Napoléon III
(Paris 1808-Chislehurst, Kent, 1873), président de la IIe République française (1848-1852), empereur des Français (1852-1870).
Révolutionnaire sur le plan économique mais despote sur le plan politique, Napoléon III a tenté le pari difficile d'assumer un nom qui est à la fois une gloire nationale, une garantie révolutionnaire et un principe d'autorité.
Une jeunesse aventureuse
Élevé dans le culte de son oncle, il mène une jeunesse aventureuse en Suisse et en Italie, puis tente à Strasbourg (1836) et à Boulogne (1840) de se faire proclamer empereur et de renverser Louis-Philippe Ier. Condamné à la détention perpétuelle, il est enfermé au fort de Ham, d'où il s'enfuit pour Londres (1846).
Le prince-président
De retour en France après la révolution de 1848, il est élu à la présidence de la République le 10 décembre 1848. Menant une politique ultraconservatrice, il se heurte à l'Assemblée, à majorité monarchiste, qui s'oppose à une réforme de la Constitution ayant pour but sa réélection.
Le coup d'État du 2 décembre 1851
Il dissout l'Assemblée au terme du coup d'État qui a lieu dans la nuit du 1er au 2 décembre, et réprime le soulèvement qui se dessine à Paris ; un plébiscite ratifie le coup d'État et lui permet d'instaurer, en s'appuyant sur la Constitution du 14 janvier 1852, un régime autoritaire centralisé qui se transforme en monarchie héréditaire, ratifiée, elle-aussi, par plébiscite.
L'Empire autoritaire (1852-1860)
Proclamé empereur des Français sous le nom de Napoléon III, il exerce un pouvoir absolu à l'intérieur ; à l'extérieur, il engage la guerre de Crimée (1854-1856), jette les bases de l'Empire colonial français et aide l'Italie à se libérer de la domination autrichienne.
L'Empire parlementaire et la déroute militaire
Devant le développement des mécontentements, Napoléon III libéralise le régime et désigne Émile Ollivier comme Premier ministre, mais son expédition malheureuse au Mexique (1862-1867) puis la guerre contre la Prusse, déclarée le 9 juillet 1870 « le cœur léger », débouche sur la capitulation de Sedan le 2 septembre.
L'empereur déchu
Fait prisonnier, l'empereur est déclaré déchu (4 septembre 1870) et emmené en captivité dans la Hesse. Parti pour l'Angleterre en mars 1871, il y meurt le 9 janvier 1873.
1. L'héritier du mythe impérial
Louis Napoléon est le troisième fils de Louis Bonaparte, frère de Napoléon Ier, et de Hortense de Beauharnais, la fille de Joséphine. Accusée d'avoir préparé le retour de l'Empereur, en 1815, sa mère doit quitter la France. Elle acquiert alors le château d'Arenenberg, sur les bords helvétiques du lac de Constance. C'est donc en Suisse alémanique que grandit le futur empereur, qui en gardera longtemps l'accent.
1.1. Des débuts mouvementés
L'échec de Strasbourg
Élevé dans le culte de son oncle, il se considère comme l'héritier légitime du trône laissé vacant par la mort de Napoléon II – l'« Aiglon » –, en 1832. Il se prépare à son rôle en parachevant sa formation militaire, scientifique et économique. Il n'en mène pas moins une vie tumultueuse. Affilié au carboranisme italien, il prend part au soulèvement des libéraux en Romagne, puis, en 1836, il tente en vain de soulever la garnison de Strasbourg pour renverser Louis-Philippe. Exilé au Brésil, il séjourne ensuite aux États-Unis. Revenu en Suisse lors du décès de sa mère (1837), il en est expulsé et gagne l'Angleterre.
L'échec de Boulogne
En 1840, Louis Napoléon met à profit le renouveau du mythe impérial, suscité par le retour des cendres de Napoléon Ier, pour tenter un second coup de force contre Louis-Philippe, à Boulogne cette fois, mais la garnison de la ville ne suit pas. Condamné à la prison à vie au fort de Ham, dans la Somme, il se plonge dans la lecture de Saint-Simon. En 1846, il s'évade en prenant le déguisement d'un maçon du nom de Badinguet (ce sobriquet lui restera) et rejoint l'Angleterre.
1.2. Autorité et démocratie
C'est au cours de ces années qu'il précise son programme politique, qui associe autorité et démocratie (les Idées napoléoniennes, 1839). Convaincu qu'il y a « un juge suprême qui est le peuple », il proclame que le « but de la société est le bonheur commun ». Son programme social et économique, développé dans (l'Extinction du paupérisme, 1844), lui vaudra la sympathie de certains socialistes qui faciliteront son retour sur la scène politique en 1848.
2. Le prince-président
Louis Napoléon trouve dans la révolution de 1848, qui met à bas la monarchie de Juillet, l'occasion qu'il attendait pour lancer sa carrière politique. Élu dans cinq départements, il siège à l'Assemblée, puis est choisi par les notables comme candidat à la présidence de la IIe République. Recueillant cinq millions et demi de suffrages contre moins d'un million et demi à Louis Eugène Cavaignac, son principal adversaire, il est élu le 10 décembre 1848. Les électeurs ont misé sur ce prince qui s'était tenu à l'écart de l'agitation politique de ces derniers mois. Il arrive au pouvoir comme un étranger sans tache ; de plus, il s'est montré attentif aux problèmes sociaux et nombre d'ouvriers et de paysans le considèrent comme le « sauveur de la société ».
