Japon : vie politique depuis 1945
1. Le modèle japonais
L'occupation américaine (1945-1952) commence par la purge des anciens dirigeants et par des réformes démocratiques : nouvelle Constitution, réforme agraire, établissement des libertés politiques et syndicales, nouveau Code civil. Le général Tojo Hideki et six autres accusés sont pendus comme criminels de guerre au terme du procès de Tokyo (28 décembre 1948). Mais pour faciliter l'occupation, Washington décide de garder l'empereur, tout en le dépouillant du pouvoir.
La gauche japonaise prend son essor ; le socialiste Katayama Tetsu devient Premier ministre après les élections d'avril 1947, où son parti a obtenu 26 % des voix. Mais la guerre de Corée (1950-1953) pousse les Américains à réprimer la gauche : en 1949-1950, les « purges rouges » brisent les syndicats communistes. Pour consolider le camp conservateur, ils laissent amnistier les anciens députés de la période militariste.
Dès la fin de l'occupation américaine, 124 d'entre eux reviennent au Parlement (élections d'octobre 1952). En novembre 1955, les conservateurs s'unissent au sein du parti libéral-démocrate (PLD), dont la cheville ouvrière est un ancien criminel de guerre, Kishi Nobusuke, aidé par la CIA. Le PLD gouvernera sans partage jusqu'en 1993. Dès décembre, Yoshida Shigeru, le « père » du nouveau Japon, Premier ministre en 1946-1947, puis, à partir d'octobre 1948, est écarté au profit de politiciens amnistiés : Hatoyama Ichiro (1955-1957), puis Kishi lui-même (1957-1960).
Kishi est résolu à défaire autant que possible les réformes libérales léguées par les Américains. Cette politique du « cours inverse » suscite une opposition croissante de la gauche et de la société civile. La restructuration de l'industrie provoque aussi des conflits sociaux très durs (papeteries d'Oji, charbonnages de Miike), qui se terminent par la mise au pas des syndicats et la mise en place du « modèle japonais » caractérisant les relations du travail et reposant sur le syndicalisme d'entreprise et l'emploi à vie.
L'agitation culmine en 1960 avec des manifestations sanglantes contre le traité de sécurité nippo-américain, signé en 1951 à San Francisco (conférences de San Francisco). Le terrorisme politique reparaît (assassinat du leader socialiste Asanuma). Kishi est poussé à la démission en juin.
Ikeda Hayato (1960-1964) choisit la conciliation avec la gauche et engage le pays dans la « haute croissance ». Sous Sato Eisaku (1964-1972), le Japon devient la 2e puissance économique du monde libre.
La modernisation de la société, les dégâts de la croissance (pollution, urbanisation désordonnée) et les à-coups économiques liés aux chocs pétroliers redonnent de l'élan à la gauche. La toute-puissance du PLD s'érode : de 63,2 % des voix en 1955, il tombe à 41,9 % en 1976. Pendant une dizaine d'années (1967-1976), des fronts socialistes-communistes gouvernent la plupart des grandes villes, dont Tokyo et Osaka.
Des partis centristes apparaissent : le Komeito, bras séculier de la secte bouddhiste Soka-Gakkai, et le petit parti social-démocrate (PSD). Les gouvernements PLD deviennent instables : Tanaka (1972-1974), Miki (1974-1976), Fukuda (1976-1978), Ohira (1978-1980), Suzuki (1980-1982).
Cependant, les divisions de l'opposition, la stabilisation de la société et le retour d'une croissance soutenue remettent le PLD en selle. Nakasone Yasuhiro (1982-1987) applique son programme néonationaliste : renforcement de l'armée, interprétation restrictive de la Constitution, usage obligatoire de l'hymne « Kimigayo » et du drapeau national à l'école… Mais la pression des partenaires du Japon et l'évolution des mentalités remettent en cause le modèle fondé sur le protectionnisme, l'intervention de l'Administration dans l'économie et l'autoritarisme dans la vie sociale. Le PLD doit entreprendre l'ouverture du marché et la déréglementation, alors que ses électeurs les plus fidèles (paysannerie, PME et PMI) y sont opposés. Les mandats écourtés de Takeshita Noboru (1987-1989) et de Uno Sosuke (mai-août 1989) témoignent de la confusion qui s'installe dans le parti.
En janvier 1989, la mort de Hirohito clôt l'ère Showa (la « Paix lumineuse »), et l'avènement de son fils Akihito ouvre l'ère Heisei (l'« Accomplissement de la paix »).
