin celle de Paris.
Le révolutionnaire
Séjournant souvent en Corse depuis la mort de son père en 1785, Napoléon Bonaparte participe dès les débuts de la Révolution aux luttes politiques de l'île. Jouant un rôle important dans la répression du soulèvement royaliste en 1795, il est nommé commandant de l'armée d'Italie. La même année, il épouse Joséphine de Beauharnais.
Le jeune général
Après la brillante campagne d'Italie, au cours de laquelle Bonaparte se révèle un grand stratège et un habile négociateur, il est envoyé en Égypte pour couper la route des Indes aux Anglais, mais, apprenant les difficultés intérieures et extérieures de la France, rentre à Paris, où il ourdit un complot contre le Directoire.
Du Consulat à l'Empire (1799-1804)
Premier consul puis consul à vie (1802), il opère la réconciliation nationale et poursuit l'œuvre de réorganisation et de centralisation de la France révolutionnaire (Institut de France, Banque de France, Légion d'honneur, Code civil). À l'extérieur, il contraint l'Autriche à la paix et conclut avec l'Angleterre la paix d'Amiens qui met fin à dix années de guerre en Europe. Proclamé « empereur des Français » le 18 mai 1804, Bonaparte est sacré le 2 décembre suivant par le pape Pie VII. Il prend le nom de Napoléon Ier.
Le conquérant (1804-1810)
Poursuivant sa politique de conquête, il entre en guerre avec les grandes puissances européennes ; ayant échoué contre l'Angleterre (Trafalgar, 1805), il démantèle les coalitions continentales (Austerlitz, 1805 ; Iéna, 1806 ; Friedland, 1807), s'allie avec la Russie et met en place le Blocus continental contre l'Angleterre. Si la guerre d'Espagne (1806-1814) s'avère une terrible épreuve, il signe avec l'Autriche la paix de Vienne (1809). Ayant répudié Joséphine qui ne pouvait lui donner d'enfant (1809), il épouse Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine dont il a un fils un an plus tard, l'Aiglon, dont il fait le roi de Rome (Napoléon II).
L'empereur déchu (1810-1815)
Face à l'attitude belliqueuse du tsar Alexandre Ier, Napoléon engage en 1812 la campagne de Russie qui s'achève par une retraite désastreuse (la Berezina). L'Empereur doit encore faire face à une coalition (Russie, Prusse, Autriche) qui se solde par la défaite de Leipzig (1813) puis par l'invasion de la France. Contraint d'abdiquer une première fois (6 avril 1814), Napoléon est relégué à l'île d'Elbe. Parvenu à s'échapper, il rentre en France (les Cent-Jours), mais il doit de nouveau faire face à la coalition : battu à Waterloo (18 juin 1815), il abdique une seconde fois.
Interné à Sainte-Hélène, il y meurt le 5 mai 1821. Ses cendres ont été ramenées en France en 1840 et déposées aux Invalides.
1. Le petit notable corse
Deuxième fils vivant de l'avocat Charles Bonaparte et de Maria Letizia Ramolino, Napoléon Bonaparte a sept frères et sœurs. Son père, petit notable corse rallié à la domination française, obtient des bourses du roi pour ses fils.
Napoléon étudie au collège d'Autun (1779), puis à l'école militaire de Brienne (1779-1784). Patriote corse, il se sent étranger en métropole pendant ces années d'études. Il se distingue en mathématiques et réussit le concours de l'École royale militaire de Paris en 1784. L'année suivante, il est promu lieutenant d'artillerie. Envoyé à Valence, alors que son père vient de mourir, Napoléon envoie de l'argent à sa mère pour élever ses frères et ses sœurs. Il se forme par la lecture de Rousseau et de Voltaire, de penseurs politiques comme Mably, Mirabeau, Necker, et surtout d'historiens et d'auteurs de traités militaires. Pendant sa vie de garnison, il étudie l'artillerie dans les écrits de Gribeauval, de Du Teil et de Guibert.
