Grande-Bretagne : art et architecture des îles britanniques

Stonehenge
Stonehenge

Dans le comté de Wiltshire est conservé l’un des plus célèbres vestiges monumentaux européens, inscrit par l’UNESCO au Patrimoine mondial et qui remonte à l’époque néolithique : l’enceinte de pierres de Stonehenge. Aux origines de la civilisation dans les îles Britanniques, il convient aussi de citer tout d'abord, en Irlande, les murs celtiques en pierres sèches des comtés de Kerry, Galway, Donegal, et quelques oratoires isolés (Gallarus, Saint Finan), et, ensuite, des restes de l'occupation romaine en Angleterre (petits temples à plan carré de Bath et de Colchester, villas construites en brique).

1. Du romain au gothique (ive-xve s.)

Malgré l'existence de foyers artistiques celtes et romains, l'histoire de l'art et de l'architecture à proprement parler britanniques débute avec les Anglo-Saxons, qui quittent le nord de la Germanie aux ve et vie siècles pour venir s'installer en Angleterre, jusqu'aux frontières actuelles du pays de Galles et de l'Écosse. Les croix de pierre taillée et les manuscrits enluminés représentent les plus belles réalisations artistiques de la période anglo-saxonne, tandis que la période qui suit la conquête normande au xie siècle entraîne le développement de l'architecture.

1.1. Une architecture au rythme des conquêtes

Le premier événement majeur est le rétablissement du christianisme (des communautés chrétiennes étaient déjà apparues sous l'occupation romaine) : dès la fin du vie s., des missionnaires, venus de Rome et d'Irlande, convergent vers l'Angleterre ; ils y apportent des livres religieux, des ornements sacerdotaux et les techniques de construction en pierre.

Des églises primitives aux cathédrales romanes anglo-saxones

L'architecture paléochrétienne est représentée par la basilique de Silchester (ive siècle), mais ce n'est qu'à la fin du vie siècle que fleurissent les premières églises avec la venue de saint Austin et de moines bénédictins envoyés de Rome. Il s'agit en général d'édifices à nef large, de tradition romaine (Canterbury, Reculver), à l'exception de la Northumbrie, où l'on trouve un type de constructions étroites et hautes (église de Monkwearmouth). La plupart de ces églises ont été détruites au moment des invasions danoises (ixe-xe siècle).

L'architecture « saxonne », de style préroman, porte l'empreinte des grandes abbayes continentales (Saint-Riquier) par l'usage de la tour-lanterne (Langford, Barnack) ou de la décoration plaquée polychrome (Earls Barton).

Avec la conquête normande (1066), l'Angleterre, désormais partie intégrante de l'Europe médiévale, est unie sous l'autorité d'un roi, mais le principal commanditaire reste l'Église. L'architecture, en particulier, subit l'influence du nouveau régime et, les évêques exigeant des sanctuaires plus grands et mieux conçus, les cathédrales de cette époque seront les premiers bâtiments anglais d'importance à traverser les siècles sous leur forme primitive.

L'architecture connaît une impulsion nouvelle grâce à l'adoption du plan en forme de croix latine avec nef, bas-côtés, transept et déambulatoire, suivant l'exemple des grandes abbatiales de la Normandie française, Caen et Jumièges. Dès la fin du xie siècle s'élèvent les cathédrales de Canterbury, Lincoln et dans le Nord de l'Angleterre, Durham, cette dernière bientôt dotée des premières voûtes d'ogives couvrant une nef ; si la cathédrale de Saint Albans, construite en 1077, suit encore étroitement le modèle normand, en trente ans se forge le style roman anglo-normand.

En matière d'architecture civile, l'implantation de la féodalité conduit à la multiplication des donjons et des forteresses (Rochester, Newcastle, Scarborough, la Tour de Londres, érigée par Guillaume le Conquérant dans les années 1070).

