Égypte : histoire de l'Égypte après la conquête arabe

Saladin Ier
Saladin Ier

L'histoire de l'Égypte jusqu'à la conquête arabe est traitée sous l'intitulé Histoire de l'Égypte ancienne et préislamique.

1. L'Égypte musulmane jusqu'à la conquête ottomane (642-1517)

1.1. La conquête et l'occupation arabe

La conquête

L'armée byzantine d'Égypte, forte de 30 000 hommes, était presque entièrement composée d'indigènes de médiocre valeur militaire. Le patriarche melkite Cyrus (630 ou 631-643 ou 644), chargé par Héraclius de la réconciliation des monophysites (monophysisme), s'était vu confier les pouvoirs du préfet augustal, mais sa dureté envers les hérétiques l'avait rendu impopulaire. L'Égypte n'a pas appelé les Arabes, mais elle les a laissés faire.

En 640, sous le califat d'Umar, le général arabe Amr ibn al-As envahit le pays ; en 642, Alexandrie capitule. Le vainqueur fonde la forteresse de Fustat (le Vieux-Caire). Il remet en état le canal du Nil à la mer Rouge, et l'annone est dirigée sur Médine.

L'occupation

Les Arabes, peu nombreux, restent groupés en garnisons ; celles-ci sont entretenues par le produit des terres qui restent propriété d'État. L'appât de cette vie mercenaire, l'appel à la colonisation lancé par les gouverneurs (amil) grossissent le nombre des Arabes. Des capitulations ont laissé aux chrétiens leurs églises, leur organisation locale, mais ils doivent payer des impôts spéciaux : le kharadj, impôt foncier qui marque la propriété éminente des conquérants musulmans, et la djizya (capitation).

La série des patriarches melkites s'interrompt de 651 à 742 et leur confession reste très minoritaire. De leur côté, les Coptes monophysites voient également leur audience diminuer très rapidement : vers 750, ils ne représentent plus qu'un quart de la population.

Comment s'explique cette conversion rapide à l'islam ? L'épiscopat copte, reconstitué trop vite après les persécutions, est fort médiocre. Beaucoup de chrétiens se convertissent pour échapper aux impôts spéciaux. Comme les moines sont exempts de capitation, des foules se réfugient dans les monastères. Le gouverneur prend des mesures rigoureuses de contrôle, les faux moines apostasient.

Les Arabes ont la sagesse de conserver les institutions administratives des Byzantins avec des Coptes comme fonctionnaires subalternes. Il semble que la mainmise de l'État byzantin sur le commerce extérieur ait été levée. Le commerce vers l'Inde se ranime, mais le golfe Persique reste plus important que la mer Rouge.

L'Égypte suit le sort du monde arabe pendant deux siècles : omeyyade dès 661 (Omeyyades), elle n'est guère touchée par les hérésies de l'islam. La politique fiscale des Abbassides, qui exploitent la vallée du Nil pour le seul profit des capitales irakiennes, provoque des révoltes périodiques des Arabes et des Coptes.

1.2. Les Tulunides (868-905) et les Ikhchidides (935-969)

Un esclave turc, Ahmad, fils de Tulun, est chargé, en 868, du commandement des troupes : il organise un corps de mercenaires achetés sur les marchés d'esclaves, les mamelouks. Il se proclame maître de l'Égypte et conquiert la Syrie. Son fils se fait reconnaître par le calife gouverneur de l'Égypte et des pays voisins. En 905, une armée abbasside réoccupe le pays.

En 935, un Turc, Muhammad, qui a pris le surnom royal iranien d'Ikhchid, reçoit de Bagdad les pleins pouvoirs pour lutter contre la propagande des hérétiques chiites.

Ces deux dynasties, qui parviennent à obtenir une certaine autonomie, restent cependant fidèles à l’empire et ne cherchent pas à se rendre indépendantes à la différence de leurs successeurs.