2. L'ascension d'un général révolutionnaire
Séjournant souvent en Corse, il participe dès les débuts de la Révolution aux luttes politiques de l'île. Jacobin déclaré dès juillet 1793, Napoléon Bonaparte joue un rôle décisif dans la reprise de Toulon aux royalistes, alliés aux Britanniques, mais il est emprisonné après la chute de Robespierre (1794).
Grâce à Barras, qu'il aide à réprimer le soulèvement royaliste du 13 vendémiaire an IV (5 octobre 1795), il est nommé par Lazare Carnot général en chef de l'armée d'Italie, quelques jours avant son mariage avec Joséphine, veuve du général-vicomte de Beauharnais. Très vite, Bonaparte s'impose aux vétérans des guerres révolutionnaires. À la tête de cette armée, qui, dans l'esprit du Directoire, doit opérer une simple diversion contre l'Autriche, Bonaparte fait basculer la situation et se lance dans la campagne d'Italie.
2.1. La campagne d'Italie (1796-1797)
Chargé de cet effort secondaire en Italie contre les Autrichiens au profit de l'armée d'Allemagne de Jourdan, Bonaparte bat séparément les Autrichiens (Montenotte, 12 avril 1796 ; Dego, 15 avril), les Piémontais (Millesimo, 13 avril ; Mondovi, 21 avril) et oblige les Sardes à l'armistice de Cherasco (28 avril), suivi, le 15 mai, de la paix de Paris (traités de Paris).
Il se tourne vers Milan (14 mai) et défait de nouveau les Autrichiens (Castiglione, 5 août ; Arcole, 17 novembre ; Rivoli, 14 janvier 1797). Il marche alors sur Vienne, franchit le col de Tarvis (25 mars) et contraint l'Autriche à signer l'armistice de Leoben (13 avril), prélude à la paix de Campoformio (18 octobre).
Le général Bonaparte envoie en France une partie des sommes d'argent retirées de l'Italie. Il dépêche vers Paris son bras droit, le général Augereau. Grâce à lui, les menées royalistes seront déjouées le 18-Fructidor (4 septembre 1797). Mais le vainqueur prestigieux est un homme encombrant pour les Directeurs à la veille de nouvelles élections.
Par ailleurs, Il faut vaincre l'Angleterre, restée en lice ; on prévoit contre elle un débarquement, mais il est difficile à réaliser. Pour l'obliger à traiter, il faut s'emparer de la route qui mène vers les Indes, lieu de son principal commerce. Une expédition militaire contre l'Égypte est donc mise sur pied ; on enverra dans les sables du désert Bonaparte et ses hommes. Ce dernier accepte d'autant plus volontiers que l'avenir lui semble, pour l'heure, bouché en France.
2.2. La campagne d'Égypte (1798-1799)
Bonaparte embarque donc pour l'Égypte en mai 1798 à la tête d'une armée de 40 000 hommes et accompagné par 150 ingénieurs et savants, lettrés et artistes, parmi lesquels Monge, Berthollet, Geoffroy Saint-Hilaire… Il prend Malte (10 juin 1798), s'empare d'Alexandrie (juillet) et bat les Mamelouks à la bataille des Pyramides (21 juillet).
Entré au Caire, Bonaparte y établit son quartier général. Cependant, le 1er août, la flotte française est anéantie en rade d'Aboukir par l'amiral Nelson. Bien que prisonnier dans sa conquête, Bonaparte entreprend de l'organiser en envoyant Desaix pacifier la Haute-Égypte ; il réprime une insurrection au Caire mais gagne l'amitié des Égyptiens en fondant l'Institut d'Égypte avec l'aide des savants qui l'ont accompagné et qui se livrent à l'étude de la civilisation pharaonique.
L'armée turque menaçant l'Égypte depuis la Syrie, Bonaparte se porte à ses devants, la bat au mont Thabor (16 avril 1799), mais échoue à Saint-Jean-d'Acre (mai) et doit battre en retraite en Égypte. Il rejette à la mer une seconde armée turque à Aboukir (25 juillet).