Le gothique en trois phases

À partir de 1175, le Français Guillaume de Sens reconstruit le chœur de la cathédrale de Canterbury (détruit par un incendie), premier ouvrage gothique en Angleterre. Une fois de plus, les caractéristiques nationales s'affirment très vite. Dans l'ensemble, les cathédrales anglaises sont plus larges, plus allongées et plus basses que les françaises. Elles conservent un transept (parfois même deux), qui fait quelquefois défaut dans les cathédrales françaises. D'autre part, alors que celles-ci possèdent un chevet arrondi et une façade occidentale ornée de porches enfoncés, les cathédrales anglaises, à l'exception de celle de Canterbury, possèdent un chevet carré, souvent pourvu de splendides vitraux, une façade occidentale plate, des façades de transept sans portail.

Le gothique anglais, qui présente une évolution originale, se divise en trois phases :

L'early english (style anglais des débuts), de conception nette et austère, qui se répand aux xii et xiiie siècles (cathédrales de Lincoln et de Salisbury et abbaye de Westminster), est surtout un rappel du gothique normand.

Le curvilinear style (style orné ou décoré), caractérisé par de riches sculptures, des motifs de voûte complexes et d'arcs, ainsi que par une utilisation accrue des vitraux, développe la notion de verticalité en jouant sur les arcatures et la dynamique des lignes de force (chœur des cathédrales de Wells, Lincoln, Ely).

– Vers le milieu du xive siècle, enfin, prend forme le perpendicular style (style perpendiculaire), qui met en œuvre un motif particulier, des bandes ou barres verticales traversées, à de larges intervalles, par des lignes horizontales, grille servant de décoration murale ou de trame à de grands vitraux. Le gothique perpendiculaire, qui connaît son apogée vers 1500 avec la voûte en éventail (cloître de Gloucester), orne les édifices les plus somptueux, souvent construits grâce au mécénat royal, comme la chapelle du King's College, à Cambridge (commencée en 1446 et voûtée entre 1508 et 1515).

1.2. La sculpture, du monument à l’ornement

Les premières croix de pierre taillée sont essentiellement produites dans le Nord, notamment dans l'Irlande septentrionale, qui compte parmi les régions les plus évoluées d'Europe à la fin du viie siècle et au début du viiie siècle.

Au service de l’architecture religieuse

C'est en Northumbrie, dans le Nord de l'Angleterre (entre York et Edimbourg), ancien royaume angle évangélisé par les moines irlandais au viie siècle que l'on rencontre le premier ensemble de sculptures monumentales : les deux croix de Ruthwell et Bewcastle, où l'on perçoit des influences méditerranéennes. Au ixe siècle, cet art décline sous l'effet des résurgences primitives et de l'influence mérovingienne.

La sculpture carolingienne, favorisée par Alcuin d'York – religieux anglais devenu conseiller de Charlemagne –, est d'abord une transposition en pierre de la sculpture sur ivoire de morse. L'invasion danoise apporte en Angleterre un style dynamique, qui trouve son expression dans les arts des métaux et de l'ivoire. La conquête anglo-normande met fin à cette production pour imposer la sculpture ornementale sur les édifices, tout en dédaignant la sculpture isolée.

La période entre 1140 et 1160 est illustrée par les sculptures architecturales du Herefordshire (Leominster, Kilpeck, Castle Frome) et de l'abbaye de Bury Saint Edmunds, par la frise de la cathédrale de Lincoln, le tympan de la cathédrale d'Ely. L'école de la vallée d'York arrive à maturité entre 1160 et 1170, à Brayton et Barton Street. Le décor de la façade occidentale de la cathédrale de Wells (xiiie siècle) demeure l'œuvre la plus importante de la sculpture gothique anglaise.

De nombreuses sculptures religieuses seront détruites à la Réforme ou sous les puritains au xviie siècle (comme la plupart des vitraux représentant des personnages).

L’art profane et la commande privée

Grâce aux ateliers d'enluminure auxquels elle emprunte des modèles, la sculpture anglaise reprend vie au début du xiie siècle, à Canterbury et à Reading, et produit deux types de chapiteau : l'un à motif de feuilles d'acanthe enrichi de rangées de perles, l'autre à animaux fantastiques.

Dans le même temps, dans le Sud et le Sud-Ouest, les bronziers et les ivoiriers développent une production de haute qualité.

