Grande-Bretagne : littérature britannique
Cet article retrace l’histoire des œuvres de langue anglaise dans l’archipel britannique. Les histoires littéraires de l’écossais, du gallois ou du gaélique ne seront pas traitées ici. L’anglais, et tout d’abord le latin, furent les langues de l’hégémonie anglaise, Irlande comprise – le cas irlandais sera traité de la conquête anglo-normande (xiie siècle) à l’aube du xxe siècle, à l’heure de la partition et de l’indépendance de la République irlandaise, avec Yeats et Joyce.
La littérature anglaise est d’une exceptionnelle richesse, nourrie des apports de ses diversités culturelles. Les poètes y sont particulièrement à l’honneur (poète lauréat) mais c’est le théâtre et la création romanesque britanniques qui apportent des contributions majeures à la littérature universelle.
1. Les origines : le vieil anglais et le moyen anglais (viiie-xve siècle)
1.1. Des fragments et une épopée d’inspiration nordique
La destruction des monastères par Henri VIII (1535) a effacé une partie de la mémoire littéraire de l’Angleterre, avec les manuscrits partis en flammes.
L’Histoire ecclésiastique de la nation anglaise (731), du moine Bède le Vénérable, reste la seule œuvre par laquelle le haut Moyen Âge anglo-saxon nous soit connu (Caedmon’s Hymn of Creation) avec quelque précision, tandis que le lai de Beowulf (viiie-xe siècles), épopée de plus de 3 000 vers assonancés (où la rime est approximative), permet de comprendre tout ce que le fonds « vieil anglais » doit à ses origines continentales et nordiques.
À ce patrimoine primitif de la littérature anglaise, il convient d’ajouter quelques fragments comme l’Errant (The Wanderer) ou le Marin (The Seafarer), qui datent du viiie ou du ixe siècles, ainsi que les œuvres de Cynewulf, Ælfric ou la Vie de Wulfstan et l’œuvre du roi Alfred le Grand, qui préside au renouveau culturel anglo-saxon.
1.2. Le latin, le français et l’anglais, langue populaire
Les invasions danoises, à la fin du xe siècle, puis la conquête normande, au milieu du xie siècle, vont marquer nettement la fin des premiers essais littéraires anglo-saxons. Avec les Normands, le français devient la langue des milieux cultivés, tandis que le latin reste la langue des érudits et des gens d’Église.
Langue populaire, l’anglais se transforme, se préparant peu à peu à devenir langue nationale, alors que l’insularité tend à s’affirmer politiquement. Si le trouvère Wace écrit en français, au milieu du xiie siècle, son Roman de Brut, il se trouve, avant même la fin du siècle, un prêtre anglais, Layamon, pour traduire Brut en vers anglais.
1.3. Le dialecte (l’anglais) devient langue nationale
C’est au xive siècle que l’anglais fait son entrée en scène officielle : il remplace le français dans les écoles en 1350, devient langue judiciaire en 1362, et le roi Henri IV l’emploie pour la première fois au Parlement en 1399.
En littérature, Wycliffe (v. 1330-1384), traducteur de la Bible en langue vulgaire, c’est-à-dire en anglais et non plus en grec ou en latin (Vulgate), donne à l’anglais un élan définitif. De cet élan profite William Langland (v. 1332-v. 1400), dernier représentant du vers allitératif dans les trois versions successives de sa Vision de Pierre le Laboureur, vaste poème allégorique et moralisateur.
1.4. Le premier classique, les Contes de Cantorbéry (xiiie siècle)
Mais le nom qui domine les débuts de la littérature proprement anglaise est celui du poète Geoffrey Chaucer (v. 1340-1400), grand conteur et chroniqueur social de la fin du xiiie siècle. Imprégné de Boccace, le grand prosateur de l’humanisme italien, il est l’auteur des Contes de Cantorbéry (Canterbury Tales), recueil inachevé de contes qu’il ne put revoir comme il en avait l’intention.
Sa fonction officielle de secrétaire du roi vaut à Chaucer une inhumation dans ce qu’on appellera ensuite le « Coin des poètes » (Poets’ corner) de l’abbaye de Westminster, où tous les grands écrivains britanniques finiront par avoir des plaques commémoratives.
Les successeurs de Chaucer sont loin d’atteindre la même valeur, et le bilan littéraire du xve siècle anglais est, en définitive, assez pauvre. On peut cependant citer quelques noms : John Lydgate (v. 1370-v. 1449), Thomas Occleve (v. 1368-v. 1450), John Skelton (v. 1460-v. 1529), et surtout un Écossais, William Dunbar (v. 1460-v. 1530), qui écrit en anglais son poème allégorique, le Chardon et la rose (1503).
1.5. Poésie, épopée et théâtre
De son côté, le roi Jacques Ier d’Écosse (1394-1437) rédige, pendant sa captivité à Londres, son Livre du roi, description romancée de son amour pour la nièce d’Henri IV d’Angleterre, Jeanne Beaufort, qu’il épouse en 1424.
Parallèlement à cette poésie souvent artificielle, une poésie populaire se développe avec les ballades, véritables chansons à danser, comme la Fille aux cheveux bruns.
Au théâtre, les moralités (dialogues entre personnages allégoriques, à intentions morales et satiriques), les interludes (courtes farces) et les mystères (petite pièce sur un thème sacré) sont à la mode. La première moralité anglaise, le Château de Persévérance, date du début du xve siècle.