Mais, apprenant que la guerre contre la France a repris en Europe, Bonaparte cède le commandement à Kléber. Celui-ci est assassiné le 14 juin 1800. Son successeur, Menou, est battu à Canope par les Anglais, avec lesquels il signe une convention d'évacuation en août 1801.
2.3. Le coup d'État des 18-19 brumaire an VIII
Débarqué à Fréjus le 9 octobre 1799, Bonaparte doit chercher des appuis politiques. Talleyrand le met en relation avec Sieyès. Le but du complot qui se noue est de prendre en main le gouvernement pour instaurer un pouvoir stable qui garantira à la bourgeoisie, effrayée par les excès des Jacobins, les acquisitions de 1789.
→ Directoire;
Le 18 brumaire (novembre 1799), Bonaparte est nommé commandant des troupes de Paris, tandis que le Conseil des Anciens est transféré à Saint-Cloud. Le complot s'engage mal : le 19 brumaire, le général est hué au Conseil des Cinq-Cents et va être mis hors la loi. Son frère Lucien, qui préside l'Assemblée, sauve la situation en obtenant l'appui des grenadiers du Corps législatif contre les députés. Le soir, les conjurés réunissent une poignée de députés qui nomment trois consuls provisoires : Bonaparte, Roger Ducos, Sieyès.
3. Bonaparte Premier consul (1799-1804)
3.1. La réorganisation de la France par Bonaparte
Très vite, Bonaparte écarte les deux autres consuls et dicte la Constitution autoritaire de l'an VIII qui lui permet de renforcer à son profit le pouvoir exécutif. Devenu Premier consul, il a l'initiative des lois et peut recourir au plébiscite, inaugurant ainsi une forme de gouvernement direct, lui seul incarnant la volonté populaire. Choisis par lui, les deux autres consuls (Cambacérès et Lebrun) sont des collaborateurs dociles.
La politique intérieure du premier Consul
Son pouvoir assuré après la ratification de la Constitution par un plébiscite, Bonaparte réorganise l'administration, la justice et les finances publiques. Le Consulat poursuit l'œuvre centralisatrice de la Convention et du Directoire et jette les bases de l'administration de la France moderne.
Il pratique une politique de réconciliation nationale en utilisant à la fois la persuasion et la force. Ainsi, il contraint les chouans à déposer les armes (chouannerie, janvier-février 1800). Mais il reste impitoyable pour les royalistes ou les Jacobins qui ne veulent pas accepter la main tendue. L'attentat royaliste de la rue Saint-Nicaise (24 décembre 1800), qui échoue, lui permet de frapper d'abord les Jacobins, tenus pour responsables, puis les royalistes.
Pour ôter au royalisme son soutien religieux, Bonaparte conclut le Concordat avec le pape Pie VII (nuit du 15 au 16 juillet 1801). Malgré les Articles organiques (qui plaçaient l'Église de France sous le contrôle de l'État), l'Église de France et le culte catholique sont rétablis en France.
La politique extérieure
Pour consolider son pouvoir, le Premier consul organise une nouvelle campagne d'Italie (1800). Contournant les Autrichiens par la Suisse (Grand-Saint-Bernard, 14-23 mai 1800), il triomphe de justesse à Marengo (14 juin).
Mais, en Allemagne, Moreau remporte la victoire décisive à Hohenlinden (3 décembre), contraignant l'Autriche à signer la paix de Lunéville (9 février 1801). Cette paix confirme Campoformio, permet d'agrandir la République Cisalpine, de créer un royaume d'Étrurie, au profit d'un neveu de la reine d'Espagne, et de garantir la frontière du Rhin.
Contre l'Angleterre, la Ligue des neutres (groupant autour de la Russie, la Suède, le Danemark et la Prusse, en vue d'interdire la Baltique aux Anglais), que Bonaparte pensait utiliser, est disloquée par l'assassinat du tsar Paul Ier (23-24 mars 1801) et le bombardement de Copenhague par Nelson (2 avril). Néanmoins, les Anglais soucieux de conclure une paix s'engagent à restituer les colonies françaises et à évacuer Malte (paix d'Amiens, 25 mars 1802).