2. Les années 1990 : une décennie « perdue »
2.1. L'éphémère éclipse du PLD (1993-1994)
À partir de 1990, l'effondrement de la Bourse, après cinq années de spéculation, précipite le Japon dans la crise et provoque une série de scandales. L'opinion réclame une réforme politique (moralisation, décentralisation, réforme électorale) et la diminution du pouvoir de la bureaucratie. Kaifu Toshiki (1990-1992) et Miyazawa Kiichi (1992-1993) échouent à les réaliser. Le parti socialiste en profite brièvement et bat le PLD aux sénatoriales de 1989. Mais il est sclérosé par un demi-siècle d'opposition. En 1992, un premier parti néoconservateur, le Nouveau Parti du Japon (NPJ), est créé par le gouverneur (ex-PLD) de Kumamoto, Hosokawa Morihiro. Le PLD lui-même se divise : en juin 1993, 36 députés de l'aile droite menés par Ozawa Ichiro forment le parti du Renouveau (PR) ; dix autres créent le parti pionnier (PP, centre gauche). Miyazawa Kiichi dissout la Chambre basse. Aux élections de juillet, le PLD remporte encore 223 sièges et 39,5 % des voix ; mais il n'a pas de majorité. Les trois partis néoconservateurs totalisent 22,5 % des voix et 103 sièges. Les socialistes sont écrasés (15,4 % des voix et 72 sièges). Une coalition de six partis – du PS au PR – se constitue contre le PLD, avec Hosokawa Morihiro comme Premier ministre. Elle réalise une timide réforme politique, avant d'éclater, en avril 1994.
2.2. Le retour du PLD
Le PLD revient aux affaires en juin 1994, en s'alliant au PS et au PP dans un cabinet dirigé par le socialiste Murayama Kiichi. Cette alliance choque l'opinion et précipite le PS et le PP vers leur déclin. En janvier 1996, le PLD récupère le poste de Premier ministre au profit de Hashimoto Ryutaro. L'opposition, quant à elle, se recompose difficilement : à droite, Ozawa Ichiro réunit son parti, le parti du Renouveau, le NPJ, le Komeito et le PSD dans le Nouveau Parti du Progrès (NPP) ; au centre gauche, deux jeunes députés très populaires, Kan Naoto et Hatoyama Yukio, créent le parti démocrate du Japon (PDJ) en ralliant la plupart des députés PS et PP, et quelques néoconservateurs (septembre 1996). La confiance des Japonais, déjà très ébranlée par de nombreux scandales politico-financiers et par une série de drames où les autorités ont été gravement prises en défaut – notamment le séisme de Kobe et l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo par la secte Aum en 1995 –, est minée par l'incapacité de la classe politique à sortir le pays de la récession dans laquelle il se trouve depuis quatre ans. Les citoyens désertent les urnes (autour de 40 % d'abstention) ou protestent par un vote contestataire, notamment en élisant des gouverneurs « amateurs », qui défient le gouvernement central. Leur exaspération se manifeste par la multiplication des procès contre l'Administration et des référendums locaux dirigés contre les centrales nucléaires ou les bases américaines (1996).
Aux législatives d'octobre 1996, le PS est réduit à l'insignifiance et le PP disparaît. Un résultat très moyen (16 % des voix, 52 sièges) stoppe l'élan du PDJ. Une performance décevante – 28 % des voix, 156 sièges – ébranle le NPP, qui éclate en 1997. Le PLD (32,8 % des voix, 239 sièges) peut à nouveau gouverner seul, mais il subit une lourde défaite aux élections sénatoriales de 1998 : Obuchi Keizo, ministre des Affaires étrangères sortant, succède à Hashimoto Ryutaro qui doit démissionner. Obuchi Keizo revient à des cabinets de coalition, dans lesquels il inclut le Komeito (reconstitué en 1997 sous l'étiquette de « Nouveau Komeito ») et diverses formations centristes issues de l'éclatement du NPP (d'abord le parti libéral, puis le nouveau parti conservateur). Ce rassemblement de centre droit contrôle solidement les deux chambres de la Diète permettant à Obuchi Keizo de faire adopter de nombreux textes controversés (élargissement de la coopération militaire avec les États-Unis, officialisation des emblèmes nationaux), d'entamer l'assainissement du secteur bancaire et de mettre en œuvre les réformes économiques, source de division au sein du PLD.
