Algérie : histoire

Le protectorat ottoman
Le protectorat ottoman

Résumé

1. De l'Antiquité aux Vandales (ve siècle après J.-C.)

Partagé entre royaumes numides et comptoirs phéniciens puis carthaginois, ce territoire est intégré dans l’Afrique Romaine (Mauritanie Césarienne) avant l’invasion vandale au ve siècle.

2. Royaumes et dynasties arabes (viie-xvie siècles)

Après la conquête arabe sur les Byzantins (seconde moitié du viie s.), il est soumis aux pouvoirs qui se succèdent en Ifriqiya aux ixe-xiiies. et au Maroc entre le xie et le xive siècles, les rares dynasties locales, exprimant la résistance des populations berbères, se limitant à des territoires restreints.
Ainsi des Rustémides ibadites de Tahert qui rejettent la suzeraineté des Aghlabides au ixe siècle, des Hammadides aux xie-xiies., mais qui ne résistent ni aux Banu Hilal ni aux Almoravides et aux Almohades et repliés autour de Bougie ; enfin, du royaume des Abdalwadides constitué à Tlemcen au xiiie s. et qui se maintient jusqu’au xvie siècle.

3. Sous la tutelle ottomane (xvie-xviiie siècles)

Conquise par les corsaires turcs, Alger devient, à partir de 1587, une régence ottomane qui s’émancipe toutefois d’Istanbul sous l’autorité d’un pacha puis, après 1711, d’un dey, mais dont les relations avec la France se détériorent.

4. De la colonisation à l'indépendance (1830-1962)

Commencée en 1830, la conquête française s’achève avec la soumission de l’émir Abd el-Kader (1847). La colonisation favorise la naissance d’une importante communauté européenne mais aussi du mouvement nationaliste, l’insurrection débouchant sur la guerre d’Algérie (1954-1962) avant l’indépendance du pays.

1. L'Algérie antique

Dès la fin du IIe millénaire avant J.-C., les Phéniciens établissent des escales et des bases portuaires dans le Maghreb central. Après la fondation de Carthage par des Tyriens (814-813 avant J.-C.), les rivages de l'Algérie passent sous la domination des Carthaginois, qui y fondent des établissements et se contentent d'entretenir dans l'intérieur du pays les rivalités des chefs numides (ou berbères) et de soutenir ceux qui reconnaissent la suzeraineté de Carthage. C'est la même politique que suit Rome après la victoire de Zama (202 avant J.-C.), jusqu'au temps de la ruine de Carthage (146 avant J.-C.) et de la défaite du roi numide Jugurtha (105 avant J.-C.). Après la bataille de Thapsus (46 avant J.-C.), César réduit la Numidie en province romaine. Octave fonde des colonies en Mauritanie, mais ce territoire n'est annexé qu'en 42 après J.-C., et divisé en Mauritanie Césarienne (autour de Cherchell) et Mauritanie Tingitane (avec pour capitale Tingis, Tanger), séparées par la Moulouya. L'administration impériale assure dès lors une grande prospérité au pays, qui se romanise et se christianise (Afrique Romaine). En 429, les Vandales se rendent maîtres du pays, mais, en 533, ils sont refoulés par les Byzantins dont l'autorité, lointaine et fragile, ne résistera pas à la pression arabe.

2. L'Algérie musulmane

La conquête par les Arabes du territoire connu aujourd'hui sous le nom d'« Algérie » fait bloc avec celle de la Tunisie et du Maroc. La chevauchée jusqu'au Maroc des troupes d'Uqba ibn Nafi (682) ne réduit pas la résistance des Berbères soutenus par les Byzantins, qui réoccupent Carthage, mais ces succès restent temporaires. Les Arabes foncent vers l'ouest, et le Maghreb entier est soumis dans les premières années du viiie s. L'islamisation du pays semble presque achevée vers les années 710-720. L'arabisation, elle, est moins rapide et moins profonde.

Le pays, théoriquement soumis à Kairouan, capitale de l'Ifriqiya où se succèdent sans cesse les gouverneurs, et où les Arabes doivent constamment lutter contre les révoltes berbères, se morcelle en émirats plus ou moins indépendants. Le califat des Omeyyades, en proie à ses propres révoltes en Orient, se désintéresse de cet émiettement. Tahert (Tiaret), en Oranie, devient vers la fin du viiie s. la capitale de la dynastie des Rustémides, qui règne sur les Hautes Plaines de l'Ouest algérien et s'oppose à l'émirat aghlabide par ses caractères ibadite (courant kharidjite modéré), nomade et non arabe. Contre l'ennemi commun de Kairouan, l'imam de Tahert passe une alliance avec l'émir omeyyade de Cordoue, dont il reconnaît la suzeraineté.