Après dix ans de guerre en Europe, la paix permet à Bonaparte d'établir, par la Constitution de l'an X (août 1802), le Consulat à vie.
3.2. Le Deuxième Consulat
Au comble de sa popularité, Bonaparte jette les fondements de la France moderne ; comparant la société à une plage de sable, il entend pour la fixer poser « quelques masses de granit ».
Le Premier consul peut choisir son successeur grâce à la nouvelle Constitution. Le Sénat, dont les membres sont choisis par le consul, interprète la Constitution par des sénatus-consultes, et le Tribunat agonisant perd la moitié de ses membres.
À l'intérieur, poursuite de la réorganisation de la France
Dans le domaine administratif, le Code civil préparé dès 1800, est publié le 21 mars 1804 (appelé « Code Napoléon » à partir de 1807). Unifiant la législation en France, il insiste sur la propriété privée déclarée inviolable et assure la libre entreprise, chère à la bourgeoisie.
Bonaparte accorde une amnistie aux émigrés (avril 1802) et poursuit l'œuvre de réorganisation et de centralisation de la France révolutionnaire (fondation de l'Institut de France et de la Banque de France). L'enseignement est surtout axé sur le second degré avec la création en 1802 des lycées, où est dispensé un enseignement classique et scientifique. La Légion d'honneur (19 mai 1802) doit servir à créer une élite pour le nouveau régime. L'Université impériale, dirigée par un « grand maître », sera créée par décret en 1808.
À l'extérieur, la marche vers l'Empire
En politique extérieure, Bonaparte inquiète l'Angleterre en fermant le marché français malgré la clairvoyance du ministre de l'Intérieur Chaptal, partisan d'accords commerciaux avec l'étranger. Il affiche parallèlement des projets d'expansion coloniale (Saint-Domingue, Louisiane, Inde). En Hollande, Bonaparte dicte une Constitution ; en Suisse, il devient médiateur de la Confédération (19 février 1803). Président de la République italienne après avoir annexé Parme et le Piémont, il réorganise l'Allemagne.
La rupture avec l'Angleterre est inévitable et la flotte anglaise reprend les hostilités après l'envoi d'un ultimatum (26 avril 1803). En août, le royaliste Cadoudal, débarqué d'Angleterre, tente d'enlever le Premier consul. Mais le complot est découvert et Cadoudal exécuté (25 juin 1804). Le duc d'Enghien, pourtant étranger à l'affaire, est enlevé et exécuté sur les ordres de Bonaparte (21 mars 1804).
Le complot sert de prétexte à Bonaparte pour se faire confier par le Sénat le 18 mai 1804 le titre d'« Empereur des Français ». Le 2 décembre, Napoléon Ier, qui a épousé religieusement Joséphine, est sacré par le pape Pie VII à Notre-Dame.
4. L'Empereur (1804-1814)
4.1. Un pouvoir absolu sur la France et l'Europe
Napoléon va donner à son régime l'apparence d'une monarchie en créant une cour et une noblesse d'Empire. Les membres du clan Bonaparte sont installés dans le rôle de la famille régnante et proclamés princes et altesses – plusieurs sont placés sur le trône de pays soumis. Enfin, la République italienne est transformée en royaume, en mars 1805, avec pour roi Napoléon et vice-roi son beau-fils Eugène de Beauharnais. La création de dix-huit maréchaux confirme l'installation des militaires au sommet de la hiérarchie sociale.
Dès 1805, Napoléon, qui a éliminé toute opposition organisée et poursuivi son œuvre de modernisation, doit se lancer à nouveau dans une politique de conquête. Si le développement de l'agriculture (introduction de la betterave), quelques gestes en faveur de l'industrie et une politique de grands travaux permettent un certain décollage de l'économie, l'Empereur manque de fonds. Il compte sur la victoire contre l'Angleterre et ses alliés pour résoudre tous les problèmes.