La première épopée en prose, la Mort d’Arthur, est due à Thomas Malory (1408-1471) et éditée par William Caxton, le premier imprimeur anglais.
2. La Renaissance anglaise (xvie s.)
2.1. L’humanisme sous Henri VIII
Plus tardive que dans le reste de l’Europe, la Renaissance anglaise marque donc une rupture moins brutale avec l’époque qui l’a précédée. Sous le règne du puissant monarque qu’est Henri VIII, trois humanistes, Thomas Linacre (v. 1460-1524), William Grocyn (v. 1446-1519) et John Colet (1467-1519), préparent, par leur enseignement, la période brillante qui va suivre. C’est d’ailleurs en latin que l’un de leurs meilleurs élèves, Thomas More (1478-1535), chancelier d’Henri VIII, décrit dans son Utopie (1516) les mœurs paisibles d’une peuplade idéale, modèle d’harmonie politique et sociale ; mais c’est en anglais qu’il écrit son Histoire d’Édouard V et de Richard III.
Dans le même temps, l’influence italienne, déjà sensible chez Chaucer, se précise chez les poètes : sir Thomas Wyatt (1503-1542), introducteur du sonnet dans la littérature anglaise, et Henry Howard, comte de Surrey (v. 1517-1547), qui, le premier, met en œuvre le vers blanc (non rimé). Après eux, sir Thomas Sackville (1536-1608) semble revenir aux inspirations du Moyen Âge ; George Gascoigne (v. 1525-1577) ouvre la voie à tous les genres : comédie, tragédie, satire.
2.2. Poésie pastorale
La période 1575-1580, qui représente les débuts de l’« ère élisabéthaine », constitue le premier âge d’or de la littérature anglaise. Même dans les romans en prose, la poésie pénètre profondément. Trois hommes – Lyly, Sidney et Spenser – dominent cette période et marquent de leur empreinte toute la littérature de la fin du xvie siècle, notamment l’œuvre de Samuel Daniel (1562-1619) et celle de Michael Drayton (1563-1631).
John Lyly (v. 1554-1606) travaille une langue bigarrée et contournée ; son roman Euphues (1578) est vite très apprécié de ses contemporains : l’euphuisme, cette forme anglaise de la préciosité, fera école.
Philip Sidney (1554-1586) a connu une renommée posthume pour son Arcadie, roman pastoral à succès paru en 1590, et son traité de poésie L'Apologie ou Défense de la poésie (1595), qui prône l’abandon des subtilités alambiquées de l’euphuisme.
Enfin, Edmund Spenser (v. 1552-1599), imprégné de l’Italien Pétrarque et du Français Du Bellay, écrit une poésie très pure, dans sa pastorale raffinée du Calendrier du berger (1579), mais surtout dans son œuvre maîtresse, l’épopée allégorique la Reine des fées (1590-1596), restée inachevée.
2.3. Théâtre : l’âge d’or élisabéthain
C’est au théâtre que la Renaissance anglaise doit ses plus beaux titres de gloire. Dès 1576, la troupe du comte de Leicester s’installe à Londres et, en moins de vingt-cinq ans, sept autres théâtres vont s’ouvrir.
De Lyly à Marlowe
Le succès d’Euphues fait de Lyly l’auteur attitré de la Cour : dès 1581, sa première pièce est représentée. Sont également à noter les dramaturges George Peele (v. 1556-v. 1596) et Thomas Kyd (1558-1594), à qui l’on attribue le célèbre Arden de Faversham (1586), et qui crée véritablement le mélodrame.
Les pièces (Tamerlan, la Tragique histoire du Docteur Faust) du jeune Christopher Marlowe à la vie aventureuse (1564-1593) furent très populaires et inspirèrent ses contemporains.
Shakespeare
Mais le monstre sacré de la littérature anglaise, qui règne sur la scène londonienne de 1592 à sa mort, est sans conteste William Shakespeare (1564-1616). Maître des mots et des passions humaines, l’auteur nous parle de folie, de fatalité, des plaisirs de la vie et de l’horreur de la mort, en virtuose des questions essentielles à portée universelle.
On lui attribue jusqu’à une quarantaine de pièces, qui puisent chez Plaute (comme Molière, plus tard, en France) ou chez Sénèque, et le plus souvent classées en tragédies (Roméo et Juliette, Hamlet, Macbeth, Othello), comédies (Beaucoup de bruit pour rien [Much ado about nothing], la Tempête [the Tempest]) et drames historiques (Richard III), ainsi que de célèbres Sonnets, qui, tout comme les pièces, font pleinement partie du fonds dans lequel la langue anglaise puise encore.
… mais aussi Ben Jonson et les autres
Écrivant eux aussi seuls ou en collaboration, de nombreux dramaturges n’en connurent pas moins un succès mérité et d’autant plus prolongé que le public était avide de théâtre : George Chapman (v. 1559-1634), John Marston (v. 1575-1634), Thomas Dekker (v. 1572-v. 1632), Thomas Heywood (1575-1641), Thomas Middleton (v. 1570-1627), Cyril Tourneur (1575-1626), John Webster (v. 1580-v. 1625), John Fletcher (1579-1625), Francis Beaumont (1584-1616).