2.1. Les Fatimides

Au début du xe s., les Rustémides tombent sous les coups des Fatimides, dynastie chiite ismaélienne, fondée par Ubayd Allah qui succède aux Aghlabides en Ifriqiya. Les Fatimides étendent leur pouvoir, mais ne bénéficient auprès des populations berbères que du soutien, fragile, des Kutamas (liés au Sanhadjas) et doivent affronter des révoltes à Constantine et à Tahert. En 944, éclatent dans l'Aurès des troubles plus graves encore avec l'insurrection fiomentée par le kharidjite Abu Yazid (« l'homme à l'âne »). Kairouan est occupée et Mahdia, capitale des Fatimides, menacée, mais les Berbères de Miliana envoient des renforts, et les Fatimides matent la révolte (947). L'Algérie leur est soumise jusqu'à Miliana et l'Oranais leur appartient pour un temps. Après leur installation en Égypte (969), ils confient l'Ifriqiya à la dynastie berbère des Zirides.

L'émiettement est dès lors à nouveau consommé. Au début du xie s., Hammad, oncle du souverain ziride Badis, reçoit en fief la région au sud de Bougie et, pour lutter contre ses cousins de Tunisie, renie l'allégeance fatimide et reconnaît la suzeraineté abbasside. Les Zirides d'Ifriqiya ayant également rompu avec les califes du Caire en 1052, fond alors sur les royaumes ziride et hammadide l'invasion bédouine déclenchée par les Fatimides mécontents de leurs vassaux et connue sous le nom d'« invasion hilalienne ». Les Banu Hilal, puis les Banu Sulaym envahissent le pays. Les Hammadides quittent la Qala des Banu Hammad, leur capitale, et se réfugient à Bougie, sur la côte (1090-1091). Les Berbères sont repoussés dans les montagnes pauvres. Cette arabisation triomphante est un fait capital de l'histoire du Maghreb. Le nomadisme envahissant fait des terres de culture des terrains de parcours, et accentue la dégradation économique et sociale de l'Afrique du Nord. La vie urbaine se réfugie sur le littoral et dans quelques grandes villes de l'intérieur.

2.2. Almoravides contre Almohades

À l'ouest, cependant, les succès de la dynastie berbère des Almoravides sont allés en se multipliant. Tlemcen, l'Oranais, l'Ouarsenis sont sous sa sujétion. La Kabylie est épargnée. Mais le futur Almohade, Ibn Tumart, fait son apparition, vers 1120, à Constantine, à Bougie. Il rencontre Abd al-Mumin, avec lequel il part pour le Maroc combattre la dynastie almoravide qui en est chassée en 1147-1148. Abd al-Mumin, successeur d'Ibn Tumart et premier calife de la dynastie des Almohades, conquiert le Maghreb central et l'Ifriqiya : prises d'Alger, de Bougie, de la Qala des Banu Hammad, victoire sur les Banu Hilal près de Sétif, etc. Ses succès sur les Normands, qui tiennent plusieurs ports, réalisent temporairement l'unité du Maghreb.

Mais les Banu Ghanya, une branche almoravide installée aux Baléares, débarquent à Bougie en 1184. Alger, Miliana, la Qala sont prises, Constantine est assiégée. Les Arabes Banu Sulaym les rejettent vers l'est et les placent sous leur domination. Là, ils sont vaincus par les Almohades, qui font de la Tunisie une vice-royauté ; ce sera le noyau initial de la dynastie hafside dont dépendra l'est algérien, cependant qu'à l'ouest, l'émir de Tlemcen fonde un royaume du Maghreb central, le royaume des Abdalwadides (1235). Cette dynastie lutte contre les Almohades, puis s'allie avec eux contre les Marinides. Ils sont plusieurs fois vaincus et Tlemcen subit un siège terrible de la part des Marocains, mais résiste jusqu'au bout (1299-1307). Les Abdalwadides tentent d'assiéger Bougie, mais les Marinides s'emparent de Tlemcen à deux reprises (1337-1348/1352-1359) et du Maghreb central. L'anarchie s'installe en Algérie, dont les Marinides du Maroc et les Hafsides de Tunis se disputent la possession.

2.3. L'Algérie ottomane

L'Algérie n'acquiert une certaine unité politique qu'avec l'arrivée, en 1514, des corsaires turcs, Baba Arudj et Khayr al-Din (les frères Barberousse). En 1518, Khayr al-Din place l'Algérie sous le protectorat de Selim Ier, sultan de Constantinople. Ainsi protégé, le nouvel État, qui est rattaché à l'Empire ottoman en 1533 et qui est réduit au rang de régence en 1587, se livre à la piraterie en Méditerranée, ce qui lui procure d'importantes ressources en butin et en esclaves, malgré les expéditions de Charles Quint, puis de Louis XIV. Le pacha d'Alger est nommé par le sultan, mais à partir du milieu du xviie s., son autorité est partagée avec celle de l'agha élu par la milice algéroise, puis avec un dey. En 1711, le dey s'arroge l'autorité. À l'intérieur du pays, les beys administrent et perçoivent les impôts.