4.2. Napoléon face à la troisième coalition (1805)
Napoléon constitue une flotte à Boulogne pour débarquer en Angleterre, qui a reconstitué une troisième coalition avec la Suède, Naples, le tsar Alexandre Ier et l'empereur d'Autriche François II. Mais l'amiral Nelson inflige à la flotte française la grave défaite de Trafalgar (21 octobre 1805). Désormais, Napoléon est bloqué sur le continent. Il n'en remporte pas moins une série de victoires démontrant son génie militaire.
Les Autrichiens sont battus à Ulm (20 octobre 1805), et les armées austro-russes sont dispersées à Austerlitz (2 décembre). Au traité de Presbourg (26 décembre), qui met fin à la coalition, l'Autriche cède la Vénétie, le Tyrol, le Trentin, l'Istrie, la Dalmatie.
4.3. À la conquête de l'Europe (1806-1809)
La Prusse forme alors la quatrième coalition avec l'Angleterre et la Russie mais est battue à Iéna et à Auerstedt (14 octobre 1806). Rentré en Pologne, Napoléon éprouve des difficultés à battre les Russes à la sanglante boucherie d'Eylau (février 1807), mais remporte en juin la victoire de Friedland.
L'entrevue de Tilsit avec Alexandre Ier (25 juin) permet d'amorcer une alliance avec la Russie. La paix de Tilsit réduit la Prusse à quatre provinces, le reste constitue le grand-duché de Varsovie et le royaume de Westphalie, sur lequel règne Jérôme Bonaparte. Napoléon profite de ce répit pour donner une application au Blocus continental décrété à Berlin en novembre 1806 et qui vise à ruiner l'Angleterre.
De 1807 à 1809, l'Empereur pratique une politique d'empiétement : annexion de l'Étrurie (1807), occupation des États du pape (1808-1809) ; conquête du Portugal (novembre 1807) et surtout mainmise sur l'Espagne.
La campagne d'Espagne (1807-1808)
Napoléon fait abdiquer en sa faveur Charles IV et Ferdinand VII (entrevue de Bayonne, mai 1808) et donne la couronne d'Espagne son frère Joseph. Dès le 2 mai, le peuple se soulève à Madrid, tandis que l'Angleterre force Junot à se rendre à Sintra, au Portugal. Devant les insurgés espagnols, le général Dupont capitule à Bailén (juillet).
Après l'entrevue d'Erfurt (27 septembre-14 octobre 1808), Alexandre Ier refuse de s'engager à fond contre l'Autriche qui se réarme, Napoléon part néanmoins pour l'Espagne avec la Grande Armée. Il disperse ses adversaires et, après avoir repris Madrid (4 décembre), il rentre rapidement à Paris. Mais les maréchaux à qui il a laissé 200 000 hommes seront incapables de terminer la conquête de l'Espagne.
Contre la cinquième coalition (avril-octobre 1809)
Sûre de la neutralité russe, l'Autriche, qui veut profiter du mouvement national né en Allemagne, provoque la cinquième coalition en avril 1809. La campagne de 1809 (Eckmühl, Ratisbonne, et Wagram 5-6 juillet) est pour Napoléon plus difficile et moins décisive que celle de 1805. À la paix de Vienne (14 octobre), l'Autriche abandonne de nouveaux territoires qui formeront les Provinces Illyriennes.
4.4. L'apogée de l'Empire (1811)
Après la paix de Vienne, Napoléon fait dissoudre son mariage avec Joséphine, dont il n'a pas eu d'enfant, et épouse l'archiduchesse Marie-Louise de Habsbourg-Lorraine, fille de l'empereur d'Autriche François II, en avril 1810. La naissance d'un fils, le roi de Rome (Napoléon II) en 1811, marque l'apogée de l'Empire. Mais de succès en échecs, il sera de courte durée.
Le stratège
Le succès de la politique expansionniste menée dès ses débuts par Napoléon en tant que général et poursuivie jusqu'à l'Empire repose en partie sur ses qualités de stratège.