1.3. Les Fatimides (969-1171) : une période de prospérité

Maîtres du Maghreb depuis 909, les Fatimides, chiites ismaéliens, visent depuis longtemps l'Égypte. Profitant de la mort du vizir Abu al-Misk Kafur, rempart de la dynastie ikhchidide (968), leur armée occupe l'Égypte et la Syrie (969) ; elle fonde à côté de Fustat la ville d'al-Qahira (la Victorieuse) [le Nouveau Caire]. En 973, le calife al-Muizz vient s'installer en Égypte. Lui succéderont douze califes parmi lesquels son petit-fils al-Hakim (996-1021), divinisé par certains de ses partisans (Druzes).

La souveraineté des Fatimides se restreint assez vite à l’Égypte : le Maghreb leur échappe à partir de 1045 ; les Turcs seldjoukides les attaquent et les supplantent en Syrie (1078) et les croisés leur enlèvent Jérusalem (1099). Mais même en Égypte, leur assise sociale est faible dans un pays acquis au sunnisme et où les révoltes populaires s’ajoutent aux troubles militaires dus aux rivalités entre divers contingents (Mamelouks, Berbères, Turcs…).

Leur pouvoir est préservé par l'énergie des vizirs, qui finissent par choisir eux-mêmes leur calife. L'Égypte connaît alors une grande prospérité. Le pays n'est plus exploité au profit de capitales lointaines ; la mer Rouge et Alexandrie retrouvent un rôle de premier rang dans les relations entre la Méditerranée et l'Extrême-Orient. Les marchands de Venise et d'Amalfi, qui assurent les relations maritimes avec le Maghreb, affluent à Alexandrie ; des caravanes relient également l'Égypte à l'Afrique du Nord, au Soudan, à l'Éthiopie. L'artisanat, aux mains des Coptes, continue à fabriquer des objets de valeur : ivoires, cuivres et bronzes, verrerie, carreaux de faïence émaillée. Le Caire s'orne de monuments remarquables : le palais du calife (Qasr al-Kabir, aujourd'hui disparu), la mosquée al-Azhar.

En 1164, devançant les troupes du royaume de Jérusalem, les lieutenants de l'atabek turc de Mossoul, Chirkuh, et son neveu Saladin (Salah al-Din) occupent l'Égypte. Saladin devient vizir en 1169 et, à la mort du Fatimide al-Adid (1160-1171), fait prononcer la prière au nom du calife de Bagdad.

1.4. Les Ayyubides (1171-1250)

Saladin, fils de l'émir kurde Ayyub, fonde une dynastie royale ; il annexe la Syrie et le Yémen, et se fait reconnaître par Bagdad. En 1187, il porte un coup décisif au royaume latin de Jérusalem qui est réduit à une frange côtière s'étirant de Tyr à Jaffa après la paix de 1191. Son État se morcelle après sa mort en 1193.

Les croisés ne cessent de tenter des débarquements dans le Delta. En juin 1249, Saint Louis débarque à Damiette ; battu et pris à Mansourah (février 1250), il évacue l'Égypte. Le dernier Ayyubide est tué en mai 1250, et le pouvoir passe aux chefs des Mamelouks.

Pour en savoir plus, voir l'article les croisades.

1.5. La remarquable administration des Mamelouks (1250-1517)

Cette oligarchie militaire d'origine servile, au service des derniers sultans ayyubides, s'impose à la tête du pouvoir, contrôlant une administration modèle et assurant la prospérité dans le seul pays du monde arabe qui échappe aux ravages des Mongols (destruction du califat abbasside de Bagdad en 1258).

Alexandrie détient maintenant le monopole du transport des épices vers l'Europe chrétienne ; les Vénitiens et les Génois, qui se disputent ce marché, n'hésitent pas, malgré les défenses de l'Église, à livrer aux Égyptiens du bois, du fer, des armes, des esclaves. Les taxes prélevées à la sortie d'Alexandrie expliquent le luxe de la cour du Caire, les magnifiques monuments de la capitale : mosquée funéraire de Qalaun (xiiie siècle), mosquée-madrasa du sultan Hasan (xive siècle), mosquée de Qaitbay (xve siècle).