Le roi Édouard Ier apporte une contribution personnelle au développement de l'art anglais : à la mort de la reine Éléonore de Castille (1290), il fait élever une suite de croix sculptées entre Harby (Nottinghamshire), lieu de son décès, et Westminster, où elle est enterrée ; il commande également les effigies en bronze d'Henri III et d'Éléonore pour la chapelle de Westminster. William Torel, Alexander of Abingdon, William of Ireland sont les noms des sculpteurs les plus connus de cette époque.

Au début du xive siècle, la sculpture incline vers l'ornement et la décoration rythmée, notamment sous l'influence française. La seconde moitié du xive siècle et le début du xve voient se développer à Londres, Nottingham et York l'art des reliefs en albâtre et celui des effigies en cuivre. Cette période est marquée par une production considérable de boiseries sculptées : stalles, jubés, clôtures. Sous le règne de Marie Tudor (1553-1558), la sculpture connaît un regain de faveur en tant qu'art funéraire.

1.3. Livres peints et décors muraux

L'enluminure : origines d’un style national

La fondation des premiers établissements monastiques sur le sol anglais marque, au viie siècle, la naissance des écoles d'enluminure de manuscrits. L'Évangéliaire de Durrow (milieu du viie s.) révèle des influences irlandaises et méditerranéennes.

L'art irlando-saxon s'illustre à travers deux superbes manuscrits enluminés : le Livre de Lindisfarne, conçu vers 700 par les moines de Holy Island, île au large du Northumberland, et le Livre de Kells, commencé vers 800 sur l'île d'Iona et achevé à Kells, dans le nord de l'Irlande. Si l'utilisation de formes curvilignes traduit une influence méditerranéenne, l'originalité de ces enluminures – qui seront produites en Angleterre jusqu'au xiiie siècle – réside dans leurs lettres aux formes stylisées et dans leurs motifs décoratifs complexes, qui seront imités sur le continent.

À la fin du viiie siècle apparaît un style moins hiératique, d'inspiration carolingienne (Évangile de Cuthbert, Évangile de Canterbury), qui, par l'intermédiaire de l'école de Reims, s'implante dans le Kent.

Au xe s., une réforme des monastères entraîne le déplacement vers le sud des foyers artistiques et l'apparition d'une nouvelle école d'enluminures, dite de Winchester – bien qu'elle se développe aussi à Canterbury et dans d'autres villes. Des manuscrits comme le Pontifical de saint Aethelwold (975-980) trahissent l'influence de l'art carolingien, avec leurs décors à larges feuilles et leurs lettres plus hardies que dans les œuvres irlando-saxonnes.

Aux xie et xiie siècles, l'art de l'enluminure continue à s'épanouir dans le Sud : des bibles magnifiques, telle celle de Winchester (milieu du xiie siècle), s'ornent de lettrines brillamment colorées, de personnages expressifs relevant d'une tendance de tradition byzantine.

Circulation des modèles et des artistes

À partir du xie siècle, la plupart des courants ou écoles aboutissent à une fusion. La conquête anglo-normande apporte à l'enluminure un souffle nouveau. Sous le règne d'Henri II (1154-1189) l'esprit gothique s'affirme, grâce à la venue d'artistes étrangers, français et italiens (Livre d'heures de Sarum, xiiie s. ; Psautier de la reine Marie, Psautier de Luttrell, xive s.).

À la même époque se développe la peinture murale (cathédrale de Canterbury), qui évolue progressivement vers un style de cour, dont les exemples les mieux conservés se trouvent à Windsor et à l'abbaye de Westminster.

On reconnaît, au début du xve siècle, l'influence prépondérante de l'école de Paris, aussi bien dans l'enluminure (Psautier de Saint-Omer) que dans la peinture et la décoration murale – influence bientôt effacée par l'arrivée d'artistes d'origine flamande, annonciateurs de la Renaissance.

2. Un art aristocratique (xvie-xviiie s.)

2.1. La Renaissance en Grande-Bretagne

Le xvie siècle apporte des transformations religieuses et culturelles aussi spectaculaires que les changements qui avaient accompagné la conquête normande, mais dans l'ensemble leur effet sur la vie artistique n'est pas positif (fait significatif, les quelques œuvres Renaissance produites en Angleterre sont toutes de conception ou d'inspiration étrangère).