La stratégie napoléonienne comprend trois phases. D'abord les corps d'armée se déplacent sur l'ensemble du théâtre d'opérations. Cette manœuvre s'accompagne de la recherche du renseignement, qui permet à Napoléon de se tenir informé du dispositif de l'ennemi et de ses mouvements.
La concentration des forces s'effectue quelques jours avant la bataille, de telle sorte que toutes les armées puissent parvenir, réunies, au lieu choisi. Alors commence la bataille proprement dite, que Napoléon veut décisive et dont le but est l'anéantissement des forces de l'ennemi. On évalue que le nombre de Français morts durant les guerres napoléoniennes se situe entre 700 000 et 1 million – les ennemis de la France subissant des pertes encore plus lourdes.
Enfin, la cavalerie napoléonienne mène la poursuite avec acharnement, afin de démoraliser les forces adverses, de faire un grand nombre de prisonniers et de s'emparer de l'artillerie. Il s'agit d'obtenir, dans les plus brefs délais, une capitulation qui permet à Napoléon d'imposer ses buts politiques.
Le temps des difficultés
L'Empereur compte désormais sur l'Autriche pour se substituer à la Russie. Allié des Habsbourg, Napoléon fait figure d'empereur d'Occident. En dehors de l'Espagne, toute l'Europe paraît soumise, mais au prix d'un effort surhumain qui commence à marquer.
L'Empereur réduit l'opposition par la surveillance policière, la censure et les prisons d'État. Le mécontentement en France et dans les États vassaux renaît à la suite des privations, de l'augmentation des impôts et de la crise économique liée au Blocus continental. Napoléon se heurte en Italie à la résistance du pape Pie VII qui l'excommunie ; Napoléon le fait arrêter en 1809, puis le ramène à Fontainebleau.
5. La « chute de l'Aigle »
En dépit des succès, les bases de l'Empire napoléonien restent fragiles et l'Empereur lui-même est confronté à des difficultés croissantes : soulèvement national qui perdure en Espagne ; crise économique, opposition du clergé après l'emprisonnement du pape, en France… Napoléon voit dans la guerre un dérivatif au mécontentement, un moyen de rétablir ses finances et de soutenir sa politique en Europe.
5.1. Le désastre de la campagne de Russie (24 juin-30 décembre 1812)
Préoccupé par l'attitude du tsar qui prépare la guerre, Napoléon réunit de 1811 à 1812 l'armée la plus considérable et en prend le commandement en mai 1812 pour se lancer dans la campagne de Russie.
Il entre à Moscou le 14 septembre après la bataille de la Moskova (Borodino pour les Russes). Mais, dans la capitale russe, un incendie détruit tout son ravitaillement. Dès le 19 octobre, Napoléon décide la retraite de l'armée française, qui se déroule dans des conditions épouvantables, marquée par le passage de la Berezina (novembre). Napoléon, en apprenant la nouvelle de la conspiration du général Malet (23 octobre), quitte ses troupes en Lituanie pour regagner Paris. Il laisse à Murat, qui désertera, le commandement d'une armée réduite.
5.2. L'effondrement de l'Empire (1812-1814)
Dès son retour à Paris, l'Empereur équipe une nouvelle armée, mais le tsar Alexandre prend la tête d'une véritable croisade contre Napoléon. Le tsar et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III appellent l'Allemagne à se soulever ; l'Autriche, redevenue neutre, propose sa médiation. Et Napoléon, après les victoires de Lützen (2 mai 1813) et de Bautzen (20-21 mai), accepte l'armistice proposé par Metternich. Le chancelier autrichien, n'ayant obtenu aucune concession, rejoint la coalition russo-prussienne et lui déclare la guerre le 12 août. Victime de la défection des contingents allemands, Napoléon est alors battu à Leipzig (bataille de Leipzig, octobre 1813).