Le plus grand à nos yeux d’aujourd’hui reste Ben Jonson (1572-1637), auteur du célèbre Volpone (1606). Il fut aussi un spécialiste du « masque », spectacle de cour ancêtre de l’opéra.
L’éclat du théâtre élisabéthain ne doit pas faire négliger les prosateurs, et ils sont divers. Retenons simplement les romanciers Robert Greene (v. 1558-1592 ; Frère Bacon et frère Bongay, vers 1591), Thomas Lodge (1558-1625) et Thomas Deloney (v. 1563-v. 1600) ou encore Thomas Nashe (1567-1601), l’auteur du Voyageur malchanceux (The unfortunate traveller, 1594), prototype du héros picaresque élisabéthain.
3. Un xviie siècle poétique
3.1. À l’heure de l’austérité puritaine
À la mort d’Élisabeth Ire (1603), le siècle s’ouvre sur une longue période de troubles (opposition entre le Parlement et le roi, hostilité entre anglicans, catholiques et puritains) qui aboutit à la guerre civile et à la prise du pouvoir par les puritains. La guerre puis le carcan imposé par le lord-protecteur d’Angleterre Oliver Cromwell ne sont guère propices à la création littéraire. L’édition, en 1611, d’une Version autorisée de la Bible est le premier signe marquant de l’emprise que le puritanisme va, pour de longues années, exercer sur la littérature, au détriment notamment des œuvres en prose, mises à part celles de Thomas Browne (1605-1682).
Pourtant, le théâtre a atteint de tels sommets que, jusqu’à la fermeture des salles, en 1642, il continuera à briller, grâce à Philip Massinger (1583-1640), John Ford (1586-1639 ; le Cœur brisé, 1633) et James Shirley (1596-1666).
Les grands poètes : Donne et Milton
La poésie offre bon nombre de pièces de valeur : Thomas Carew (v. 1595-v. 1639), poète courtois, versifie agréablement ; John Suckling (1609-1642) improvise avec verve ; Robert Herrick (1591-1674) échappe avec grâce à l’austérité de l’époque.
Parmi les poètes dits « métaphysiques », il faut citer George Herbert (1593-1633), Henry Vaughan (1622-1695) et Andrew Marvell (1621-1678) qui, puritain et patriote, se complaît dans la contemplation réaliste de la nature, mais surtout John Donne (1573-1631), le poète le plus original de cette époque, dont le succès fut posthume.
Cependant, le poète puritain par excellence reste John Milton (1608-1674), dont le Paradis perdu (1667) ne sera d’ailleurs publié qu’après la Restauration de 1660.
3.2. Le renouveau de la Restauration : la variété des genres
Retour du théâtre sur le devant de la scène
La Restauration des Stuarts (1660) sur le trône d’Angleterre est aussi réaction contre le puritanisme du demi-siècle précédent. Les théâtres sont rouverts et l’installation de deux troupes d’acteurs (celle du roi et celle de son frère le duc d’York) suscitent une résurrection de la littérature dramatique ; les auteurs sont nombreux, quoique de talent inégal.
Sir William Davenant (1606-1668) donne des œuvres influencées par le théâtre français, mais imprégnées également par la tradition nationale anglaise. John Dryden (1631-1700) fournit ses titres de noblesse à la tragédie héroïque, et Thomas Otway (1652-1685) contribue au succès du genre, tandis que la comédie doit ses meilleures pièces à sir George Etherege (v. 1635-v. 1692) et à William Wycherley (1640-1716).
L’âge du rationalisme
Dans le domaine de la prose, le rationalisme domine, aussi bien en philosophie, avec Thomas Hobbes (le Léviathan, 1651), qu’en théologie, avec le moraliste et mathématicien Isaac Barrow (1630-1677) ou le prédicateur Edward Stillingfleet (1635-1699).
Ce rationalisme suscite un certain nombre de vocations d’historiens ou de mémorialistes, parmi lesquels on retiendra le comte de Clarendon (1609-1674), pour son Histoire de la guerre civile (1702-1704), ainsi que John Evelyn (1620-1706) et Samuel Pepys (1633-1703), pour leurs Journaux d’une valeur exceptionnelle.
L’essai, enfin, genre où transparaît l’influence de Montaigne, trouve quelques représentants brillants : le poète Abraham Cowley (1618-1667) et le diplomate sir William Temple (1628-1699).
De la poésie au roman allégorique : vers une langue moderne
La poésie surtout se hisse au premier plan, avec l’œuvre lyrique de John Dryden, qui donne une forme définitive au vers anglais, qu’il s’agisse de satires mordantes, d’œuvres didactiques ou d’odes harmonieuses. L’œuvre héroï-comique de Samuel Butler (1612-1680), Hudibras (1663-1678), vaut à peu près uniquement par sa vigueur satirique à l’encontre des puritains.
En définitive, la littérature de la Restauration vaut surtout par la variété des genres. Si, mis à part Dryden, aucun auteur ne s’élève très haut, tous contribuent à préparer l’admirable éclosion du xviiie siècle, en donnant notamment à la langue anglaise, en prose comme en vers, une forme moderne qui en fera un instrument de premier ordre.
À cet égard, la publication du Voyage du pèlerin (The Pilgrim’s Progress, 1678 et 1684) de John Bunyan (1628-1688) constitue l’un des jalons majeurs de la littérature anglaise. Ce roman allégorique d’un puritanisme triomphant dépasse largement, par son style à la fois simple et profond, le cadre d’une œuvre catéchisante, pour résonner aujourd’hui encore dans la langue figurée de l’anglais moderne.
