Albert Einstein
Physicien américain d'origine allemande (Ulm 1879-Princeton 1955).
1. La jeunesse d'Einstein
L'année qui suit sa naissance, ses parents s'installent à Munich, qui va être le cadre de son enfance. Son père, un juif qui appartient à la petite bourgeoisie souabe aux idées libérales, y a fondé une modeste usine d'appareils et d'outillage électriques. Albert fait au lycée des études médiocres, sans que rien laisse alors présager une vocation exceptionnelle ; aucun de ses professeurs ne se souviendra plus tard de lui ; il y supporte d'ailleurs fort mal une discipline quasi militaire. Dès cette époque, l'autorité indiscutée et la contrainte lui paraissent intolérables. Après une crise de ferveur religieuse, Albert adopte une attitude de libre penseur qu'il qualifiera lui-même de fanatique.
Lorsqu'il atteint l'âge de quinze ans, ses parents et sa sœur émigrent à Milan dans l'espoir d'une situation plus florissante, et il va poursuivre ses études à Aarau, en Suisse, grâce à l'aide de parents fortunés. Après un premier échec, il passe son baccalauréat, entre en 1896 à l'Institut polytechnique de Zurich et décide de se consacrer à l'enseignement plutôt que d'aborder la carrière d'ingénieur. Il adopte alors la nationalité suisse.
Ayant terminé ses études, il cherche en vain une situation dans l'université ; toute sa vie, il regrettera de n'avoir pas eu à instruire de jeunes enfants. Grâce au père d'un camarade, ému de ses difficultés, il obtient enfin en 1902 un emploi à l'Office fédéral des brevets, à Berne. Cette situation modeste lui permet alors d'épouser une étudiante serbe, Mileva Marec, un peu plus âgée que lui, qui se destine aussi à l'enseignement de la physique. Deux fils naîtront de cette union.
Bien qu'Einstein exerce son humble métier avec une grande conscience, les larges loisirs qui lui sont offerts lui permettent de réfléchir aux graves problèmes qu'en ce début de siècle commence à poser la physique. En effet, les fondements de la mécanique résistent mal à l'analyse critique de l'Autrichien Ernst Mach (1838-1916). H.A. Lorentz a dû introduire une contraction longitudinale des objets en mouvement et une altération locale du temps. Albert Michelson (1852-1931) vient de mettre en évidence la constance de la vitesse de la lumière, en dépit du mouvement de l'observateur par rapport au milieu de sa propagation. Planck, enfin, a suggéré que l'énergie rayonnante doit être émise de façon discontinue.
2. Des découvertes majeures : le photon, la relativité restreinte
L'attention d'Einstein se porte d'abord sur la structure atomique de la matière, sur l'interprétation statistique de la thermodynamique et sur cette hypothèse des quanta de Planck (théorie quantique). Il est le premier à comprendre la portée des discontinuités quantiques, qui n'intéressent pas la seule émission ; il en fait l'application à l'énergie rayonnante, ce qui l'amène à l'hypothèse des grains de lumière, ou photons, ressuscitant la vieille théorie corpusculaire de Newton ; il peut ainsi expliquer l'effet photoélectrique et en découvrir les lois.
Appliquant d'autre part le calcul des probabilités au mouvement brownien, il en édifie la théorie et arrive à obtenir une valeur correcte du nombre d'Avogadro. Trois articles de lui, publiés en 1905 par les Annalen der Physik font connaître ces travaux. Et la même année, dans la même publication, il écrit encore deux articles, beaucoup plus originaux : Sur l'électrodynamique des corps en mouvement et L'inertie d'un corps dépend-elle de son contenu en énergie ?, où se trouve un exposé complet d'une théorie entièrement créée par lui, celle de la relativité restreinte ; celle-ci modifie les lois de la mécanique newtonienne et introduit l'équivalence de la masse et de l'énergie avec la célèbre formule E = mc2.
3. Einstein professeur
Alors que ces articles annoncent la force qui va bouleverser le monde, personne ne semble d'abord les avoir remarqués. Ce n'est que trois ou quatre ans plus tard que l'attention du monde savant se porte sur eux. Einstein devient brusquement l'homme dont on parle. Ses idées, qui ne sont d'ailleurs pas souvent comprises, sont âprement discutées ; mais elles ouvrent au jeune homme, non sans difficulté, les portes de la carrière universitaire.