Les Mamelouks bahrites

De 1250 à 1382, le pouvoir est aux mains des Mamelouks bahrites (de bahr, d'après leur caserne sur le Nil, sur l'île de Rawda), des Turcs. Le sultan Qutuz (1259-1260) sauve l'Égypte en battant les Mongols à Aïn Djalout, en Syrie (1260) mais est assassiné sur les ordres de son lieutenant Baybars (1260-1277), qui lui succède, reconnaissant comme calife, mais sans pouvoir, un survivant des Abbassides. Véritable fondateur de l'empire mamelouk, Baybars conquiert notamment la majeure partie des villes du royaume latin de Jérusalem, dont le commerce concurrençait celui d'Alexandrie ; Qalaun (1279-1290) achève la destruction de l'État des croisés par la prise d'Acre (1291). Le royaume d'Arménie-Cilicie (ou Petite Arménie) tombera à son tour en 1375.

Les Mamelouks burdjites

En 1382, le pouvoir passe aux Mamelouks burdjites (de burj, tour fortifiée, d'après leur résidence dans les tours de la Citadelle du Caire), des Tcherkesses ou Circassiens. La nouvelle dynastie est victime de coups d'État multipliés. La situation économique est moins bonne : la monnaie d'or fuit vers l'Occident, et l'Égypte n'a plus qu'une monnaie de billon.

En 1400, les Mamelouks repoussent la tentative d’invasion de Timur Lang (Tamerlan), mais la campagne a entraîné de très lourdes dépenses, contribuant à la crise économique coïncidant avec le sultanat de Barsbay (1422-1438) qui tente sans grand succès d’imposer un monopole d’État sur le commerce extérieur (sucre, poivre, cuivre).

Dès 1503, les Portugais s'installent en maîtres en Inde et coupent les convois d'épices à destination de l'Égypte ; en 1509, Francisco de Almeida détruit la flotte des Mamelouks.

Depuis longtemps, l'Égypte est convoitée par les Ottomans. En 1516, le sultan Selim attaque les Mamelouks ; seul à posséder une artillerie, il les écrase à Alep (1516), au Caire (1517). Selim, qui a racheté les droits du dernier calife, se proclame commandeur des croyants.

2. L'Égypte, province ottomane de 1517 à 1805

2.1. Le déclin de l'économie

La province est confiée à un pacha nommé pour un an. Il lève les impôts, envoie 600 000 piastres par an et des contingents militaires à Constantinople. Il est assisté par 24 préfets, les beys ; ceux-ci achètent des esclaves (des mamelouks) pour se faire une garde personnelle ; lorsqu'une charge de bey est vacante, le bey le plus puissant propose un de ses mamelouks. Pour garder les frontières et refouler lesBédouins, le pacha dispose de sept régiments commandés par des aghas. Les aghas sont élus pour un an par les soldats ; à leur sortie de charge, ils entrent dans un conseil des anciens aghas, qui administre l'armée.

Beys et aghas reçoivent (en concession révocable) des terres en usufruit, devenant à la fois des seigneurs terriens (absentéistes le plus souvent) et des fermiers généraux (multazims). Dans le cadre de ce système foncier et fiscal appelé iltizam, ils font cultiver leur domaine personnel (non imposable) par corvées, et lèvent l'impôt sur les autres terres villageoises dont ils remettent une partie au pacha mais en conservent la plus grande part.

Le pouvoir des pachas ne cesse de décliner devant ces milices insubordonnées. Ali Bey (1757-1773) se rend indépendant du Sultan, qui a beaucoup de mal ensuite à rétablir son autorité nominale. L'incurie turque amène le déclin de l'économie.