Obuchi Keizo, victime d'une embolie cérébrale (avril 2000) est remplacé par Mori Yoshiro, qui est désigné à huis clos. L'opinion publique, choquée par ce procédé peu démocratique, l'est encore davantage par les propos de Mori Yoshiro (« Le Japon est la terre des dieux et l'empereur en est le centre ») qui rappellent une idéologie d'un autre âge. Le PLD le paye aux législatives de juin 2000, à l'issue desquelles la coalition qu'il dirige conserve la majorité absolue, mais perd 62 sièges ; en pourcentage des suffrages, le PD (25 %) talonne les libéraux-démocrates (28,5 %). Une série de scandales, ajoutés aux impairs répétés de Mori Yoshiro, ne cessent d'affaiblir l'action du gouvernement, paralysé par la division entre réformateurs et partisans du statu quo. En avril 2001, Mori Yoshiro est écarté sans ménagement par les barons du PLD.
3. L'instabilité gouvernementale (depuis 2000)
3.1. Koizumi Junichiro (avril 2001-septembre 2006)
Lors des primaires du 24 avril 2001, le réformateur Koizumi Junichiro l'emporte sur l'ex-Premier ministre, Hashimoto Ryutaro, le candidat des barons. Fort du soutien des autres composantes de la coalition gouvernementale – le Komeito et le parti conservateur –, Koizumi Junichiro bouscule tous les conservatismes au sein de son propre parti pour mener à bien les réformes structurelles (privatisations et déréglementations) indispensables. En dépit de leur mise en œuvre tardive, il est réélu à la présidence du PLD (septembre 2003) et reconduit à la tête d'un cabinet remanié. Profitant d'une embellie économique réelle mais fragile, il dissout la Chambre basse, mais sa coalition gouvernementale et le PLD sortent affaiblis des élections législatives anticipées de novembre, au profit du Komeito qui améliore son score (34 sièges), et surtout du PDJ, dirigé par Kan Naoto, qui gagne 40 sièges. La coalition gouvernementale est à nouveau sanctionnée lors des élections sénatoriales partielles de 2004 pour sa politique néolibérale (qui ne remédie ni à la précarité de l'emploi ni aux nouvelles inégalités sociales), pour le passage en force de la réforme des retraites et pour la participation (non-combattante) des FAD à la force multinationale en Iraq.
En août 2005, Koizumi Junichiro dissout à nouveau la Chambre basse, alors que son projet de privatisation de la poste – qui divise fortement le PLD – est rejeté par la Chambre haute. La victoire écrasante de la coalition gouvernementale aux élections législatives anticipées de septembre, bénéficiant désormais d'une majorité de plus de deux tiers, conforte Koizumi Junichiro dans sa détermination à poursuivre le démantèlement de la poste. Mais, conformément à son engagement, il se retire en septembre 2006 au terme de son mandat à la tête du PLD.
3.2. Abe Shinzo (septembre 2006-septembre 2007)
Abe Shinzo, porte-parole du nouveau gouvernement, devient Premier ministre après un vote sans surprise au Parlement. Présenté comme un faucon, le plus jeune Premier ministre du Japon fait de la renaissance de l'identité nationale et de la révision de la Constitution pacifiste les priorités de son mandat. Il obtient la création d'un ministère de la Défense et signe, en mars 2007, un pacte de sécurité avec l'Australie, vivement encouragé par les États-Unis. Mais c'est sans compter avec le malaise social dû à l'accroissement des inégalités sociales et au fiasco de la gestion du système des retraites. Lors des élections sénatoriales partielles de juillet 2007, la coalition gouvernementale subit une sévère défaite au profit du PDJ, dirigé, depuis 2006, par Ozawa Ichiro. Abe Shinzo, miné par une série de scandales et de démissions, démissionne en septembre 2007, un an après son arrivée au pouvoir.
3.3. Fukuda Yasuo (septembre 2007-septembre 2008)
Fukuda Yasuo, issu de la droite modérée du PLD, forme un gouvernement de continuité et s'engage à poursuivre les réformes dans un pays à l'économie fragilisée et affecté d'un énorme déficit public. Mais, manquant d'audace et de charisme, Fukuda Yasuo est réduit à mener une politique de « petits pas », rapidement paralysée par le blocage systématique du PDJ, majoritaire à la Chambre haute. En dépit de quelques succès diplomatiques (net réchauffement des relations sino-japonaises marqué par la visite historique du Premier ministre chinois au Japon en mai 2008 ; présidence japonaise du G8 en juillet), Fukuda Yasuo démissionne soudainement le 1er septembre 2008, un mois après avoir été contraint de nommer son ex-rival, Aso Taro, aux commandes du PLD.