Après un bref passage à l'université de Berne, où il est employé comme maître de conférences, Einstein est appelé, en 1909, comme professeur extraordinaire, c'est-à-dire suppléant, à Zurich. Puis, après un séjour à l'université allemande de Prague (1911-1912), il obtient une chaire à l'École polytechnique fédérale de Zurich, sur les bancs de laquelle il a été élève. Enfin, sur les instances de Planck et de Nernst, il accepte, en 1913, d'aller enseigner à l'institut Kaiser-Wilhelm de Berlin et d'entrer à l'Académie des sciences de Prusse. Bien que son caractère indépendant, ses idées politiques et sociales ne puissent l'attirer vers l'Allemagne de Guillaume II, il part pour Berlin, qui est alors un des centres les plus brillants de la science européenne : il se laisse en effet tenter par l'espoir de travailler aux côtés des grands maîtres qui ont sollicité sa venue.
C'est pendant cette période qu'il s'emploie à élargir la théorie de la relativité en y intégrant la gravitation. Mais sa nomination en Allemagne est aussi marquée pour lui par la dislocation de son ménage, dans lequel la bonne entente s'est progressivement altérée.
4. La relativité générale
Einstein a exigé de conserver sa nationalité helvétique ; c'est ce qui lui permet d'adopter une attitude de neutralité pendant la Première Guerre mondiale. Il peut, en la faisant valoir, refuser de signer le manifeste des quatre-vingt-treize intellectuels, cette capitulation de l'indépendance spirituelle allemande, et il fait entendre une voix discordante dans le concert de haine. « Les siècles futurs, écrit-il à Romain Rolland, dont il admire la prise de position, pourront-ils vraiment glorifier notre Europe, où trois siècles du travail culturel le plus intense n'ont abouti à rien de plus qu'à passer de la folie religieuse à la folie nationale ? ».
À ce moment de sa vie, il retrouve une famille en se remariant avec sa cousine Elsa, déjà mère de deux filles ; celle-ci, jusqu'à sa mort, prendra discrètement soin de lui. C'est dans la quiétude de ce nouveau foyer qu'il approfondit peu à peu ses théories et aboutit en 1916 à la relativité généralisée, théorie de la gravitation concernant un univers à quatre dimensions, courbe et fini, qui va engendrer la cosmologie moderne.
En dépit de la guerre, ce travail est connu en Angleterre. Aussi, en 1919, l'astronome britannique Eddington vérifie-t-il lui-même, dans le golfe de Guinée, la courbure des rayons lumineux rasant le bord de la Lune lors d'une éclipse solaire (→ lumière). Alors que le Suisse Charles Eugène Guye (1866-1942) avait, avec Lavanchy, dès 1913, mesuré l'augmentation de masse d'électrons très rapides, prévue par la relativité restreinte, c'est maintenant la confirmation, beaucoup plus difficile, de la relativité générale. Annonçant ce résultat, le président de la Société royale de Londres qualifie la théorie d'Einstein comme « la plus grande découverte concernant la gravitation qui ait été faite depuis que Newton a énoncé ses principes ».
5. Un scientifique célèbre et engagé
En 1921, enfin, Einstein reçoit le prix Nobel de physique, mais, comme la relativité paraît encore trop aventureuse pour figurer parmi les motifs, ce prix est « décerné à M. Einstein pour ses mérites dans le domaine de la physique théorique, et spécialement pour sa découverte de la loi de l'effet photoélectrique ». Il en partage le montant entre sa première femme et une œuvre charitable.
Devenu célèbre, Einstein effectue de nombreux voyages qui le conduisent d'Amérique en Extrême-Orient. Il profite de sa notoriété pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur ; ennemi de l'injustice, il tente, en toute occasion, de venir en aide aux opprimés. On le consulte à tout propos et il est appelé à faire partie de la Commission de coopération intellectuelle créée par la Société des Nations.
Cependant, il poursuit toujours ses travaux scientifiques. Ayant eu connaissance, par l'intermédiaire de son ami P. Langevin, de la fameuse thèse de Louis de Broglie, il publie en 1924 une note où, en se servant aussi d'un récent travail du physicien indien Satyendranath Bose, il crée une statistique valable pour les particules indiscernables (statistique de Bose-Einstein). En 1929, il expose, dans une communication à l'Académie des sciences de Prusse, sa « théorie du champ unitaire », qui résume, en une série d'équations, les lois qui gouvernent les deux forces fondamentales de l'univers, la gravitation et l'électromagnétisme. Plus tard, lorsque d'autres forces seront identifiées, notamment les forces nucléaires, il tentera de les englober dans cette synthèse (interactions fondamentales).