En effet, dans les années 1530, la Réforme protestante entraîne la dissolution des monastères – principaux lieux de création depuis huit siècles – et l'interdiction de la statuaire et des tableaux religieux dans les églises.

De plus, contrairement aux cours royales du continent, celle de Henri VIII ne joue aucun rôle de mécène. Au xviie siècle, Charles Ier, grand amateur d'art, tentera de renverser cette tendance, mais se heurtera à une telle impopularité que son exemple sera suivi avec prudence par ses successeurs.

Comme les artistes anglais n'ont pas accès aux formes d'art les plus nobles, telles la peinture sacrée et mythologique ou l'édification d'églises et de palais imposants, ils doivent, pour constituer une nouvelle tradition nationale, investir des genres moins grandioses – portraits, sculptures funéraires, modestes manoirs. Cependant, ces genres, qui jouissent à l'époque d'un certain prestige social, vont heureusement acquérir une importance artistique au xviiie siècle.

2.2. L'âge d’or du portrait peint

De Holbein...

La rupture entre Henri VIII et la papauté (1533) limite de façon considérable les possibilités de la peinture. Les sujets religieux étant proscrits, celle-ci doit se limiter au portrait. Avec l’Allemand Hans Holbein le Jeune, qui s'établit à Londres en 1532, naît la peinture anglaise moderne. La qualité du dessin, le poids symbolique et le souci de la perfection formelle en font un modèle auquel vont se référer des artistes tels que l'Allemand Gerlach Flicke, les Hollandais Guillim Scrots et Antonio Moro, tous peintres en faveur auprès des rois et reines de la dynastie des Tudors.

Dans un registre différent, l'Anversois Hans Eworth, auquel on doit plusieurs portraits de la reine Élisabeth Ire (1558-1603), apporte en Angleterre un goût maniériste. La miniature, grâce à la personnalité de Nicholas Hilliard et à celle de son élève Isaac Oliver, peut être considérée comme un des arts les plus achevés de l'ère élisabéthaine.

... à Van Dyck

La venue, sous Jacques Ier, des portraitistes hollandais Paul Van Somer et Daniel Mytens annonce l'avènement du baroque. Le représentant le plus considérable en est le Flamand Anton Van Dyck, installé à Londres en 1632, peintre favori du roi Charles Ier qui l'anoblit. La grâce aristocratique de ses portraits ainsi que ses qualités de coloriste font de Van Dyck l'initiateur d'un art sophistiqué dont la vogue persiste en Angleterre au-delà du xviie siècle.

Parmi ses suiveurs, on peut citer William Dobson et sir Peter Lely, figure majeure du règne de Charles II.

Avec le portraitiste Godfrey Kneller s'éteint la veine baroque, fastueuse et trop liée aux gouvernements absolutistes pour survivre longtemps à la révolution anglaise de 1688.

2.3. L'essor de l'école anglaise de peinture

C'est au xviiie siècle que prend forme la véritable école anglaise de peinture. Durant la seconde moitié du siècle, l'accumulation des richesses se traduit par une augmentation du nombre des artistes. L'art italien devenant très en vogue, quantité d'artistes britanniques font le « voyage de Rome ». La création de la Royal Academy, en 1768, va assurer peu à peu le rayonnement de la peinture britannique sur les écoles européennes.

Tableaux de la vie sociale

Dans ce nouvel élan de la vie artistique, William Hogarth acquiert une réputation internationale avec des tableaux de genre admirables d'observation et d'humour, où il jette un regard critique sur la société de son temps.

À l'art du portrait sont attachés les noms de Allan Ramsay, George Romney et plus tard sir Thomas Lawrence ou sir Henry Raeburn. Surtout, il atteint son apogée avec l'élégant Thomas Gainsborough et le fécond Joshua Reynolds, qui fut le premier président de la Royal Academy. Il s'accompagne d'un nouveau type de tableaux, les conversation pieces ; dans ces œuvres de petit format, sortes d'instantanés de la vie sociale excellent Arthur Devis ou Joseph Highmore.

Le paysage

Influencé notamment par l'art du Français Claude Lorrain et de l’Italien Canaletto, qui effectue deux séjours à Londres au milieu du xviiie siècle, le paysage anglais trouve sa mesure avec Richard Wilson et Thomas Gainsborough.