2.2. L'enjeu des convoitises européennes

Au xviiie siècle, le pays est convoité par la France et la Russie, surveillé par les Anglais. Les Français (des Marseillais), bénéficiant des capitulations, sont pratiquement les seuls à commercer à Alexandrie. Les Anglais, qui ont obtenu en 1775 l'ouverture de la mer Rouge, empruntent le territoire égyptien pour se rendre aux Indes.

Les exactions subies par des commerçants français provoquent un conflit entre les beys mamelouks et la France. C'est alors que Bonaparte fait décréter par le Directoire l'expédition d'Égypte (campagne d'Égypte). Il prend Alexandrie le 2 juillet 1798, bat les Mamelouks aux Pyramides (21 juillet). Son équipe de savants commence l'inventaire des richesses du pays et inaugure le renouveau des méthodes d'exploitation de l'Égypte. Bonaparte rentre en France en août 1799 ; son armée, qu'il avait laissée à Kléber (assassiné le 14 juin 1800), capitule à la suite d'un débarquement de Turcs et d'Anglais (30 août 1801).

3. L'Égypte moderne (1805-1952)

3.1. De Méhémet-Ali au protectorat britannique (1805-1882)

Méhémet-Ali (1805-1848) : les fondements de l'Égypte moderne

Le Sultan ne réussit pas à rétablir sa domination, et, après le départ des Anglais (1803), le chef des troupes albanaises, Méhémet-Ali, oblige Constantinople à le reconnaître comme pacha (1805). Il en finit avec les Mamelouks en faisant massacrer 300 beys (1811). Il se débarrasse de ses Albanais turbulents en les envoyant conquérir le Soudan et les remplace par une armée de conscrits recrutée chez les fellahs (paysans).

Son objectif est surtout de favoriser un développement agricole et industriel de l’Égypte, dirigé par l’État, en démantelant le système fiscal de l’iltizam. Tandis que les biens de mainmorte (des fondations religieuses) sont saisis et le monopole d’État de la terre instauré après expropriation de l’ancienne classe dirigeante mamelouke, la perception directe de l’impôt agricole est rétablie. Si le pacha s’approprie un vaste domaine personnel, la plupart des terres villageoises sont attribuées à titre viager aux paysans. Chaque communauté villageoise est redevable de l’impôt et de la corvée (grands travaux d’irrigation). L’État décide des types de cultures (coton en particulier, lin, canne à sucre, destinées à l’exportation) et se charge de l’achat et de la revente de la production. Des monopoles industriels et commerciaux sont instaurés et l’industrie textile protégée de la concurrence.

Cette politique contribuera à l'hostilité de l’Angleterre, par ailleurs inquiète des relations étroites établies entre l’Égypte et la France d’où proviennent plusieurs conseillers du pacha, instructeurs militaires (Sèves) ou ingénieurs (Linant de Bellefonds).

En compensation de son appui apporté au gouvernement ottoman en 1820-1827 contre le mouvement d’indépendance en Grèce et pour couvrir ses frontières grâce à cet État-tampon, Méhémet-Ali réclame en vain au Sultan la Syrie, qu’il fait envahir en 1831-1832 avant de menacer Istanbul. Mais l'Angleterre s’oppose à ces ambitions et dresse contre lui une coalition européenne (Grande-Bretagne, Autriche, Russie et Prusse) : en 1841, Méhémet-Ali perd la Syrie et doit se contenter du pachalik héréditaire de l'Égypte outre le Soudan qu’il avait conquis en 1820-1821.

Said (1854-1863) : poursuite de la politique moderniste pro-occidentale

Son petit-fils, Abbas Hilmi (1848-1854), qui lui succède, renvoie les conseillers de son aïeul, suspend les grands travaux, se rapproche du Sultan par haine des consuls européens. Il est étranglé et remplacé par le dernier fils de Méhémet-Ali, Said (1854-1863). Ce dernier rétablit les relations privilégiées avec les Français. De nombreuses écoles sont ouvertes par les ordres religieux français ; les fouilles sont développées par Mariette. Le pacha réforme le régime foncier, accélérant l'instauration de la propriété privée de la terre et la constitution de grands domaines : la propriété éminente de l'État est supprimée ; la corvée est officiellement abolie ; le fellah peut vendre librement son lot et les produits de sa terre, mais l'État peut reprendre son lot si l'impôt n'est pas payé.