3. L'établissement de la France en Algérie (1830-1870)

L'origine de l'intervention française remonte à de difficiles pourparlers engagés en 1826 au sujet du règlement d'une créance des commerçants israélites algériens Busnach et Bacri, qui, en 1798, avaient cédé du blé à la France. Les rapports entre le gouvernement français et le dey d'Alger, personnellement intéressé à ce règlement, s'enveniment bientôt, au point qu'en 1827 ce dernier frappe d'un coup de son éventail le consul français Deval. À la suite d'autres incidents (bombardement par les forts d'Alger du navire français Provence en 1829), et malgré l'opposition de l'Angleterre, Charles X et Polignac, soucieux de créer une diversion à de nombreuses difficultés intérieures, se décident, en janvier 1830, à entreprendre une action militaire en Algérie.

Les 36 000 hommes du général de Bourmont, transportés par les vaisseaux de l'amiral Duperré, débarquent à Sidi-Ferruch du 14 au 16 juin. Ayant repoussé les Turcs, qui occupent la région au nom de la Porte (gouvernement ottoman), et 40 000 cavaliers rassemblés par Ibrahim, gendre du dey, les Français s'emparent d'Alger, où le dey capitule le 5 juillet.

3.1. L'occupation restreinte

Louis-Philippe se borne d'abord à une occupation restreinte. Les généraux Clauzel, Savary, Berthezène, Voirol et Drouet d'Erlon, qui se succèdent pendant cinq ans, sans grands moyens ni directives, se contentent d'occuper Alger et ses environs, Oran, Bône et Bougie. Pour augmenter ses effectifs, le commandement met sur pied des formations nouvelles : zouaves, légion, spahis, tirailleurs, chasseurs, etc., tandis que les bureaux arabes établissent le contact avec les populations.

En 1832, cependant, deux chefs arabes, Abd el-Kader, émir de Mascara, et le bey de Constantine Hadjdj Ahmad, se dressent contre les Français ; ceux-ci tentent d'abord de négocier et, par le traité du 26 février 1834, Desmichels reconnaît l'autorité d'Abd el-Kader sur l'Ouest algérien. Mais le général Trézel prend sous sa protection des tribus que l'émir considère comme relevant de son autorité : Abd el-Kader reprend la lutte et écrase la colonne Trézel à la Macta (1835). À la suite de cet échec, la France envoie des renforts ; Clauzel et le duc d'Orléans enlèvent Mascara, mais échouent devant Constantine. Chargé de neutraliser Abd el-Kader, Bugeaud négocie le traité de la Tafna (1837), qui reconnaît au chef arabe l'autorité sur tout le pays, sauf les ports et les villes côtières. Cependant, à l'est, les Français portent leurs efforts sur Constantine, qui est enlevée par Valée le 13 octobre 1837. Mais Abd el-Kader, en deux ans, organise une véritable armée, forte de plus de 50 000 hommes, et, après s'être assuré de l'appui du sultan du Maroc, déclare la guerre à la France le 18 novembre 1839 et pousse une pointe sur Alger.

3.2. La conquête

La France se décide alors à la conquête. C'est l'œuvre de Bugeaud, nommé gouverneur de l'Algérie en 1840. Disposant de 100 000 hommes, dont il adapte l'organisation aux impératifs de la mobilité, Bugeaud entreprend, par les incessantes attaques de ses colonnes mobiles, de refouler Abd el-Kader vers le désert. Dès 1841, toutes les places de l'émir sont conquises, et, en 1843, sa smala est détruite par le duc d'Aumale, à Taguin. Chassé d'Algérie, Abd el-Kader se réfugie au Maroc, où il est soutenu par le sultan Abd al-Rahman. Celui-ci refuse d'expulser l'émir ; son armée est battue par Bugeaud à l'Isly (bataille de l'Isly, 1844), tandis que la flotte française bombarde Tanger et Mogador. Le sultan chasse alors Abd el-Kader, qui continue la lutte pendant trois ans, massacrant notamment les chasseurs français à Sidi-Brahim (1845), mais qui finit par se rendre à Lamoricière, en 1847, ce qui marque la fin de la conquête.