6. Einstein et la bombe atomique
Jusqu'en 1933, Einstein demeure à Berlin ou dans sa maison de campagne de Caputh, non loin de la capitale. Mais, lorsqu'il apprend d'Amérique, où il effectue un de ses fréquents séjours, l'accession de Hitler au pouvoir, il décide de ne pas retourner en Allemagne, où sa situation était déjà devenue difficile ; il abandonne tous ses biens et envoie sa démission à l'Académie des sciences de Prusse. Il réside d'abord au Coq-sur-Mer, en Belgique, dont le couple royal compte parmi ses amis, envisage un moment d'accepter une chaire qu'on lui offre au Collège de France et s'installe enfin aux États-Unis, où il devient directeur de l'Institute for Avanced Study de Princeton. Il peut, dans le calme qui entoure ce haut lieu de l'esprit, reprendre le cours de ses recherches. En 1940, il acquerra la nationalité américaine.
La mort de son épouse en 1936, les odieuses persécutions raciales du régime national-socialiste, l'annonce du cataclysme qui va fondre sur le monde assombrissent ses jours. Malgré son horreur du militarisme, Einstein déplore l'impréparation à la guerre des démocraties occidentales. Lorsque Niels Bohr, de passage en Amérique, propage la nouvelle de la découverte du phénomène de fission, Fermi et Leo Szilard interviennent auprès de lui, et Einstein envoie en 1939 au président Roosevelt le message suivant : « Les résultats des recherches effectuées récemment par E. Fermi et L. Szilard, qui m'ont été soumis en manuscrit, me démontrent qu'on peut s'attendre à ce que l'élément uranium puisse, dans un avenir immédiat, devenir une nouvelle et importante source d'énergie. Ce nouveau phénomène peut conduire aussi à la construction de bombes extrêmement puissantes. Une seule de ces bombes, transportée par bateau, et qu'on laisserait exploser dans un port, pourrait détruire tout le port et le territoire environnant. » On connaît les suites de cette lettre ; comme il le dira plus tard avec tristesse, lui, pacifiste convaincu, il a « pressé sur le bouton ».
7. Einstein et la paix du monde
« La guerre est gagnée, mais non pas la paix », écrit-il à la fin du cauchemar. L'explosif nucléaire menace la survie de l'humanité. Dès 1946, Einstein sait que « détourner cette menace est devenu le problème le plus urgent de notre temps ». Avec la conscience de cette mission à accomplir, il a trouvé le sens de la vie qu'il lui reste à vivre. Il mène une ardente campagne contre la bombe à hydrogène et prend vigoureusement le parti des victimes du maccartisme.
Alors qu'il a soutenu en vain les projets de contrôle international de l'énergie atomique, le plan qu'il préconise est l'établissement d'un gouvernement mondial, et il l'annonce en 1947 dans une lettre ouverte aux Nations unies. Il multiplie les appels aux dirigeants et aux responsables des décisions qui engagent le destin du monde. Mais la mort vient le surprendre avant qu'il ait pu aboutir à un exposé définitif de sa théorie du champ unitaire et sans que ses paroles humanitaires aient été vraiment entendues.
Ainsi que l'a écrit Louis de Broglie, « par la nouveauté et la profondeur des idées qu'il a introduites en physique, par les répercussions profondes que ces idées ont eues sur toute l'orientation de la science contemporaine, Albert Einstein mérite d'être regardé comme l'un des plus grands esprits scientifiques de tous les temps ».
8. Citations d'Albert Einstein
Je ne pense jamais au futur. Il vient bien assez tôt.
Albert Einstein, interview donnée sur le paquebot Belgenland, 1930.
Ce qu'il y a de plus incompréhensible, c'est que le monde soit compréhensible.
Albert Einstein, Comment je vois le monde, 1934.
Il n'existe que deux choses infinies : l'Univers et la bêtise humaine... mais pour l'Univers je n'ai pas de certitude absolue.
Reporté par Fritz Perls dans Gestalt Therapy Verbatim, 1969