Les concessions accordées par la dynastie de Méhémet-Ali permettent la constitution de grands domaines, à côté des parcelles toujours plus exiguës des paysans ; le surpeuplement apparaît : la population, qui était tombée à 2 millions d'habitants en 1800, sera de 10 millions à la fin du siècle.

L'Égypte reprend son rôle d'intermédiaire entre l'Europe et l'Extrême-Orient. La voie ferrée relie Alexandrie à Suez en 1859, mais, dès 1856, Said avait accordé à Ferdinand de Lesseps la concession du futur canal de Suez.

En 1863, Ismaïl succède à son oncle et reçoit le titre de khédive en 1867. Le 17 novembre 1869, le canal est solennellement inauguré.

3.2. La domination britannique (1882-1923)

Le réveil du nationalisme

La Grande-Bretagne pense dès lors à s'assurer le contrôle du canal ; en 1874, elle rachète les actions du khédive Ismaïl. En 1876, ce dernier suspend le paiement de la dette publique contractée auprès des Européens. La France et l'Angleterre prennent la direction de l'administration égyptienne, créent la Caisse de la dette publique qui finit par absorber l’essentiel des revenus de l’État, puis remplacent Ismaïl par son fils Tawfiq (1879-1892) plus docile, alors que la mainmise des étrangers provoque le mouvement nationaliste du colonel Urabi.

La mainmise de l'Angleterre

Un massacre de chrétiens à Alexandrie (juin 1882) permet une intervention européenne : la France se dérobant, l'Angleterre agit seule, et Urabi, qui attaque la zone du canal, est battu à Tell el-Kébir (13 septembre 1882). Malgré les réclamations françaises et les protestations de la Turquie, l'Angleterre installe sa domination sans titre sur l'Égypte : un haut-commissaire assiste le khédive, des Anglais surveillent l'administration et l'armée. Les finances sont assainies ; la construction des barrages d'Assouan et d'Assiout augmente de moitié la surface cultivée.

Sous Ismaïl, l'armée égyptienne avait achevé la conquête du Soudan oriental ; puis, cédant aux objurgations des puissances, le khédive interdit la traite dans ces territoires, qui en vivaient. Le Soudan s'insurge et tombe aux mains des derviches (mahdi Muhammad Ahmad et Abd Allah ibn Muhammad al-Taaichi) [1881-1885]. Kitchener, qui a réorganisé l'armée égyptienne, reconquiert le Soudan en 1898 et oblige les Français à renoncer à leurs prétentions sur cette province de l'Égypte (affaire de Fachoda).

Renaissance de l'opposition nationaliste

La présence des Anglais cristallise l'opposition nationaliste, née de la prédominance économique des étrangers (235 000, qui possèdent la moitié de la richesse du pays). Le nationalisme, au début du xxe siècle, se veut comme un retour aux sources de l'islam et se donne le panarabisme comme fin dernière.

En novembre 1914, le sultan de Turquie, qui a déclaré la guerre à l'Angleterre, proclame la guerre sainte. Le 17 décembre 1914, Londres dépose le khédive Abbas Hilmi (1892-1914), le remplace par son oncle Husayn Kamil (1914-1917), nommé sultan, et proclame en même temps son protectorat et la suppression de la suzeraineté ottomane.