Les aquarellistes, les Cozens (Alexander et son fils John Robert) suivis de Thomas Girtin et de John Sell Cotman, méritent une mention spéciale.

Un nouveau genre typiquement anglais se fait jour, la peinture animalière, notamment avec George Stubbs.

Néoclassicisme

L'exemple de la Renaissance italienne suscite une tentative de renouveau de la peinture historique, illustrant des thèmes tirés de la Bible, de la mythologie ou de l'histoire, dans un style particulièrement grandiose voire pompeux. Certains peintres spécialisés dans ce type de scènes, tel Gavin Hamilton, figurent parmi les pionniers du néoclassicisme international.

Dans un style moins grandiloquent et plus original, on peut encore citer parmi les peintres innovants de l'époque Joseph Wright of Derby, chantre des Lumières et de la révolution industrielle, célèbre pour sa technique du clair-obscur.

2.4. Architecture : l’Antiquité revisitée

Châteaux et maisons sous les Tudors (xvie s.)

Le style Tudor qui marque le xvie siècle est une combinaison du gothique tardif avec des éléments structuraux ou décoratifs empruntés à l’Antique à travers la Renaissance italienne.

Le palais de Hampton Court et celui de Nonsuch (aujourd’hui détruit et qui offrait quelques similitudes avec le château de Chambord) comptent alors parmi les importantes réalisations.

De même, Hatfield House ou Somerset House présentent un mélange harmonieux d'influences italiennes, françaises et hollandaises (emploi généralisé de la brique, grandes baies vitrées au verticalisme accentué). Les architectes les plus célèbres de cette époque sont Robert et John Smythson.

Inigo Jones : à l’école de Palladio

C'est Inigo Jones qui, entre 1615 et 1640, après un séjour en Italie, va fixer pour deux siècles les grands principes de l'architecture anglaise, redécouvrant l’œuvre théorique du Romain Vitruve dans la formule fixée au xvie siècle par l'Italien Andrea Palladio (Queen's House, Greenwich ; salle des Banquets de Whitehall, ultérieurement dotée par Rubens de plafonds baroques à la gloire des Stuarts).

Christopher Wren : inflexions baroques

Christopher Wren, dont l'œuvre la plus remarquable demeure la reconstruction, à partir de 1675, de la Cathédrale St Paul de Londres, est également une figure majeure de l'architecture britannique. Avec l'aide de son assistant Nicholas Hawksmoor, il reconstruira une cinquantaine d'églises londoniennes détruites lors du grand incendie de la ville en 1666. Il répond aussi, pour tout ou partie, à de nombreuses commandes royales de bâtiments civils (l'hôpital de Greenwich, à Londres). Les rapports de Wren avec la sensibilité baroque n'ont cependant guère eu de prolongements, si l'on excepte quelques grandes demeures bâties par son élève Vanbrugh (Blenheim Palace, Castle Howard, Seaton Delaval Hall).

Engouement palladien et jardin anglais

Le « palladianisme » rencontre la faveur d'amateurs d'un classicisme postbaroque épuré, unique en Europe, notamment recherché pour la conception de maisons de campagne. Lord Burlington, agissant en mécène, fournit des commandes aux architectes de la première moitié du xviiie siècle, tels l’Écossais Colen Campbell et William Kent, ce dernier également paysagiste. L'intérieur de certaines demeures sera cependant décoré dans le style rococo. Au milieu du xviiie siècle, en véritable architecte du paysage, Capability Brown invente un nouveau type de jardin (jardins royaux de Kew), le jardin anglais, qui sera imité dans toute l'Europe.

Dans l'esprit palladien le plus austère, John Wood l’Ancien réalise certains immeubles de la ville de Bath, dont Queen's Square en 1729. James Gibbs, de formation italienne, construit plusieurs églises à Londres (Saint Martin-in-the-Fields, 1721-1726).

2.5. La sculpture

Il faut attendre le début du xviie siècle pour qu'apparaissent des sculpteurs de valeur. Nicholas Stone, influencé par le maniérisme français, exécute divers tombeaux et travaille notamment d'après des dessins d'Inigo Jones. Le souvenir de Michel-Ange se retrouve chez Caius Cibber.