L’exposé des théories du philosophe des Lumières, John Locke (1632-1704) et la représentation des comédies nouvelles de William Congreve (1670-1729), de sir John Vanbrugh (1664-1726), de l’Irlandais George Farquhar (1678-1707) marqueront la transition vers le xviiie siècle.
4. De Pope à Johnson (première moitié du xviiie siècle)
La personnalité d’Alexander Pope (1688-1744) domine la première moitié d’un xviiie siècle empreint de classicisme. De ses Pastorales (1705) à son Essai sur l’homme, l’œuvre de Pope témoigne de remarquables qualités de clarté. Sa supériorité se révèle surtout dans le domaine de la poésie. Mais il n’est pas le seul nom à retenir de cette période faste pour la littérature anglaise.
4.1. Gulliver et Robinson Crusoé
L’époque innove tout d’abord par l’utilisation du roman, satirique ou d’aventures.
L’Irlandais Jonathan Swift (1667-1745) est surtout connu pour ses Voyages de Gulliver (1726), roman utopique dont la verve satirique n’épargne rien ni personne, des institutions anglaises aux travers des hommes. Son ami John Arbuthnot (1667-1735) pousse parfois la satire jusqu’à la caricature (John Bull).
Daniel Defoe (v. 1660-1731) offre l’exemple le plus achevé d’un écrivain aux talents variés. Tour à tour poète, journaliste, pamphlétaire, historien, voyageur, moraliste ou romancier, il a laissé une œuvre multiple et solide, dont le célèbre Robinson Crusoé ne représente qu’une très faible partie.
4.2. L’avènement du journalisme
Une autre innovation est le lancement de périodiques - gazettes sociales, mondaines ou littéraires. Après la Revue des affaires de France lancée par Defoe (1704), qui contenait déjà petites annonces, publicité, interviews et chroniques, le trihebdomadaire Tatler (1709-1711), puis le quotidien Spectator (1711-1714) associent les noms de Richard Steele (1672-1729) et de Joseph Addison (1672-1719), deux fins observateurs de la vie anglaise.
Le souci moral des publications laisse pressentir une littérature de sentiment, dont les premiers accents apparaissent aussi bien dans les poésies de lady Winchilsea (1661-1720) et d’Isaac Watts (1674-1748) que dans les comédies de Colley Cibber (1671-1757) ou de Richard Steele.
4.3. L’âge de Johnson
Samuel Johnson (1709-1784) est une personnalité déroutante mais qui marque son époque, au point que l’on a pu parler de « l’âge de Johnson ». Son œuvre est déterminante pour le lien entre langue et littérature anglaises, notamment par son édition critique de Shakespeare, ses biographies de poètes et son monumental Dictionnaire de la langue anglaise (paru en 1755).
En poésie, quelques noms s’imposent : James Thomson (1700-1748), John Dyer (1699-1757), Edward Young (1683-1765), William Collins (1721-1759) et Thomas Gray (1716-1771). Ces trois derniers, le premier dans ses Nuits, le second dans ses Odes, le troisième dans ses Odes et Élégies, trouvent des accents nouveaux qui préfigurent l’avenir romantique encore lointain.
5. Des premiers romans aux romantiques
5.1. Avènement du roman moderne et populaire
La prose (surtout le roman) semble la forme la mieux adaptée à l’esprit du temps. Samuel Richardson (1689-1761) publie son roman édifiant, Clarisse Harlowe, en 1747-1748. Les romans par lettres, sentimentaux et idéalistes, marquent les débuts d’une véritable littérature populaire. Le Vicaire de Wakefield, qu’Olivier Goldsmith (1728-1774) publie en 1766, connaît le même succès. Laurence Sterne (1713-1768) mêle, dans Tristram Shandy, l’humour au sentiment.
À côté de ces trois maîtres du roman sentimental, ceux du roman réaliste, Henry Fielding (1707-1754 ; Tom Jones, 1749) ou picaresque, Tobias Smollett (1721-1771 ; les Aventures de Roderick Random, 1748), participent étroitement à la création du roman moderne.
5.2. L’éclipse du théâtre
Déjà peu brillant dans la première moitié du xviiie siècle, le théâtre s’affaiblit encore. On peut cependant discerner les prémices de ce que sera la littérature dramatique du xixe siècle dans les pièces de George Lillo (1693-1739). Quant à la comédie classique, ce sont surtout des romanciers, Fielding et Goldsmith, qui lui apportent ses meilleurs titres. Le directeur du théâtre Drury Lane, Sheridan (1751-1816), constitue une exception notable (l’École de la médisance, 1777).
5.3. Essais et genre épistolaire
Si le philosophe rationaliste David Hume (1711-1776) donne aux récits du passé une valeur littéraire (Histoire d’Angleterre, 1754-1762), William Robertson (1721-1793), lui, montre de la rigueur dans l’exposé des faits. Surtout, Edward Gibbon (1737-1794) rédige l’Histoire du déclin et de la chute de l’Empire romain (1776-1778). C’est encore grâce à Hume et à Goldsmith que l’essai s’élève lui aussi au rang de genre littéraire.
Enfin, le genre épistolaire connaît un grand succès grâce à Stanhope, comte de Chesterfield (1694-1773), et à Mrs. Montagu (1720-1800).