3.3. L'installation française

Le second Empire porte son effort militaire sur les pays berbères, dont il s'attache à obtenir la soumission : après la prise de Zaatcha (1849), Saint-Arnaud s'attaque à la Petite Kabylie (1849-1852) ; sous le gouvernement du maréchal Randon, en 1857, la France affirme son autorité sur la Grande Kabylie en créant, après la prise d'Ichériden, Fort-l'Empereur (devenu Fort-National). La pénétration s'exerce au sud d'abord – après l'occupation des oasis de Laghouat et de Touggourt (1854), l'explorateur Duveyrier pénètre chez les Touareg – puis dans le Sud-Oranais où, après plusieurs expéditions contre les Beni Snassen, les confins algéro-marocains seront soumis, à la veille de la guerre de 1870, par le général de Wimpffen.

Mais la France hésite entre une politique d'assimilation et une politique de semi-autonomie. De 1852 à 1858, Napoléon III substitue au régime civil de la Ie République un régime militaire qui supprime la représentation algérienne au Parlement, mais maintient les trois départements (Alger, Oran, Constantine), créés par la République et administrés par les préfets, à l'exception des territoires militaires du Sud. Pour faciliter la colonisation, le gouverneur général Randon cantonne les autochtones ; mais l'hostilité des colons au contrôle de l'armée, jugé trop favorable aux musulmans, provoque, en 1858, la suppression du gouvernement général et son remplacement par un ministère de l'Algérie et des Colonies, siégeant à Paris et confié au prince Napoléon qui, incompétent, est remplacé dès 1859 par le marquis de Chasseloup-Laubat.

Un voyage qu'il accomplit en Algérie en septembre 1860 incite Napoléon III, séduit par la noblesse des autochtones et mécontent des abus de la colonisation européenne, à renoncer à la colonisation et à promouvoir l'idée du « royaume arabe », qui doit être non pas exploité, mais élevé au niveau de la métropole (lettre à Pélissier de 1863). Il rétablit donc le gouvernement général et le régime militaire (Pélissier, 1863-1864, et Mac-Mahon, 1864-1870), et le sénatus-consulte de 1863 rend les douars propriétaires des terres qu'ils occupent.

Cette politique a pour contrecoup le ralentissement de la petite colonisation européenne (4 500 nouveaux colons seulement de 1860 à 1870) au profit de la grande colonisation capitaliste (Compagnie genevoise, autour de Sétif : 20 000 ha dès 1853, etc.).

4. L'Algérie de 1870 à 1919

La substitution de la République à l'Empire révèle les difficultés latentes : hostilité des colons envers l'armée, problème israélite, problème kabyle. Pour satisfaire les Européens, le régime civil est rétabli ; les Juifs algériens reçoivent la citoyenneté française (décret Crémieux du 24 octobre 1870) ; la Kabylie, émue par les mesures en faveur des Juifs et par la défaite française, se révolte, le 14 mars 1871, sous la direction du bachagha Mokrani, qui proclame la guerre sainte et entraîne 150 000 hommes qui pénètrent même dans le Hodna. Mais, en mai, Mokrani est tué, et au bout de sept mois, l'amiral de Gueydon écrase l'insurrection ; le désarmement des Kabyles, une amende de 36 millions, la confiscation de 500 000 ha frappent la Kabylie. L'extension de la domination française vers le Sud algérien se traduit par l'occupation du Mzab (1882). Elle est facilitée par l'accord franco-britannique de 1890, qui laisse la France libre d'agir dans cette direction. Quant à la frontière marocaine, elle est fixée en 1903.

4.1. L'organisation politique et économique

Partisans de la politique d'assimilation, les colons décident de la soumettre au droit commun. Dès 1873, une loi substitue à la propriété collective des tribus la propriété individuelle de l'autochtone, qui ne peut résister aux offres d'achat des Européens. La colonisation officielle (Alsaciens-Lorrains après l'annexion de leurs provinces par l'Allemagne) et la colonisation libre en reçoivent une impulsion décisive : de 1871 à 1881, 130 000 colons s'installent en Algérie. Mais le transfert de propriétés est si rapide qu'un arrêt de la Cour de cassation de 1888 doit annuler la loi de 1873, de peur d'une expropriation définitive des autochtones.