2.1. Président de la République
Avec le soutien du parti de l'Ordre, il mène une politique ultraconservatrice, qui limite le suffrage universel (1850) ; il faut désormais attester trois ans de résidence dans un canton (contre six mois auparavant) et payer des impôts pour pouvoir voter. Mais il se heurte à l'Assemblée, à majorité monarchiste, qui s'oppose à une réforme de la Constitution ayant pour but d'autoriser sa réélection. Il décide alors de la dissoudre au terme du coup d'État qui a lieu dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851 (coup d'État du 2 décembre 1851). Après avoir rétabli le suffrage universel, il fait ratifier son régime par plébiscite (20 décembre).
La Constitution du 14 janvier 1852 (qui accorde tous les pouvoirs au prince-président) est suivie par un autre plébiscite, qui ouvre la voie au second Empire, proclamé le 2 décembre 1852. Celui qui est devenu Napoléon III épouse en 1853 une jeune aristocrate espagnole, Eugénie de Montijo, qui, en 1856, lui donne un fils, le prince impérial Eugène Louis Jean (mort à l'âge de 23 ans).
3. L'empereur des Français
3.1. La prospérité et la gloire
Napoléon III et l'impératrice Eugénie redonnent tout son lustre à la vie de cour, à Paris (palais des Tuileries), à Fontainebleau, à Compiègne, à Biarritz. L'empereur lui-même met l'accent sur l'instruction publique, confiée à Victor Duruy, et sur le développement économique, qui se traduit par la création de grandes banques (Crédit Lyonnais [1863], Société générale [1864]), par la modernisation des transports, surtout ferroviaires, et des infrastructures, par la politique de libre-échange qui est le dogme du régime, par le boom du commerce (grands magasins) et par tout un ensemble de grands travaux, en France (Paris) comme à l'étranger (canal de Suez).
Le Paris de Napoléon III
Napoléon Ier avait rêvé de faire de Paris la « capitale des capitales ». Napoléon III passa aux actes en assignant au baron Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870, la tâche de transformer la ville. Dès 1860, le périmètre urbain engloba des communes périphériques (dont Belleville, Montmartre, Auteuil, Passy, Grenelle, Vaugirard), qui donnèrent naissance à de nouveaux arrondissements.
Autour de l'île de la Cité reconstruite, Haussmann fit percer de larges artères. À proximité de l'arc de triomphe de l'Étoile, il fit édifier des quartiers neufs. Cette révolution urbanistique alla de pair avec des travaux de salubrité publique : nouvelles halles, éclairage des rues au gaz, réseau d'égouts, aqueduc approvisionnant la capitale. Enfin, des espaces verts surgirent en périphérie : bois de Boulogne et de Vincennes, parc des Buttes-Chaumont, parc Monceau, parc Montsouris, qui furent ouverts à la promenade.
3.2. Le prestige de la France
À l'extérieur, Napoléon III cherche à affirmer le prestige de la France sur plusieurs fronts. Désireux de rompre l'entente des puissances conservatrices (Russie, Prusse, Autriche), il propose à la Grande-Bretagne de soutenir l'Empire ottoman contre la Russie : il en résulte la guerre de Crimée (1854-1855), qui accroît l'influence de la France en Orient.
Napoléon III jette aussi les bases de l'Empire colonial français en envoyant des expéditions au Sénégal (Faidherbe), en Indochine et en Nouvelle-Calédonie. Surtout, il vient en aide à l'Italie de Cavour en lutte contre l'Autriche pour son indépendance – l'attentat d'Orsini (1858) pouvant être considéré comme un geste d'intimidation à son égard. La cession à la France de Nice et de la Savoie (1860) complète les succès de l'empereur. En revanche, l'intervention au Mexique (guerre du Mexique, 1862-1867) sera un fiasco.
3.3. Le tournant libéral et la défaite militaire
Jusqu'en 1858, Napoléon III impose un régime autoritaire, qui encadre strictement la liberté d'expression. Or, il prend conscience du mécontentement des catholiques hostiles à sa politique italienne et de celui des milieux d'affaires réticents au libéralisme économique. Il s'efforce alors de se concilier l'opinion progressiste en accordant le droit de grève (1864), puis en promulguant les lois sur la liberté de la presse et la liberté de réunion (1868). Au lendemain des élections de 1869, qui donnent 90 députés aux républicains, une nouvelle Constitution marque le début de l'Empire parlementaire. Napoléon III forme un ministère libéral, dont l'homme le plus en vue est Émile Ollivier. Le plébiscite de mai 1870 lui apporte la caution du suffrage universel.
C'est alors qu'éclate la guerre franco-allemande, voulue par Bismarck. Après plusieurs défaites, Napoléon III, malade, capitule à Sedan, le 2 septembre 1870 (bataille de Sedan). Deux jours plus tard, la république est proclamée. L'impératrice, régente depuis le 28 juillet, se réfugie en Angleterre. Son époux, qui avait été emmené en captivité dans la Hesse, va la rejoindre dès sa libération, le 19 mars 1871. Il meurt au château de Chislehurst, dans le Kent.
Pour en savoir plus, voir l'article second Empire.