L'esprit baroque domine les œuvres de Grinling Gibbons, artiste d'origine néerlandaise ; parmi les élèves de ce dernier, le Français Louis-François Roubillac fait à l'époque sensation avec son Händel (National Gallery, Londres) .

Le néoclassicisme est représenté par John Flaxman (tombeaux à Saint Paul de Londres), suivi de Francis Leggatt Chantrey et de Richard Westmacott, sculpteurs les plus notables au sein d'une production qui évolue vers l'académisme.

3. L’art et l'épopée industrielle (xixe siècle)

À partir du milieu du xviiie siècle, sous l'impulsion des frères Adam (Robert et James), s'est imposé en architecture un style antiquisant décoratif et animé (le « style Adam »).

Au commencement du xixe siècle, le courant romantique favorise le développement du style néogothique (amorcé antérieurement), qui va se manifester notamment avec l'aménagement et la restauration des grandes universités de Cambridge et d'Oxford, ainsi que du château de Windsor. L'art de l'ère victorienne, soutenu par la prospérité économique et par l'accroissement de la puissance de la bourgeoisie, connaît un développement vigoureux.

L’intérêt nouveau pour l’archéologie et pour l'histoire, nourri de références à la littérature, ne peut masquer la mutation en cours tant sur les plans technique et économique que social.

3.1. Une utopie en construction

Le chef-d'œuvre et, en même temps, l'aboutissement du style néogothique est la maison du Parlement (ou palais de Westminster) de Londres (1839-1852), construite par Charles Barry et Augustus Welby Pugin.

Face aux mouvements dominants, certains architectes se livrent à des expériences, des exercices dont le résultat le plus brillant est assurément le Pavillon royal de Brighton, réalisé par John Nash en 1815 et qui apparaît comme une manifestation pionnière du goût orientaliste.

Par contraste avec la production éclectique du siècle, le Crystal Palace, édifié par sir Joseph Paxton pour l'Exposition universelle de 1851, entièrement en fer et en verre, fait date dans l'histoire du rationalisme architectural, en ce qu'il recourt pour la première fois au principe de la préfabrication.

La fin du xixe siècle est marquée par l'influence qu'exerce William Morris et sa rénovation des arts décoratifs sur des architectes comme Philipp Webb ou Charles Rennie Mackintosh (École d'art de Glasgow, 1897-1899).

3.2. La peinture : diversité des inspirations et des styles

L'accueil favorable que reçoit sir Thomas Lawrence lorsqu'il se rend sur le continent afin de peindre les souverains, les généraux et les hommes d'État victorieux témoigne de la célébrité dont jouit l'art anglais après la chute de Napoléon, en 1815. Tout au long du xixe siècle, cet art ne cesse de manifester sa grande diversité : romantique avec Constable, quasi impressionniste avec Turner, visionnaire avec Blake, à la fois nostalgique et en quête de réalisme avec les préraphaélites...

Le paysage autrement : Constable, Turner

Après la toute fin du xviiie siècle, la peinture évolue vers le romantisme, notamment en ce qui concerne les paysages, et le style hardi ainsi que l'intense sentiment de la nature, présents dans les tableaux de John Constable, de William Turner et de beaucoup d'autres, font de l'école anglaise la plus importante école paysagiste d'Europe. Si Constable et Richard Parkes Bonington influencent le romantisme français, Turner, baignant de lumière ses compositions, peut être considéré comme un précurseur de l'impressionnisme. Face à ces artistes de génie, l'Angleterre connaît, au xixe siècle, une série de courants novateurs et originaux.

Un art visionnaire

William Blake, poète inspiré, donne à ses illustrations de sujets bibliques la dimension du fantastique, tout comme John Martin ou Johann Heinrich Füssli, artiste d’origine suisse, dont les toiles tourmentées résonnent de thèmes shakespeariens.

Les paysagistes Samuel Palmer et Edward Calvert expriment un sentiment poétique hésitant entre le symbolisme et l'imaginaire.