La force numérique des colons et de leurs élus algériens leur permet pourtant de faire appliquer par le gouverneur Albert Grévy, frère du président de la République (1879-1881), la politique des « rattachements ». Les affaires locales sont réparties entre neuf ministères parisiens, le gouverneur n'est plus qu'un agent d'exécution du gouvernement, les lois françaises sont applicables aux européens d'Algérie (décrets de 1881). En 1889, une loi naturalise automatiquement tous les étrangers nés en Algérie. Quant aux autochtones, ils sont placés sous le régime de l'indigénat (1881) : la justice – répressive et expéditive – est rendue hors du droit commun, non par l'autorité judiciaire, mais par l'autorité administrative, avec, pour peines, l'internement, l'amende collective, etc. Le régime de centralisation et d'assimilation politique, complété par une semi-ségrégation pratiquée à l'égard des autochtones, échoue. Jules Ferry le dénonce dans son rapport de 1892. L'Algérie ne peut être le prolongement de la France ; elle n'est qu'une colonie, dit-il en substance.

De 1896 à 1902, on renforce les pouvoirs du gouverneur général, qui ne dépend plus que du seul ministre de l'Intérieur. L'Algérie obtient un budget autonome. Dans le cadre départemental, on distingue trois types de municipalités : commune de plein exercice, régie par la loi française ; commune mixte, où l'élément autochtone peut être admis à la commission municipale ; communes indigènes, qui conservent leurs coutumes sous le contrôle d'un administrateur ou d'un officier. En 1919, une loi élargit la place des autochtones dans les assemblées locales ; de 1914 à 1944, le régime de l'indigénat disparaît progressivement.

4.2. L'organisation militaire

Au lendemain de la guerre de 1870, les troupes des trois divisions militaires d'Alger, d'Oran et de Constantine constituent le 19e corps d'armée, qui deviendra en 1946 la Xe région militaire et dont le quartier général est à Alger. Les Territoires du Sud algérien forment, depuis 1902, un commandement distinct, dont le chef relève directement du gouverneur général. Répartis entre les circonscriptions d'Aïn Séfra, de Ghardaïa, d'Ouargla et de Touggourt, ils sont administrés par des officiers des Affaires indigènes disposant depuis 1891, pour la police du désert, de compagnies sahariennes. Si le principe de la conscription est décidé pour l'Algérie en 1912, il n'est pas appliqué rigoureusement, du moins en temps de paix ; mais le nombre des régiments de tirailleurs algériens augmente régulièrement, passant de trois, en 1872, à neuf, en 1914. L'Algérie apporte une importante contribution à l'effort militaire français, tant au cours de la Première Guerre mondiale que pendant les opérations du Maroc et de la Syrie (1920-1930) et lors de la mobilisation de 1939.

5. L'Algérie de 1919 à 1954

5.1. La vie économique

La colonisation entraîne l'ouverture de routes, la construction de voies ferrées, le défrichement de nouvelles terres. Les cultures de céréales, et de vigne surtout, se développent rapidement ; du sous-sol sont extraits le fer et le phosphate ; Alger devient le deuxième port français. Le nombre des colons s'accroît et le pourcentage des étrangers (Italiens dans le Constantinois, et surtout Espagnols en Oranais) augmente sans cesse : ainsi se constitue une importante communauté européenne dont la personnalité originale s'affirme. Grâce aux Sociétés indigènes de prévoyance (SIP), créées en 1933, l'agriculture traditionnelle algéro-musulmane se développe surtout dans le cadre des SAR (Secteurs d'amélioration rurale).

5.2. La montée des oppositions

Mais les autochtones ne sont pas assimilés, car l'islam les rend en général imperméables à la culture française. D'ailleurs, l'implantation scolaire reste très insuffisante et le prosélytisme chrétien inefficace ; enfin l'administration française, par souci de centralisation et de commodité bureaucratique, favorise la diffusion de l'islam dans les pays berbères. Certes de jeunes Algériens sortis des écoles françaises à partir de 1910, mais attachés à l'islam, accepteraient la citoyenneté française, à condition de conserver leur statut personnel, mais ils se heurtent à l'opposition des colons, qui feront échouer le projet de la loi Blum-Violette de 1937 (accordant les droits politiques aux « évolués algériens »), et à celle des ulémas, hostiles à toute assimilation.

À partir de 1935, le cheikh Ibn Badis, président de l'Association des ulémas d'Algérie, veut, au nom d'un islam rénové, faire de l'Algérie une nation et, au nom des principes de 1789, obtenir l'égalité des droits avec les Européens, puis la constitution d'une « nation démocratique sous le protectorat de la France », idées qu'il défend jusqu'à sa mort, en 1940.

Mais, déjà, il est débordé par des partis plus dynamiques : le parti communiste algérien (PCA), fondé, en 1935, au congrès de Villeurbanne, qui soutient un programme nationaliste, et, d'autre part, le parti de Ahmed Messali Hadj. Celui-ci a pour origine le Mouvement de l'Étoile africaine, fondé en 1926 par Ali Abd el-Kader et lié, au début, au parti communiste. Le mouvement ayant été dissous, Messali Hadj le reconstitue, en 1929, sous le nom d'Union nationale des musulmans nord-africains, transformée à Nanterre, en 1937, en parti populaire algérien (PPA). Ses membres se recrutent parmi les travailleurs algériens de la région parisienne et visent à l'indépendance totale de l'Algérie. Mais, au début de la Seconde Guerre mondiale, les problèmes nationalistes sont relégués au second plan, et le PPA est dissous.