3.3. La fin du protectorat et l'expérience parlementaire (1918-1952)

Naissance du parti Wafd

Dès 1918, l'Égypte réclame son indépendance. L'avocat Sad Zaghlul organise le parti Wafd (« délégation »). À la suite de l’arrestation et la déportation à Malte de ses dirigeants, un vaste mouvement de protestation (dans lequel les femmes tiennent un rôle de premier plan) éclate dans le pays en mars-avril 1919. Le désordre persistant amène Lloyd George à proclamer la fin du protectorat (février 1922).

Le sultan devient le roi Fuad Ier et promulgue une Constitution parlementaire (1923). Mais, jusqu'à la conclusion d'accords, la Grande-Bretagne se réserve les communications, la défense, la protection des intérêts étrangers et l'administration du Soudan. L'occupation militaire continue, ainsi que l'agitation.

Lutte de pouvoir entre le Wafd et la royauté

En 1924, alors que le Wafd vient de remporter largement les élections au Parlement, le gouverneur général du Soudan est assassiné ce qui entraîne de très fortes tensions entre les Britanniques et le gouvernement dirigé par Zaghlul qui finit par démissionner. En 1927, Zaghlul meurt et est remplacé à la tête du Wafd par Nahhas Pacha.

Dans les années 1930, contre le Wafd majoritaire, le roi et le haut-commissaire favorisent la formation de gouvernements autoritaires menés par les représentants des partis monarchistes Shaab (comme celui d’Ismail Sidqi à l’origine de la nouvelle Constitution de 1930, [1930-1933]) et Ittihad (1933-1936).

Le traité anglo-égyptien de 1936 et l'émergence des Frères musulmans

Le traité anglo-égyptien du 26 août 1936, signé par le Premier ministre Nahhas Pacha et le Haut commissaire britannique, n’accorde pas à l'Égypte l'indépendance pleine et entière : si le Haut commissaire est remplacé par un ambassadeur et si les capitulations sont abolies, l'Angleterre garde un droit de regard sur la politique étrangère de l'Égypte, continue à occuper la zone du canal et conserve le contrôle du Soudan théoriquement soumis à un condominium depuis 1899. Le traité est ainsi mal accueilli par certains nationalistes qui accusent le Wafd d’avoir trahi leur cause. Dès lors, le parti dont le bilan politique et social est également critiqué, commence à décliner au profit de nouvelles formations parmi lesquelles les Frères musulmans, créés en 1928 ou La Jeune Égypte et ses « Chemises vertes », une organisation nationaliste aux tendances fascisantes créée en 1933 par Ahmad Husayn.

Le roi Farouk (1937-1952), fils et successeur de Fuad, contribue également à la lutte contre le Wafd dont le chef est cependant nommé Premier ministre pour la quatrième fois en 1942-1944.

L'agitation nationaliste

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Égypte est une base essentielle pour l'armée britannique ; Farouk est plus que réticent devant l'aide qu'exige la Grande-Bretagne, et une partie de l'opinion se montre également germanophile. Dès 1945, l'Égypte réclame l'évacuation de la zone du canal et la restitution du Soudan. Devant les lenteurs britanniques, l'opinion s'enflamme ; la crise sociale, due à la surpopulation rurale et à la constitution d'un prolétariat urbain, aggrave la crise politique.

La guerre contre Israël ( première guerre israélo-arabe,, mai 1948-février 1949) tourne à la confusion des pays arabes et de leur leader égyptien ; les vaincus se refusent à reconnaître le fait accompli et se contentent d'un simple armistice (Rhodes, 24 février 1949). La menace israélienne reste un des slogans de la politique égyptienne.

En 1950, le roi rappelle le chef du Wafd au pouvoir ; Nahhas, dont c'est le cinquième et dernier mandat, dénonce cette fois le traité de 1936 et fait proclamer Farouk « roi d'Égypte et du Soudan » (1951). L'agitation nationaliste croît, attisée par les Frères musulmans, qui groupent 500 000 membres, recrutés surtout dans les milieux ruraux ; le 26 janvier 1952, une violente émeute populaire éclate au Caire.

Pour en savoir plus, voir les articles Égypte, vie politique depuis 1952.