3.4. Aso Taro (septembre 2008-septembre 2009)
Aso Taro, qui a acquis une réputation de faucon lorsqu'il était ministre des Affaires étrangères de 2005 à 2007 et qui se distingue également par son nationalisme et son franc-parler, est élu Premier ministre le 24 septembre. Annonçant la fin des réformes structurelles engagées par Koizumi Junichiro entre 2001 et 2006, il privilégie les plans de relance pour faire face aux répercussions de la crise financière et économique internationale. Affecté par la chute de ses exportations dans les secteurs de l'automobile et de l'électronique et par la hausse de sa monnaie, le pays connaît en effet la récession la plus grave depuis l'après-guerre. Le sort du Premier ministre paraît scellé : épinglé par la presse et par l'opposition pour son train de vie luxueux et pour le recours par la compagnie minière de sa famille, Aso Mining (devenue Aso Cement), à l'exploitation de 300 prisonniers de guerre anglais, australiens et néerlandais entre mai et août 1945, il connaît des records d'impopularité. Du côté de l'opposition, le PDJ est également pris dans la tourmente on président depuis 2006, Ozawa Ichiro, éclaboussé par un scandale financier en mars 2009, démissionne en mai (conservant toutefois un rôle central en se voyant confier la responsabilité de la stratégie électorale) et est remplacé par Hatoyama Yukio, son ex-bras droit.
L'issue des élections législatives anticipées du 30 août amorce un virage politique historique. Une douzaine de formations sont en lice, mais la bataille se joue essentiellement entre les deux grands partis, le PLD et le PDJ. Conscients de la gravité de l'enjeu et lassés des dérives du PLD à la tête du pays depuis 54 ans, et de son incapacité à réformer, les Japonais, exprimant leur volonté de changement, portent le PDJ au pouvoir. Le taux de participation élevé (69 %) rend la défaite du PLD encore plus sévère : alors qu'il détenait 300 sièges (sur 480) à la Chambre basse, il n'en compte plus que 119. Aso Taro démissionne de la présidence du PLD et assume les fonctions de chef du gouvernement jusqu'à l'élection, le 15 septembre 2009, de Hatoyama Yukio, appelé à lui succéder au poste de Premier ministre.
3.5. Alternance historique, le PDJ au pouvoir
Hatoyama Yukio (septembre 2009-juin 2010)
Bien qu'il dispose d'une écrasante majorité (308 sièges sur 480), le PDJ n'est pas majoritaire à la Chambre haute et doit forger des alliances. Son président, Hatoyama Yukio, investi Premier ministre le 16 septembre 2009, constitue un gouvernement sur la base d’une coalition avec le parti social-démocrate (PSD) et le Nouveau parti du Peuple (NPP, centre droit, fondé en 2005 par des dissidents du PLD). Les objectifs du premier cabinet d'alternance en un demi-siècle sont ambitieux : briser la collusion entre le personnel politique, les milieux d'affaires et l'Administration afin de redonner la primauté aux politiques ; accorder la priorité à l'amélioration des conditions de vie des Japonais et réduire les dépenses souvent dispendieuses en travaux publics. Cependant le véritable changement, tant attendu dans un pays en crise, endetté, vieillissant et inquiet pour son avenir, n'a pas lieu. L'image du Premier ministre est d'abord ternie par une affaire de financement occulte (décembre 2009). L'influence – estimée prépondérante d'Ozawa Ichiro, puissant chef de faction au sein du PDJ, sur ses décisions – entame une crise de confiance entre l'opinion publique et le Premier ministre taxé de manque d'autorité et dont la cote de popularité passe sous la barre des 50 % en janvier 2010, après l'annonce de la démission pour raisons de santé du ministre des Finances, Fujii Hirohisa – un élément clé du cabinet.
Dès son arrivée au pouvoir, Hatoyama Yukio s'était engagé à réviser en profondeur l'accord conclu en 2006 avec les États-Unis, au terme duquel la base américaine de Futenma doit être transférée avant 2014 à Henoko, dans la localité de Nago (nord-est d'Okinawa). Après des mois de tergiversations, le Premier ministre japonais renonce à ce transfert et conclut avec Barack Obama un accord pour le maintien de la base sur l'île d'Okinawa, contre l'avis de la population et des élus locaux (mai). Cette reculade lui fait perdre le soutien du PSD, qui décide de quitter la coalition. Accusé de manque de fermeté, confronté à une fronde de son parti, Hatoyama Yukio démissionne le 2 juin 2010.