5.3. L'Algérie et la Seconde Guerre mondiale

Après l'armistice de juin 1940, l'Algérie reste sous l'autorité du gouvernement de Vichy. Le 6 septembre, Maxime Weygand est nommé à Alger délégué général du gouvernement et commandant en chef pour toute l'Afrique française. Sorte de proconsul, s'il applique en Algérie le programme de la révolution nationale (abolition du décret Crémieux), il négocie avec le consul américain à Alger les accords dits Weygand-Murphy qui assurent le ravitaillement de l'Afrique du Nord en produits alimentaires et pétrole ; sur le plan militaire, il limite au maximum l'action des commissions de contrôle germano-italiennes et couvre de son autorité toute une organisation de réarmement clandestin des troupes d'Algérie.

Rappelé en France en novembre 1941, à la demande des Allemands, il est remplacé comme commandant en chef par le général Alphonse Juin qui, comme son prédécesseur, prépare les troupes à lutter contre toute agression.

Après le débarquement allié (débarquement anglo-américain en Afrique du Nord) le 8 novembre 1942, l'Algérie est d'abord la base arrière indispensable des forces anglo-américaines et françaises engagées en Tunisie, puis contribue, comme la Tunisie et le Maroc, à la formation d'une nouvelle armée française, équipée par les Américains, engagée en Corse, en Italie, puis en Provence. Plus d'un demi-million d'hommes, dont la moitié nord-africains, sont mobilisés à cette fin. Alger, capitale de l'effort de guerre allié en Méditerranée occidentale (PC d'Eisenhower), est aussi et surtout la capitale de l'Afrique française en guerre ; siège du conseil impérial, formé des gouverneurs des colonies, que préside Darlan jusqu'à son assassinat (24 décembre 1942), puis du commandant civil et militaire du général Henri Giraud, Alger devient, à compter du 3 juin 1943, celui du Comité français de libération nationale (CFLN), présidé conjointement par Charles de Gaulle et Giraud, jusqu'à l'élimination progressive de ce dernier.

L'arrivée de nombreux délégués de mouvements de résistance, la réunion d'une assemblée consultative à Alger le 17 septembre 1943, puis la transformation du CFLN en Gouvernement provisoire de la République française (3 juin 1944) font d'Alger la capitale politique de la France, en guerre jusqu'à la libération de Paris.

5.4. L'évolution constitutionnelle et politique (1943-1954)

La perte du prestige de la France due à la défaite de 1940, la participation des Algériens à l'effort de guerre du CFLN incitent les leaders musulmans à réclamer le partage du pouvoir.

Le rôle capital est joué par Ferhat Abbas, fondateur, en 1938, de l'Union populaire algérienne pour l'accession à la citoyenneté française des musulmans, malgré l'opposition du Parlement, hostile à l'égalité entre les deux communautés européenne et musulmane, et celle des messalistes, adversaires de l'assimilation.

En décembre 1942, il adresse un message aux autorités françaises. Ne recevant pas de réponse, il signe, le 10 février 1943, avec 28 élus musulmans, le Manifeste du peuple algérien, à la fois apologie et procès de la culture et de la colonisation françaises, dont l'abolition est réclamée. Ce document demande en outre l'octroi d'une Constitution garantissant la liberté, l'égalité et la participation effective des musulmans au gouvernement de l'Algérie. Pour diffuser ce programme, Ferhat Abbas créera l'Association des amis du manifeste en 1944 et, en 1946, l'Union démocratique du manifeste algérien (UDMA).

La conférence de Brazzaville (1944), qui promet l'émancipation des peuples coloniaux et leur intégration dans le cadre d'une « Union française », suscite de nouveaux espoirs. Mais cette autonomie, qui, pour les Berbères, représentait l'indépendance totale, n'étant pas accordée, une première insurrection éclate dans la Kabylie des Babors et le Constantinois, en mai 1945, alors même que la guerre se termine en Europe : la mort d'une centaine de Français entraîne une répression très sévère, qui fait des milliers de victimes en particulier à Sétif. Quelques concessions sont faites aux musulmans : déjà, l'ordonnance du 7 mars 1944 avait accordé la citoyenneté française à certains musulmans qui conservaient pourtant leur statut personnel ; surtout, le statut organique de l'Algérie du 20 septembre 1947 crée une Assemblée algérienne de 120 membres, élus par moitié par le collège des citoyens (464 000 Français et 58 000 Français-musulmans), et par celui des non-citoyens (1 200 000 Algériens). Son rôle est surtout financier. Mais les pouvoirs politiques de décision sont réservés au gouverneur général, pourtant contrôlé par un conseil de gouvernement (6 conseillers), veillant à l'application des décisions des assemblées. Les conditions des diverses élections rendent d'ailleurs l'Assemblée peu représentative aux yeux de nombreux musulmans.