5.4. Préromantisme et roman « gothique »
La fin du xviiie siècle, à partir de 1770 environ, voit s’accentuer les tendances nouvelles et prépare le mouvement romantique.
Dès 1761, l’Écossais James Macpherson (1736-1796) publie une épopée de Fingal qu’il attribue au barde gaélique Ossian et, en 1765, Thomas Percy (1729-1811) édite ses Reliques de l’ancienne poésie anglaise, qui lancent la mode des ballades, tandis que Thomas Chatterton (1752-1770) – celui-là même dont la vie inspira Alfred de Vigny – s’attache à pasticher dans le style du xve siècle.
Ce retour aux origines témoigne d’une rupture avec le passé proche en faveur d’une littérature laissant libre cours à l’imagination.
Les vers du poète William Cowper (1731-1800) chantent les douceurs domestiques et champêtres.
On classe encore parmi les préromantiques James Beattie (1735-1803), le poète et peintre révolté William Blake (1757-1827), à qui l’on doit Le Mariage du ciel et de l’enfer (1790), et le « barde écossais » Robert Burns (1759-1796).
Avec le Château d'Otrante (1764) d’Horace Walpole (1717-1797), les Mystères d'Udolphe (1794) d’Ann Radcliffe (1764-1823) et le Moine (1796) de Monk Lewis (1775-1818), l’époque préromantique voit le triomphe du roman d’épouvante, dit « gothique ».
5.5. Jane Austen, ou le sens de la dérision
Citons également la romancière Fanny Burney (1752-1840) mais surtout Jane Austen (1775-1817), qui, sur fond de guerres napoléoniennes, brosse la situation difficile des jeunes filles de bonne famille désargentées : sans mariage, point d’indépendance ; sans bonne situation du prétendant, point de mariage d’amour. Ses romans (Orgueil et préjugés, Raison et sentiments, Northanger Abbey), très spirituels, sont aujourd’hui des classiques de la littérature anglaise.
6. L’essor des romantismes
6.1. Wordsworth, Coleridge, Byron, Keats : les grands poètes romantiques
La publication, en 1798, des Ballades lyriques, œuvre conjointe des poètes William Wordsworth (1770-1850) et Samuel Coleridge (1772-1834), constitue l’acte de naissance du romantisme anglais. Il s’agit d’un élan national, qui doit peu aux influences continentales, et plus précoce que les romantismes français ou allemand.
La région des Lacs (Lake District), au Nord-Ouest de l’Angleterre et limitrophe de l’Écosse, est leur lieu de prédilection et leur vaudra l’appellation de « lakistes ». Ils chantent les tumultes de l’émotion, la contemplation fervente de la nature et de ses violences, reflet de l’âme humaine.
Lord Byron (1788-1824) est le poète de toutes les révoltes et donne des œuvres lyriques (le Pèlerinage de Childe Harold, 1812-1818) et des drames, avant de trouver la mort dans l’engagement au combat aux côtés des Grecs, contre la domination ottomane (Empire ottoman).
Percy Bysshe Shelley (1792-1822, époux de Mary Shelley) reste un poète plus pur, incomparablement lyrique, tandis que John Keats (1795-1821) met une sensibilité profonde à dire son amour pour la mort qui le guette.
Il faut enfin mettre à l’actif du romantisme la fondation de quelques-unes des meilleures revues anglaises : Edinburgh Review (1802), Quaterly Review (1809), Blackwood Magazine (1817), Westminster Review (1824).
Pour en savoir plus, voir l'article le romantisme en littérature.
6.2. Ivanhoé et Frankenstein
L’Écossais Walter Scott (1771-1832), d’une certaine façon en symbiose avec le mouvement romantique, n’est resté célèbre que par ses romans historiques (Ivanhoé, 1819), dont on a d’ailleurs pu dire qu’ils avaient influé sur la manière de comprendre et d’étudier l’histoire.
Le roman d’épouvante poursuit une brillante carrière. Ainsi, le Frankenstein (1818) de Mary Shelley (1797-1851) introduit le thème de la créature, monstre issu de l’orgueil de l’homme qui a joué au Créateur.
6.3. Le second romantisme de Tennyson et de Browning
La période romantique proprement dite ne dure qu’une trentaine d’années et, dès 1830, cette veine semble s’apaiser.
En poésie, deux personnalités dominent alors : Alfred Tennyson (1809-1892), notamment auteur de Enoch Arden (1864) et Robert Browning (1812-1889). Chez Tennyson, la sensibilité n’exclut pas un constant souci d’une forme parfaite. Robert Browning, au contraire, se libère rapidement du romantisme et se livre à une profonde analyse intérieure, presque scientifique.
L’époque compte aussi des poètes aux inspirations variées, parmi lesquels on retiendra : Christina Rossetti (1830-1894, sœur de Dante Gabriel), suave et spontanée, et deux chantres de l’amour conjugal, Coventry Patmore (1823-1896) et Elizabeth Browning (1806-1861), épouse de Robert.
La poésie par ailleurs n’échappe pas au mouvement artistique des préraphaélites, qui éclot, au milieu du xixe siècle, en réaction au caractère conventionnel et morose de l’ère industrielle. Soumis à l’influence de Ruskin et de Keats, un groupe se forme ainsi autour de Dante Gabriel Rossetti (1828-1882), J. E. Millais (1829-1896) et W. H. Hunt (1827-1910).