Kan Naoto et la catastrophe du 11 mars 2011 (juin 2010-août 2011)
Kan Naoto, cofondateur du PDJ en 1998, vice-Premier ministre et ministre des Finances, est élu à la tête du PDJ puis investi Premier ministre (8 juin 2010). Dès son arrivée au pouvoir, il s'engage à faire prévaloir le politique sur la bureaucratie, à poursuivre les réformes engagées par son prédécesseur (relance économique, assainissement des dépenses publiques, consolidation fiscale) et à reconquérir les électeurs pour les élections sénatoriales de juillet 2010. Celles-ci pourtant consacrent la défaite du PDJ (qui ne recueille que 106 sièges sur 242), ainsi que celle de son partenaire de la coalition, le NPP (qui perd les 3 sièges mis en jeu) face au PLD qui obtient 51 sièges. Tout en demeurant la première force à la Chambre haute, le PDJ est désormais contraint de négocier des alliances pour faire passer ses réformes. Malgré la réélection obtenue de justesse de Kan Naoto à sa présidence (septembre 2010), le PDJ voit son unité fortement menacée par la mise en examen (janvier 2011) de son ex-président, Ozawa Ichiro, impliqué dans des affaires de financement illégal, suivie par le départ d'une de ses personnalités influente et populaire, le ministre des Affaires étrangères, Maehara Seiji. Paralysé sur le plan politique, le Japon, malgré sa puissance technologique, cède, début 2011, sa deuxième place dans l'économie mondiale à la Chine.
La chute du gouvernement Kan semble imminente en raison de l'impasse sur le vote du budget (qui doit être adopté avant le 1er avril), lorsque, le 11 mars, un séisme de magnitude 9 suivi d'un tsunami dévastateur frappe le littoral nord-est de l'archipel, entraînant un accident nucléaire majeur dans la centrale de Fukushima-Daiichi. Incapable de gérer avec efficacité et transparence la situation et tardant à admettre la gravité de la catastrophe (plus de 20 000 morts et disparus dans le Nord-Est, le pays confronté à sa plus grave crise humanitaire depuis la guerre et plongé dans la récession), Kan Naoto perd le peu de crédit qui lui restait. S'il ne parvient pas à s'imposer face à la puissance du lobby nucléaire japonais, il répond toutefois aux attentes d'une majorité de la population en se prononçant en faveur de la sortie du nucléaire et en faisant adopter par le Parlement une loi de soutien aux énergies renouvelables, juste avant sa démission (26 août 2011).
Pour en savoir plus, voir l'article Activités économiques du Japon.
Noda Yoshihiko (août 2011-décembre 2012)
Noda Yoshihiko, ministre des Finances dans le cabinet sortant, vainqueur du scrutin pour la présidence du PDJ, est nommé chef du gouvernement le 30 août. La reconstruction et les nouvelles mesures de prévention nécessitent des dépenses exceptionnelles et le recours à l’emprunt est inévitable alors que la dette publique atteint plus de 220 % du PIB. La dégradation de la conjoncture internationale – avec notamment la crise de la zone euro et la contraction de la demande chinoise – à laquelle s’ajoute la hausse du yen, menace les exportations nipponnes et complique la tâche du gouvernement. Tout en se fixant pour objectif à moyen terme une relance dans quatre domaines stratégiques – économie « verte », santé et recherche médicale, agriculture, pêche et sylviculture, revitalisation des PME –, l’État se donne comme priorité une réforme globale de la fiscalité et de la protection sociale.
Afin de garantir le financement de cette dernière, le Premier ministre mise tout d’abord sur une augmentation de l’impôt sur la consommation de 5 % à 10 % en 2015 : une mesure adoptée par la Diète en juin 2012 mais grâce au soutien du PLD (ainsi que de son allié, le Nouveau Komeito) et au prix de la dissidence d’une cinquantaine de députés du PDJ menés par Ozawa Ichiro qui votent contre. Cette scission au sein de la majorité parlementaire (qui se traduit par la fondation d’un nouveau parti) fragilise Noda dont l’impopularité est accentuée par le redémarrage de deux réacteurs nucléaires dans le centre du Japon. Cette décision provoque d’importantes manifestations et sous la pression de l’opinion publique, le gouvernement annonce finalement son ambition d’abandonner la filière dans les années 2030.
Alors qu’un rapport parlementaire, rendu public en juillet, dénonce la collusion entre le gouvernement, l’autorité de sûreté et l’opérateur nucléaire Tepco, le gouvernement s’engage notamment à fermer les centrales de plus de 40 ans. Mais, devant le coût élevé d’une sortie du nucléaire qui fournit environ 30 % de l’électricité, un redémarrage des réacteurs jugés fiables par une nouvelle autorité de sûreté et la poursuite de trois chantiers en cours sont également prévus. Sous la pression de l’opposition, le Premier ministre, réélu à la tête du PDJ le 21 septembre, se résout finalement à convoquer des élections législatives anticipées, alors que l’ancien Premier ministre Abe Shinzo retrouve la direction du PLD.