La tradition revisitée

En 1844, les débuts de Ford Madox Brown consacrent la naissance d'un art socialement engagé, auquel fait suite la création de la Confrérie préraphaélite, sous l'impulsion de Dante Gabriel Rossetti, John Everett Millais, William Holman Hunt et Edward Burne-Jones. Le groupe cherche à apporter à la peinture une dimension morale et emprunte ses sujets à la tradition chrétienne et à l'histoire de l'Angleterre. Ces artistes tentent d'associer l'esprit de pureté et le naturel des peintres italiens antérieurs à Raphaël à un réalisme méticuleux. Après 1860, le courant préraphaélite prendra des allures plus rêveuses, se colorant de nostalgie médiévale, avant de venir grossir le mouvement de rénovation des Arts and Crafts, qui influencera quelque peu les mouvements artistiques continentaux de l'Art nouveau et du Bauhaus.

Installé à Londres en 1863, l'Américain James Abott MacNeill Whistler exerce une grande influence. On peut citer également, parmi les artistes de l'époque victorienne, le portraitiste américain John Singer Sargent, le peintre animalier Edwin Landseer, ou encore les peintres d'histoire et de genre lord Frederic Leighton, Lawrence Alma-Tadema, George Frederic Watts, John Lavery.

À l’extrême fin du xixe siècle, enfin, l’illustrateur Aubrey Beardsley domine la contribution de la Grande-Bretagne à l’Art nouveau.

4. Le difficile xxe siècle

4.1. Architecture, urbanisme et modernisme en Grande-Bretagne

En quête d’une nouvelle architecture

Au début du xxe siècle, en dépit de remarquables succès dans le domaine des cottages et des cités-jardins (dont la conception a été systématisée par Ebenezer Howard), en dépit aussi des qualités d'un Edwin Lutyens (maisons de campagne de style romantique), l'architecture et l'urbanisme anglais éprouvent des difficultés à s'adapter aux problèmes nouveaux : intégration au tissu urbain préexistant, à l'environnement, considérations sociales, recherches techniques.

Néanmoins, une importante contribution est apportée par les architectes qui, dans les années 1930, émigrent d'Allemagne (Edwin Maxwell Fry travaille ainsi avec Gropius, Francis Reginald Stevens Yorke avec Breuer, Serge Chermayeff avec Mendelsohn) ou de Russie (Berthold Lubetkin fonde le groupe anglais Tecton), et le style international fait des adeptes (groupe MARS [Modern Architectural Research]).

Des recherches plus techniques sont menées par des ingénieurs comme sir Owen Williams, puis sir Ove Nyquist Arup.

Problématiques de la ville : des cités-jardins au brutalisme

Après la Seconde Guerre mondiale, l'héritage des cités-jardins du xixe siècle se retrouve dans les villes modernes telles Harlow (dont les premiers plans ont été établis en 1947 par Frederick Gibberd), Cumbernauld (conçue à la fin des années 1950) ou Milton Keynes (élaborée dans les années 1970 dans le Buckinghamshire).

L'architecture compte alors des personnalités intéressantes : Robert Hogg Matthew (Royal Festival Hall, Londres, 1951), sir Basil Spence (cathédrale Saint Michael de Coventry, 1956-1962 ; Université du Sussex, 1961-1964), sir Denys Lasdun.

Plus novateur, le « brutalisme » de Peter et Alison Smithson rayonne à partir des années 1950 ; il sert de point de départ à de nombreuses recherches des années 1960-1970 (James Stirling, groupe Archigram), axées sur l'urbanisation, voire la « réurbanisation » d'ensembles disloqués (Léon Krier, Luxembourgeois qui a élu domicile en Grande-Bretagne), ou sur l'architecture industrielle (Norman Foster, Richard Rogers).

4.2. Arts plastiques : mouvements et grandes figures

Contributions aux avant-gardes (première moitié du xxe s.)

Au début du xxe siècle, de façon tardive, l'impressionnisme marque profondément la peinture anglaise ; il rayonne par l'œuvre et l'influence de Philipp Wilson Steer (qui enseigne à la Slade School de Londres) et surtout de Walter Sickert, ami de Degas et fondateur en 1911 du Camden Town Group.