À travers l'Allemagne hostile, l'armée française se replie en France. Le Grand Empire s'effondre : la Hollande, les États allemands s'insurgent, l'Espagne est perdue depuis la défaite de Vitoria (21 juin 1813). Napoléon s'efforce pourtant de lever une nouvelle armée, mais il se heurte à des difficultés énormes en France : la levée des classes ne fournit que des effectifs très amoindris par le nombre élevé de déserteurs. Les maréchaux ayant reculé jusqu'en Champagne, Napoléon quitte Paris le 25 janvier 1814.
L'abdication et l'exil de Napoléon
Avec 70 000 hommes, vétérans de la Garde impériale et Marie-Louise, Napoléon entame la campagne de France (janvier-mars 1814). S'il remporte encore quelques succès, il ne peut empêcher les coalisés de rentrer dans Paris le 31 mars. Les maréchaux l'obligent alors à abdiquer, un armistice est signé par Marmont (6 avril).
Par la convention de Fontainebleau (11 avril), les coalisés laissent à Napoléon le titre d'empereur et lui concèdent la souveraineté de l'île d'Elbe, au large de la Toscane, où il s'installe en mai 1814 avec quelques fidèles. Aussitôt, il se persuade que son retour est possible. Il sait que le peuple des villes et des campagnes, exalté par la grandeur de son épopée et écœuré par les excès de l'aristocratie y sera favorable. Mais il espère aussi rallier à sa cause les notables qui l'ont abandonné – car, sans l'appui de cette force sociale, il ne pourra rien et, dans son for intérieur, il se refuse à n'être que le général des masses populaires. Il quitte l'île d'Elbe avec une petite troupe.
6. Les Cent-Jours et l'échec final (1815)
Débarqué le 1er mars 1815 à Golfe-Juan, Napoléon reconquiert la France par son seul prestige sans qu'un coup de feu ait été tiré (« le vol de l'Aigle »). À son arrivée aux Tuileries, le 20 mars, l'Empereur pense profiter du mécontentement des Français contre les Bourbons – Louis XVIII, frère de Louis XVI, a été rétabli sur le trône. Napoléon repousse l'élan révolutionnaire que son retour a suscité et tente vainement d'entraîner les notables. Mais le régime qu'il met en place n'est pas plus libéral ; l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire (22 avril 1815) reprend l'essentiel de la charte de Louis XVIII.
6.1. L'Europe de nouveau coalisée contre Napoléon
Cependant, au congrès de Vienne (signé le 9 juin 1815), l'Europe se réorganise contre lui. Pour prévenir la concentration des armées du général anglais Wellington et du Prussien Blücher, Napoléon rentre en Belgique le 15 juin 1815. Son armée de vétérans (la Vieille Garde) bat les Prussiens à Ligny (16 juin), et, tandis que Grouchy est chargé de contenir Blücher, Napoléon tente d'écraser Wellington. Mais à Waterloo (18 juin), l'Empereur est vaincu par la résistance des Anglais, puis par l'arrivée de Blücher.
6.2. La seconde abdication de Napoléon
Rentré à Paris, Napoléon espère pouvoir continuer la lutte, mais devant l'hostilité des députés, il abdique pour la seconde fois, le 22 juin, en faveur de son fils Napoléon II. Emmené par les Anglais comme prisonnier à Sainte-Hélène, il y demeurera jusqu'à sa mort.
Pendant les années qui lui restent à vivre, en dictant ses Mémoires à Las Cases (qui les publiera en 1823 sous le titre Mémorial de Sainte-Hélène), Napoléon contribue à forger sa légende. Mais il est privé de la présence de Marie-Louise et de leur fils, et en butte aux mesures tatillonnes et vexatoires de son geôlier sir Hudson Lowe, qui est hanté par la fuite possible de l'Empereur.
6.3. Postérité
Napoléon apparaîtra comme le héros de la France et de l'Europe révolutionnaire, le martyr de la Sainte-Alliance. Les romantiques verront en lui l'héritier de la première Révolution et le défenseur des nationalités. Louis-Philippe organisera en 1840 le retour des cendres, et le tombeau des Invalides deviendra un lieu de pèlerinage.