3.6. Le retour au pouvoir du PLD
Le 16 décembre 2012, le PDJ essuie une défaite cinglante à la Chambre basse en perdant environ 75 % des sièges qu’il y détenait. Le PLD en rafle 294 et, grâce aux 31 députés de son allié le Nouveau Komeito, le gouvernement est assuré d’une majorité des deux tiers, ce qui lui permettra de passer outre l’opposition de la Chambre haute dans laquelle la coalition reste minoritaire. Abe Shinzo prend la tête du gouvernement qui est investi le 26 décembre. Dans les jours suivants, le gouvernement rouvre la question de la relance du programme nucléaire, la priorité étant donnée à la reprise économique.
Un programme visant à sortir le Japon de la déflation et à revitaliser l’économie nippone est dès lors mis en œuvre. Un ambitieux plan de relance est mis en place tandis que la Banque du Japon adopte une politique monétaire très expansionniste. À ces deux premiers axes de cette politique baptisée « Abenomics », s’ajoutent, à partir de juin 2013, des réformes plus structurelles destinées à remettre le pays sur la voie d’une croissance durable. En juillet, le Premier ministre est conforté par la victoire du PLD et de son allié aux élections sénatoriales. Un succès confirmé à l’issue des élections législatives anticipées de décembre 2014, la coalition au pouvoir conservant sa majorité des deux tiers.
La politique économique d’Abe Shinzo et de la Banque centrale peut ainsi être poursuivie bien qu’elle tarde à produire ses effets, l’objectif de 2 % d’inflation n’étant pas atteint tandis que la hausse de la TVA de 8 % à 10 %, qui devait entrer en vigueur en avril 2017, est reportée à 2019.
Après la défaite du PLD aux élections locales de Tokyo en juillet 2017, toujours dans le but de confirmer le soutien à sa politique et de court-circuiter une opposition qui tente de se réorganiser, un deuxième scrutin anticipé est convoqué en octobre. Entre-temps, depuis un nouveau tir par la Corée du Nord d’un missile au-dessus du Japon, le 29 août, suivi d’un sixième essai nucléaire le 3 septembre, le contexte international s’est particulièrement tendu incitant le gouvernement japonais à durcir davantage sa position. Destiné à étendre et renforcer les capacités militaires du Japon, le projet de révision constitutionnelle, avorté en 2007 puis relancé par le Premier ministre en 2015-2016, est ainsi présenté comme un enjeu majeur.
Avec respectivement 281 et 29 sièges, le PLD et son allié conservent leur majorité face à une opposition incarnée désormais par le Parti démocrate constitutionnel (gauche du PDJ, conduite par Edano Yukio, 54 sièges) allié au parti communiste japonais et aux sociaux-démocrates, et par le parti de l’espoir, formation conservatrice créée par la nouvelle gouverneure de Tokyo (Koike Yuriko, issue du PLD).
Soutenu par cinq factions sur les sept qui composent le PLD, Abe Shinzo est réélu largement à la tête du parti en septembre 2018 face à son concurrent, l’ancien ministre de la Défense Ishiba Shigeru.
Le 30 avril 2019, après trente ans de règne, Akihito abdique au profit de son fils Naruhito, qui accède au trône le 1er mai, inaugurant l’ère Reiwa (« Belle harmonie »).
4. Relations internationales
4.1. L'héritage de la défaite
Le problème des forces armées
Selon l'article 9 de la Constitution mise au point par les forces d'occupation et promulguée en 1946, « le peuple japonais renonce à jamais à la guerre » et « il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes ».
Cependant, le développement de la guerre froide en Asie et la progression des forces communistes qui prennent le pouvoir en Chine (1er octobre 1949), constitue une menace pour le Japon. La sécurité du Japon est assurée par les États-Unis (traité de sécurité signé le 8 septembre 1951), qui y gardent des bases militaires. Très tôt, néanmoins, pressé par son allié, le PLD considère que l'article 9 autorise le Japon à se défendre : des forces d'autodéfense (FAD) sont créées en 1954.
L'opposition virulente de la gauche force le PLD à fixer à celles-ci des limitations strictes : budget militaire limité à 1 % du PNB, pas d'arme nucléaire, pas d'exportation d'armements ni d'utilisation militaire de l'espace. Mais ces limitations, qui ne procèdent que de déclarations gouvernementales, peuvent être facilement levées en droit. Par ailleurs, pour que les FAD demeurent « défensives », en accord avec la Constitution, elles sont privées de capacité de projection (porte-avions, bombardiers lourds, missiles balistiques), rendant le Japon dépendant des États-Unis pour la défense de ses communications et la dissuasion nucléaire.