Après 1946, le mouvement nationaliste est essentiellement représenté par le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), présidé par Ahmed Messali Hadj et qui reconstitue, en fait, le PPA. Cependant, l'unité du MTLD est très vite compromise : le caractère autoritaire du vieux leader provoque la montée d'une opposition regroupant la majorité des membres du Comité central (les « centralistes »). D'autre part, un autre courant nationaliste révolutionnaire est formé par les membres de l'Organisation spéciale du MTLD (OS), chargée plus particulièrement de l'action clandestine. La paralysie croissante du mouvement nationaliste légal incite des militants de l'OS à fonder en avril 1954 un Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) ; trois de ses membres, Hocine Aït Ahmed, Ben Bella et Khider, constituent au Caire la « représentation extérieure » du nouvel organisme et contribuent très efficacement à assurer l'approvisionnement en armes des groupes clandestins en formation. L'Algérie est alors divisée en cinq wilayas. Le 10 octobre 1954, le comité des chefs de wilaya réuni en Algérie fixe le soulèvement au 1er novembre.

6. La guerre d'Algérie (1954-1962)

6.1. L'insurrection

La révolte éclate en effet dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, et surprend totalement les autorités, qui ne croient qu'à un soulèvement tribal analogue aux révoltes antérieures, alors que le mouvement a été préparé de longue date.

L'insuffisance des forces françaises, due à la campagne d'Indochine, favorise le soulèvement, qui, parti des bastions montagneux de l'Aurès et des Nemencha, se prolonge le long des axes orographiques de l'Atlas tellien et de l'Atlas saharien, reliés vers l'est par les monts du Hodna. Le Nord-Constantinois, la Kabylie et le Sud-Algérois sont ainsi touchés, tandis qu'aux confins algéro-marocains des bandes armées venues du Rif ou du Maroc chérifien s'implantent dans les monts des Traras et le massif boisé de Tlemcen.

L'action militaire des insurgés se double d'une action politique visant à constituer un « Gouvernement algérien libre » disposant d'une large assise territoriale et d'une capitale en Algérie, tous éléments susceptibles d'être présentés à la tribune de l'ONU comme l'« Algérie libérée ». Le CRUA crée une « Armée de libération nationale » (ALN), au service d'une nouvelle formation, le Front de libération nationale (FLN), où se rejoignent les membres du Comité central du MTLD, de l'UDMA et de l'Association des ulémas, créée en 1935 par Ibn Badis ; il est soutenu par les communistes. Seul, Ahmed Messali Hadj, en désaccord complet avec les chefs du FLN, ne se rallie pas à ce dernier et transforme son MTLD en Mouvement national algérien (MNA), qui groupe ses fidèles d'Algérie et de métropole et pratique également l'action violente.

À l'intérieur même du FLN, les différences subsistent entre les militaires (Ben Bella), les politiques (Lahouel, Ferhat Abbas, Ahmed Francis) et les religieux (El-Medani). Pourtant, son action aboutit à la création au Caire d'un Comité de libération du Maghreb, commun aux trois pays de l'Afrique du Nord française (automne 1955), et surtout, après le congrès de la Soummam (août 1956), d'un Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) ; son exécutif, dit Comité de coordination et d'exécution (CCE), voudrait se transformer en Gouvernement algérien, mais il ne réussit pas à obtenir l'appui de l'ONU malgré une vive propagande menée auprès des États de la Ligue arabe, de l'Amérique latine, de la Scandinavie et des nations communistes.

6.2. La riposte militaire et l'agonie de la IVe République

Le gouvernement français essaie de déjouer l'insurrection générale par des mesures militaires sans précédent : rappel des disponibles (19 mai 1955, 11 avril 1956), proclamation de l'état d'urgence en Algérie (28 août 1955), quadrillage du terrain à l'aide de 400 000 hommes. L'ordre rétabli dans les villes (bataille d'Alger, janvier-février 1957), l'armée s'attache à résorber les zones dissidentes.