6.4. Les romanciers d’un xixe siècle industriel
Après la chute de Napoléon et le Congrès de Vienne (1814-1815), le Royaume-Uni est certes la grande puissance mondiale à l’extérieur, mais souffre de graves problèmes à l’intérieur, source de fortes tensions sociales et politiques (→ histoire de la Grande-Bretagne). Les lois protectionnistes sur le blé (Corn Laws), en particulier, sont l’enjeu de la répartition du pouvoir entre les propriétaires terriens et la nouvelle classe industrielle, patrons et ouvriers ; certaines années amènent disette ou famine (→ histoire de l’Irlande, paragraphe la Grande famine).
Dickens
Le romancier Charles Dickens (1812-1870), dont on retiendra notamment les Grandes espérances (Great Expectations) et Oliver Twist, est le peintre inoubliable de l’enfance maltraitée. La maîtrise d’une écriture tantôt tendre, tantôt extérieure ou féroce, lui amène l’empathie du lecteur, emporté par la fatalité des engrenages où se débattent les petites gens, les faibles, en particulier les enfants. La noirceur de la trame principale est tempérée par un savoureux dosage de petites touches d’humour et par l’extravagance comique de personnages secondaires.
Par son hebdomadaire engagé Household Words (1850-1859) et les romans, de lui-même ou de contributeurs contemporains, qui y paraissent en feuilletons destinés au grand public, Dickens entraîne une pléiade de bons auteurs dans son sillage, dont Mrs. Gaskell et Wilkie Collins. Le personnage de Scrooge, le vieil avare réhabilité (Contes de Noël, 1843-1848), est devenu un archétype anglo-saxon (c’est le nom de Picsou en anglais...).
… et les autres
Le roman social, ancré dans son époque, trouve ses meilleurs représentants en Mrs. Gaskell (1810-1865), qui prône une forme de réconciliation sociale (Nord et Sud, 1855) et Charles Kingsley (1819-1875). La peinture par la romancière George Eliot (1819-1880 ; Middlemarch, 1874) du microcosme de la vie rurale et provinciale anglaise reste un modèle du genre.
William Thackeray souligne le creux d’une société immorale dans La Foire aux vanités (Vanity Fair, 1847-1848) et le Livre des snobs (1846-1848). Anthony Trollope (1815-1882) fait la satire de la bourgeoisie victorienne. Wilkie Collins (1824-1889) plaide pour la victime dans une société dure aux faibles, à travers ses romans haletants (The woman in white, 1860, The Moonstone, 1868), plus tard qualifiés de policiers.
6.5. Le roman psychologique : des sœurs Brontë à Thomas Hardy
Si l’héritage romantique apparaît chez les romanciers sociaux, il est encore plus net dans les œuvres des sœurs Brontë : Charlotte (1816-1855), Emily (1818-1848) et Anne (1820-1849). Avec les Hauts de Hurlevent (Wuthering Heights, 1847), Emily livre un hymne à l’amour fou et destructeur. Charlotte surtout (Jane Eyre, 1847 ; Villette, 1853) développe la personnalité du héros, homme ou femme, qui, malgré sa vie difficile dans une société peu propice, et malgré ses propres tourments, prendra son destin en main.
À partir de 1875, les influences étrangères se font plus sensibles et l’imagination reprend ses droits. Le critique, mais surtout poète et romancier, George Meredith (1828-1909) laisse une œuvre qui vaut avant tout par sa profonde psychologie. Héritier tardif du romantisme, Algernon Swinburne (1837-1909) se révèle un poète et critique littéraire pénétrant. Enfin, le lyrisme nostalgique et subtil d’un Thomas Hardy (1849-1928) mérite une mention spéciale, d’autant que son pessimisme n’élude pas la dimension sociale (Tess d’Urberville, 1891 ; Jude l’Obscur, 1895).
7. Vers de nouveaux genres
7.1. Le roman policier
La fin du xixe siècle marque les débuts éclatants d’un genre encore insoupçonné en Grande-Bretagne (malgré la plume féconde de Wilkie Collins, ou la popularité, en France, d’Edgar Poe et d’Émile Gaboriau) : le roman policier. Il s’illustre avec la création par le médecin Conan Doyle d’un couple de personnages promis à un bel avenir : Sherlock Holmes, le détective violoniste et opiomane mais à l’esprit déductif omniscient, et son faire-valoir, le docteur Watson. Le succès est tel que l’auteur doit ressusciter son héros devant les hauts cris des lecteurs dépités de sa mort prématurée.
7.2. La veine fantastique
On assiste également à une renaissance du roman d’aventures ou d’épouvante. L’Écossais Robert Louis Stevenson (1850-1894) renouvelle le couple créateur-créature, avec son Docteur Jekyll et Mister Hyde (1886).
Bram Stoker (1847-1912) crée le personnage de Dracula (1897), qui inspirera le cinéma tout au long du xxe siècle. H. G. Wells (1866-1946) explore avec brio le roman d’anticipation (la Machine à explorer le temps, 1895 ; l'Île du Dr Moreau, 1896 ; la Guerre des mondes, 1897).
7.3. Littératures enfantines
Lewis Carroll invente la jeune Alice (1865) qui, dans son rêve initiatique « au pays des merveilles », nous convie au royaume de l’absurde (« nonsense ») ; il y déploie une jonglerie logique et langagière jubilatoire, toujours présente dans la culture anglo-saxonne contemporaine.