En 2000, les États-Unis avaient 21 000 hommes et 130 avions de combat basés dans l'archipel, sans compter les forces embarquées sur la VIIe flotte, qui utilise les ports japonais. À la même date, les FAD comptaient 262 000 hommes, 1 050 chars, 680 véhicules blindés, 446 hélicoptères, 378 avions et 142 bâtiments de combat, constituant ainsi les forces conventionnelles les plus puissantes et les plus modernes d'Asie. Le budget militaire du Japon est le deuxième du monde depuis la fin de la guerre froide.
Le PLD a rompu avec l'interprétation traditionnelle de l'article 9 qui limitait leur mission à la défense du territoire de l'archipel et de ses eaux territoriales. Il soutient désormais que cet article autorise les FAD à participer aux missions de maintien de la paix de l'ONU : une loi en ce sens, la loi PKO (Peace Keeping Operation), a été votée en 1992, et des Casques bleus japonais ont été envoyés sur divers théâtres d'opérations (Cambodge, Rwanda, Timor oriental, Soudan depuis 2012). Un pas supplémentaire a été franchi en 1996, quand le traité de sécurité a été réexaminé pour permettre une coopération active des FAD avec les forces américaines en cas de crise régionale – mais uniquement dans un rôle de soutien logistique non combattant, et même « sans lien direct avec aucune action de combat ».
Enfin, au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, la Diète vote une « loi antiterroriste » qui étend la possibilité d'apporter un tel soutien non combattant aux opérations d'une coalition internationale approuvée par l'ONU en n'importe quel point du globe. Pour pouvoir mener à bien de telles opérations, les forces japonaises ont commencé à se doter des capacités de projection dont elles étaient dépourvues jusqu'à présent.
Par la suite, à l’initiative du gouvernement d’Abe Shinzo, l’article 9 sera de nouveau réinterprété lors de la révision des lois sur la défense et la sécurité nationale en 2015-2016 qui étendent le champ d’action des FAD, tandis que l’organisation d’un référendum, nécessaire pour réviser la constitution pacifiste du Japon, reste d’actualité après la nouvelle victoire du PLD en octobre 2017 et la confirmation d’Abe Shinzo à la tête du parti en septembre 2018.
Le contentieux matériel et moral
Le souvenir de la colonisation et des atrocités japonaises hante la mémoire collective des Asiatiques. Les dommages de guerre négociés par Tokyo avec les pays voisins dans les années 1950 – pour solde de tous comptes et à l'exclusion de tout paiement aux victimes à titre individuel – ont été peu conséquents : le Japon a payé quarante fois moins que l'Allemagne. Le PLD a toujours refusé que le gouvernement présente des excuses officielles. Beaucoup de ses responsables défendent une thèse qui impute la responsabilité de la guerre aux Occidentaux et insiste sur ses aspects positifs tels que l'élimination du colonialisme. Il a fallu l'éclipse du PLD (1993) pour qu'un Premier ministre, Hosokawa Morihiro, prononce les mots tabous de « guerre d'agression » (août 1993).
Ainsi, la rancune toujours vivace en Asie, surtout en Chine et en Corée, entrave toute prétention du Japon au leadership régional. Par ailleurs, les insuffisances du traité de San Francisco (8 septembre 1951) entre le Japon, les États-Unis et 49 pays se font sentir : la Corée et la Chine en étant absentes et l'URSS ayant refusé de le signer, Tokyo ne fera la paix avec Séoul et Pékin respectivement qu'en 1965 et en 1978, tandis qu'en 1998, Moscou et Tokyo n'avaient toujours pas conclu d'accord officiel. De plus, le traité de San Francisco a laissé sans solution trois contentieux territoriaux qui nourrissent toujours des tensions : l'un avec la Russie (îles Kouriles) ; un autre avec la Corée (île Tokto [en japonais Takeshima]) ; le troisième avec la Chine (îles Senkaku [Diaoyu pour les Chinois]) sous administration japonaise mais revendiquées par la Chine ainsi que par Taïwan).
En 1998, Obuchi Keizo fait un pas en avant en présentant des excuses solennelles à la Corée du Sud, mais il les refuse peu après à la Chine. En 2000, l'approbation donnée par le ministère de l'Éducation à un manuel d'histoire, qui présente sous un jour favorable les guerres coloniales menées par le Japon entre 1875 et 1945 et qui élude ou nie les atrocités commises à cette occasion, ravive les tensions.