Mais les nouvelles composantes de l'art européen (Gauguin, Cézanne, Matisse, le fauvisme, le cubisme) se propagent, notamment par l'intermédiaire des intellectuels et artistes du Bloomsbury Group et des peintres du London Group (fondé en 1913), en particulier Roger Eliot Fry.

Duncan Grant et Percy Windham Lewis, créateur du « vorticisme », constituent alors l'avant-garde de l'art anglais, à côté des sculpteurs d’origine française et américaine Henri Gaudier-Brzeska et Jacob Epstein.

L'entre-deux-guerres se caractérise par l'apparition de deux tendances majeures. D'une part l'abstraction, notamment celles du peintre Ben Nicholson ou de la sculptrice Barbara Hepworth. D’autre part le surréalisme, qui marque aussi bien Roland Penrose, Paul Nash ou Graham Sutherland que les débuts de Francis Bacon.

Un moment proche de cette seconde sensibilité, le sculpteur Henry Moore donne une interprétation personnelle et monumentale de la forme, inspirée de Picasso comme de l’art de la culture mésoaméricaine Toltèque.

Une sorte de réalisme obsessionnel marque par ailleurs l'œuvre de peintres indépendants tels que Stanley Spencer ou Edward Wadsworth. Plus traditionnel, un mouvement naturaliste se fait jour, à l'approche de la Seconde Guerre mondiale, avec Victor Pasmore et l'EustonRoad School (1937-1939).

Valeur du concret, Moore, Bacon, le pop art

Après-guerre, l'intérêt pour le paysage, caractéristique de l'art anglais, s'exprime aussi bien dans un néoromantisme marqué par l'influence surréaliste (Nash, Sutherland, John Piper, Lucian Freud) que dans une abstraction nourrie des structures et des rythmes naturels (Roger Hilton, Peter Lanyon, Patrick Heron, regroupés autour de Nicholson à Saint Ives), tandis que Pasmore aborde des recherches d'inspiration néoplasticiste et constructiviste.

À côté de l'expressionnisme existentialiste (Leon Kossof, Frank Auerbach), c'est la sculpture, pourtant attirée vers des formes abstraites, qui maintient la figure (Henry Moore, Lynn Chadwick, Raymond Mason, Kenneth Armitage).

Témoin de la solitude humaine, des prisons de la drogue et de la chair, Francis Bacon s’impose alors comme l’un des artistes majeurs, inclassable et isolé, de la scène internationale.

À partir de la fin des années 1950 et dans les années 1960 s'opère un retour à la réalité quotidienne et urbaine, caractéristique fondamentale du pop art (Peter Blake, Peter Phillips, Allen Jones, David Hockney, Derek Boshier, Patrick Caulfield).

Tendances contemporaines

En même temps, et tandis qu'Alan Davie fait écho au mouvement européen Cobra, de nombreux artistes britanniques assimilent les recherches des abstraits américains (John Hoyland, Howard Hodgkin).

La rigueur formelle (op art de Bridget Riley) et l'exploration des possibilités de la couleur sont les traits communs de cette nouvelle abstraction, comme de l'école de sculpture qui se développe avec Anthony Caro et ses élèves de la Saint Martin's School of Art de Londres (Tim Scott, David Annesley, William Tucker).

C'est dans ce contexte qu'apparaissent les premières investigations de l'avant-garde des années 1970 : elles s'apparentent à l'art pauvre, au land art ou, plus sévères, à l'art conceptuel (groupe Art-Language avec Terry Atkinson, David Bainbridge, Michael Baldwin et Harold Hurrel).

La tendance est à l'extrême économie des moyens (peintures monochromes d'Alan Charlton, objets linéaires de Michael Craig-Martin, dessins elliptiques de David Tremlett) ou aux médias non-artistiques. La photographie, le film et la vidéo deviennent support d'œuvres de type conceptuel (Victor Burgin, David Lamelas, Keith Arnatt), partie intégrante de performances (Bruce McLean, Gilbert and George) ou instrument d'exploration du paysage et de la nature (Hamish Fulton).

À partir de la fin des années 1970 s'affirme un retour à une image expressive, bi- ou tridimensionnelle (Barry Flanagan, Bill Woodrow, Tony Cragg), dont l’un des interprètes les plus brillants est le sculpteur d’origine indienne Anish Kapoor.