Beatrix Potter (1866-1943) écrit des histoires animalières (mais anthropomorphes) abondamment illustrées, destinées aux plus jeunes et dont le succès ne s’est jamais démenti.
Rudyard Kipling (1865-1936), dans ses Livres de la jungle (1894-1895) et dans Capitaines courageux (1897) raconte les hantises de l’enfance et l’amitié virile dans une société complexe des Indes sous férule britannique (Kim).
7.4. Entre humour souriant et ironie féroce
Reflets d'une haute bourgeoisie contente d'elle-même et de son temps, les récits drolatiques de Jerome K. Jerome (Trois Hommes dans un bateau,1889) et de P. G. Wodehouse (avec la série des Jeeves) sont des bijoux d’humour britannique.
Les tendances de Ruskin et des préraphaélites se retrouvent dans l’esthétisme (Walter Pater [1839-1894]).
Deux Irlandais anti-conformistes dominent au théâtre. Oscar Wilde (1854-1900) esthète affiché, manie le paradoxe et l’ironie pour mieux chercher une grâce et une morale intemporelles (Dorian Gray, 1890-1891; le Crime de lord Arthur Savile, 1891). Puis George Bernard Shaw (1856-1950 ; prix Nobel 1925) s’attaque avec un humour féroce à tous les préjugés (Pygmalion, 1913).
8. Du xxe siècle à nos jours
La Première Guerre mondiale, traumatisme européen qui n’épargne pas la jeunesse britannique, fauchée sur le front de Champagne, marque la fin d’un monde et de la puissance britannique. La remise en question des valeurs et des modes de pensée d’avant-guerre qui en découle influe sur la création. La montée des totalitarismes à l’entre-deux-guerres, puis le profond bouleversement intellectuel dû à la Seconde Guerre mondiale, où la Grande-Bretagne même a vacillé un temps face à Hitler, explique la place que prend la littérature de l’absurde et le développement de la fiction en tant que dérivatif.
8.1. Un contexte bouleversé
Le siècle ayant montré que l’humanité était capable du pire, la littérature anglaise ne croit plus à la marche inéluctable vers le progrès. Maints récits ont pour thème la déshumanisation ou la dépersonnalisation. Les talents sont innombrables et touchent tous les genres ; plusieurs personnages à portée universelle entrent en scène.
Par ailleurs, l’Irlande revendique de plus en plus ouvertement son particularisme. Ses écrivains, certes, continuent à publier leurs œuvres en anglais, comme l’avaient déjà fait, au xviiie siècle et au début du xixe siècle, Sheridan et Thomas Moore, mais chez le poète William Butler Yeats (1865-1939), comme chez le dramaturge John Millington Synge (1871-1909), l’inspiration irlandaise trouve une expression particulièrement originale.
8.2. Poésie et théâtre
La poésie assimile, à l’exemple de Dylan Thomas (1914-1953), les thèmes surréalistes. Philip Larkin rejette le sentimentalisme romantique.
Le maître reste T. S. Eliot (1888-1965 ; prix Nobel 1948), qui, sans rompre avec le passé, fonde une esthétique moderne de la création poétique et théâtrale (Meurtre dans la cathédrale, 1935). Au théâtre s’affirment aussi les succès de Noel Coward (1899-1973), tandis que les drames poétiques de Christopher Fry (1907-2005) s'inspirent d'une vision cosmique de la nature.
Les jeunes auteurs anglais reconnaissent leurs fantasmes et leurs obsessions dans les pièces de Beckett et de Ionesco ; l’absurdité de la vie forme le thème essentiel de celles d’Harold Pinter (1930-2008), dont les « comédies de menace » déroulent des événements cocasses dans une atmosphère désespérée.
Mentionnons également Edward Bond (dans la lignée de Brecht), T. Stoppard (Rosencrantz et Guildenstern sont morts, 1966) et Peter Brook.
8.3. L’explosion du roman
La production romanesque prend un essor formidable, avec la lecture de masse et la notion de best-seller, et l’éclosion de plusieurs genres ou de plusieurs lectorats distincts, selon l’âge et le sexe. La création est de qualité certes très inégale, allant d’œuvres majeures au roman dit « rose », avec la prolifique Barbara Cartland.
Nouvelles formes, nouvelles exigences
L’écrivain irlandais James Joyce (1882-1941), qui a choisi l’exil définitif sur le continent européen, bouleverse les conceptions traditionnelles du roman par son exploration des possibilités extrêmes de la langue et de la narration. Son œuvre ne saurait être appréhendée par le lecteur de façon immédiate ; son Ulysse (1922) notamment inspirera Queneau.
John Galsworthy (1867-1933 ; prix Nobel 1932) dépeint avec pessimisme la vie de la grande bourgeoisie dans sa célèbre Saga des Forsyte (1906-1921).
D. H. Lawrence (1885-1930) scandalise ses compatriotes par l’érotisme sans fard de ses romans (l'Amant de lady Chatterley, 1928). Dans un autre registre, Sa Majesté des mouches (1954) de William Golding (1911-1993 ; prix Nobel 1983) fait partie des classiques du siècle.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la génération des « Jeunes Gens en colère » (Angry young men) se déchaîne un temps contre les valeurs établies, et la révolte devient dérision chez Kingsley Amis (1922-1995) ou Alan Sillitoe (1928-2010 ; la Solitude du coureur de fond, 1959).