Sur le plan politique, une série de réformes sont mises en route. Après les efforts tentés en 1955 par le gouverneur général, Jacques Soustelle, en faveur d'une politique d'intégration, le gouvernement Guy Mollet opte en 1956 pour la « personnalité algérienne » et charge Robert Lacoste, ministre résidant en Algérie de février 1956 à mai 1958, de faire accepter le triptyque : cessez-le-feu, élections libres, négociations, auquel le FLN oppose le préalable de l'indépendance.

Après l'échec d'une première loi-cadre (3 septembre 1957), l'Assemblée nationale française vote un statut de forme fédérative (30 janvier 1958). Mais le bombardement aérien de la base FLN de Sakiet-Sidi-Youssef, en Tunisie, provoque avec ce pays une crise grave, aux répercussions internationales. La longueur de la crise ministérielle qui s'ensuit (mai 1958) et la crainte éprouvée par les Européens d'Algérie de voir ce pays abandonné ou partagé aboutissent à Alger au mouvement du 13 mai (occupation du ministère de l'Algérie, création d'un Comité de salut public) et au retour au pouvoir du général de Gaulle (crise du 13 mai 1958).

Pour en savoir plus, voir les articles général de Gaulle, guerre d'Algérie.

6.3. Vers l'indépendance

À peine investi des pleins pouvoirs (2 juin 1958), le général de Gaulle se rend en Algérie (4-7 juin) pour rétablir l'unité nationale. Il donne la priorité aux problèmes économiques et sociaux et fait étudier un plan quinquennal de développement de l'Algérie, dit « plan de Constantine », qu'il définit le 3 octobre. Au point de vue politique, les incertitudes persistent. Dans le camp de l'insurrection, un Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), présidé par Ferhat Abbas, remplace, en septembre, le Comité de coordination et d'exécution. L'appel à la « paix des braves » lancé le 23 octobre 1958 par le chef de l'État demeure sans réponse. Sa déclaration du 16 septembre 1959, par laquelle il proclame le droit des Algériens à l'autodétermination et propose une triple option – sécession, francisation ou fédération –, a, en revanche, un grand retentissement. Tandis que le GPRA cherche à se faire reconnaître comme seul interlocuteur, des associations d'Européens se groupent dans un Rassemblement pour l'Algérie française, présidé par Georges Bidault.

Parmi les Européens se développe un climat passionnel que le rappel à Paris du général Massu (22 janvier 1960), symbole du 13-Mai, transforme en colère. Celle-ci éclate lors de la journée sanglante du 24 janvier, suivie de la « semaine des barricades » (25 janvier-1er février). Cependant cette manifestation d'hostilité n'infléchit pas la politique du gouvernement : des commissions d'élus sont constituées en Algérie et des rencontres officielles entre la France et le FLN ont lieu à Melun (juin 1960). Mais les Algériens durcissent leur position et cherchent, par un appel à l'ONU et un voyage du chef du GPRA à Moscou et à Pékin, à internationaliser le conflit.

Après l'allocution du 4 novembre 1960, au cours de laquelle de Gaulle précise ce qu'il entend par « Algérie algérienne », voire par « République algérienne », le climat s'alourdit encore à Alger. L'annonce d'ouverture de pourparlers officiels à Évian provoque la rébellion de certains éléments de l'armée dirigés par les généraux Challe, Jouhaud, Salan et Zeller (putsch d'Alger 21-26 avril 1961) ; mais la sédition s'effondre devant le refus du contingent et de nombre d'officiers et de sous-officiers de suivre les factieux pour continuer la guerre, et devant la détermination du pouvoir, soutenu par la grande majorité des Français métropolitains. Les partisans de l'Algérie française se regroupent alors au sein de l'Organisation armée secrète (OAS). Les conversations entre la France et le FLN reprennent à Évian (20 mai), puis à Lugrin (20 juillet). Sur le plan algérien, la session à Tripoli du Conseil national de la révolution algérienne, organe suprême du FLN (août 1961), accentue l'orientation socialiste des projets de nouvel État et place Ben Khedda à la tête du GPRA.

Malgré la multiplication des heurts entre communautés européenne et musulmane, un accord général sur les modalités de l'autodétermination est conclu à Évian (accords d'Évian, 18 mars 1962) et un cessez-le-feu intervient. La nouvelle de l'accord provoque une fois encore une flambée terroriste (insurrection OAS de Bab-el-Oued [23 mars], manifestation des Européens et fusillade de la rue d'Isly à Alger [26 mars]). Elle n'enraye pas toutefois la mise en place de l'Exécutif provisoire algérien, qui, sous la présidence de A. Farès, fonctionne à partir du 7 avril. Le référendum d'autodétermination (1er juillet 1962) donne une très forte majorité en faveur de l'indépendance, mais coïncide avec une grave crise au sein du FLN.

Pour en savoir plus, voir l'article Algérie : vie politique depuis 1962.