Une pléthore de talents
Bien d’autres écrivains témoignent de la richesse du roman au xxe siècle, qui sera abondamment exploitée par le nouveau « 7e art » et la télévision, et récompensée par de nombreux prix littéraires, nationaux comme le Booker Prize, ou internationaux comme le prix Nobel.
Ainsi, on retiendra :
- le cinglant Somerset Maugham (1874-1965 ; la Lune et six pence, 1919) ;
- le fin et sensible E. M. Forster (1879-1970 ; Where angels fear to tread, 1905) ;
- le sardonique Evelyn Waugh (1903-1966 ; Scoop, 1938) ;
- l’intrigante Daphné Du Maurier (1907-1989 ; Rebecca, 1938) ;
- le très prenant Lawrence Durrell (1912-1990 ; le Quatuor d’Alexandrie, 1957-1960) ;
- tandis qu’Iris Murdoch (1919-1999) plonge le lecteur dans une méditation songeuse incomparable.
Citons encore Virginia Woolf (1882-1941) et Doris Lessing (née en 1919, prix Nobel 2007 ; The grass is singing, 1950).
Le roman de ces dernières décennies est marqué par un retour de la fantaisie narrative , avec Julian Barnes (le Perroquet de Flaubert, Le tour du monde en 10 chapitres et ½), William Boyd (Un Anglais sous les tropiques, 1981), Salman Rushdie, V. S. Naipaul (prix Nobel 2001) ou David Lodge.
Roman policier et roman d’espionnage
G. K. Chesterton (1874-1936) reprend en 1911 le flambeau du genre policier avec son personnage (Father Brown) du petit prêtre inoffensif et néanmoins décrypteur d’énigmes savoureuses.
C’est en 1920 (la Mystérieuse Affaire de Styles) que fait ses débuts difficiles « la reine du crime », la romancière Agatha Christie (1890-1976), créatrice de deux personnages qui font encore le tour du monde : le détective belge Hercule Poirot, vaniteux champion des « petites cellules grises » de l’intellect (et son faire-valoir, le capitaine Hastings), et miss Marple, la vieille demoiselle campagnarde, menue, effacée et néanmoins très vive d’esprit.
On doit aussi à Agatha Christie un fécond renouvellement du genre qu’est le roman d’énigme, avec notamment une brillante ellipse narravative dans le Meurtre de Roger Ackroyd (1926). La production est foisonnante, avec notamment Dorothy L. Sayers (1893-1957), P. D. James (née en 1920) ou Ruth Rendell (née en 1930).
Dans le monde de l’espionnage, les auteurs les plus marquants sont sans doute Len Deighton, mais surtout Ian Fleming (créateur du personnage de James Bond, dit aussi « 007 ») et l’incontournable John Le Carré (L’espion qui venait du froid, 1963 ; Un traître à notre goût, 2010).
On ne saurait oublier Graham Greene (1904-1991) qui avant lui captivait avec son Troisième homme (1949) , sans pour autant délaisser d’autres registres (Voyages avec ma tante, 1969). Le genre reste très prolifique, avec notamment des déclinaisons dans différents milieux professionnels (par exemple, le monde de la justice) ou différentes époques historiques ; ainsi les continuateurs de Ellis Peters (créatrice, dans les années 1980, du frère Cadfael, moine détective dans l’Angleterre d’après la conquête normande) sont nombreux.
La science-fiction
Le pessimiste Aldous Huxley (1894-1963), d’abord partisan de l’imagisme (puissance de l’image fugace en poésie), donne un jalon majeur de la science-fiction (le Meilleur des mondes, 1932) en tant que genre littéraire qui alerte l’espèce humaine sur sa puissance autodestructrice.
L’autre chef-d’œuvre du roman d’anticipation à portée politique est bien entendu le 1984 (publié en 1949) de George Orwell. J. G. Ballard (1930-2009) et surtout Arthur C. Clarke (1917-2008) ont également exploité cette veine de la science-fiction.
La littérature pour enfants
James Barrie (1860-1937) invente au début du xxe siècle (1902) le personnage pour enfants Peter Pan, l’enfant qui ne veut pas grandir.
La Baronne Orczy, dans la lignée du roman de cape et d’épée, crée le personnage du Mouron rouge (1905), aventurier sympathique sur lequel la police de la Révolution française ne peut mettre la main. Le romancier Joseph Conrad (1857-1924) est une grande figure du roman d’aventures (Lord Jim, 1900) .
Roald Dahl est le maître de la nouvelle à l’humour noir, mais aussi d’une littérature pour enfants savoureuse (Matilda, 1988) le plus souvent illustrée par Quentin Blake. J. R. R. Tolkien (1892-1973) entame en 1954 sa trilogie épique du Seigneur des anneaux.
D’autres auteurs ont laissé des personnages appréciés des jeunes lecteurs : Enid Blyton (Oui-Oui, le club des Cinq), Pamela Travers (Mary Poppins), Alan Alexander Milne (Winnie l'Ourson), Michael Bond (créateur de l’ours Paddington), Sue Townsend (avec l’adolescent boutonneux Adrian Mole, sans oublier naturellement J. K. Rowling, avec la renommée mondiale de son jeune apprenti sorcier, Harry Potter...