4.2. Le Japon dans le monde
La guerre froide
De 1945 à 1952, le Japon dépend totalement des États-Unis pour sa sécurité et sa reconstruction économique. Mais Washington a besoin de ce « porte-avions incoulable » pour combattre le communisme en Asie. Tokyo en profite pour faire tolérer par les Américains ses pratiques protectionnistes et l'amnistie des politiciens purgés, mais il ne peut pas les empêcher de conserver l'administration d'Okinawa et de l'archipel des Bonin, même après 1952.
À partir de 1952, le Japon, porté par sa croissance économique, revient sur la scène internationale : accords sur les dommages de guerre avec les pays d'Asie du Sud-Est (1952-1958), rétablissement des relations diplomatiques avec l'URSS et entrée à l'ONU (1956), contacts multiformes avec Pékin (mémorandum sur le développement des échanges, 1962), accords commerciaux avec les pays européens préparant l'entrée à l'OCDE (1964), traité de paix avec la Corée (1965), tournée asiatique du Premier ministre Sato (1967).
En 1968, le Japon devient la deuxième puissance économique du monde libre (→ Activités économiques du Japon).
En 1971, l'empereur Hirohito se rend en visite officielle en Europe. La relation avec les États-Unis est rééquilibrée par la renégociation (1960) du traité de sécurité, l'obtention d'un premier excédent commercial (1965) et la restitution des Bonin, puis d'Okinawa (accord de 1969).
Mais en 1972-1973, le président américain, Richard Nixon, se désengage du bourbier vietnamien et se rapproche de Pékin, sans consulter Tokyo. Pour réduire le déficit commercial américain, il impose au Japon et à l'Europe la fin du système de Bretton Woods et oblige Tokyo à concéder les premiers accords de limitation « volontaire » des exportations. Cette attitude brutale et le premier choc pétrolier amènent Tokyo à se démarquer un peu de Washington en reconnaissant avant lui la Chine populaire (1972) et en adoptant une ligne pro-arabe au Proche-Orient.
Dans les années 1970, la poussée communiste à sa porte (chute du Viêt Nam en 1975) et les tensions au Proche-Orient, d'où provient son pétrole (deuxième choc pétrolier, 1979), entraînent le Japon dans une « diplomatie tous azimuts ». Celui-ci courtise les pays producteurs de pétrole les moins liés aux États-Unis (Iran, Iraq), esquisse avec Moscou des projets de mise en valeur de la Sibérie, signe avec Pékin un traité d'amitié et d'énormes contrats commerciaux (1978), et se dote d'une politique pour l'Asie du Sud-Est (doctrine Fukuda, 1977) axée sur un ambitieux programme d'aide au développement. Le Japon, bien qu'il préfère de beaucoup le cadre des relations bilatérales entre États, commence à accepter de négocier avec la Communauté européenne.
La « deuxième guerre froide » (invasion de l'Afghanistan par l'URSS en 1979) se traduit par le renforcement des forces soviétiques en Extrême-Orient (Kouriles comprises) et de graves incidents (en 1983, plus de 200 Japonais trouvent la mort dans un Boeing sud-coréen abattu par l'URSS). Les relations se tendent aussi avec la Chine, dont les luttes politiques internes rendent la diplomatie imprévisible. En Occident, les conflits commerciaux engendrent une hostilité inquiétante envers le Japon. La mise en place du marché unique fait craindre la création d'une Europe protectionniste. Le Japon réagit en réaffirmant sa solidarité avec le camp occidental (coopération technologique militaire avec les États-Unis ; aide au Pakistan et à la Turquie, menacés par la poussée soviétique en Afghanistan).
Pour calmer le jeu, il promeut la concertation tous azimuts. Il pousse à la création en 1989 de l'APEC (Asia Pacific Economic Cooperation) pour la concertation transpacifique et noue un dialogue politique avec l'Union européenne (consultations ministérielles régulières ; déclaration de La Haye, 1991). Il développe le concept de « sécurité globale », dans lequel l'aspect militaro-diplomatique est inséparable du développement économique et de la confiance mutuelle. Nakasone Yasuhiro (1982-1987) lance une grande campagne d'« internationalisation », pour mieux acclimater les Japonais au monde (apprentissage des langues, échanges de personnes, jumelages). Mais apparaît simultanément un courant néonationaliste, qui veut refaire du pays une puissance politique et militaire et qui entretient la polémique avec l'Occident.
Pour en savoir plus, voir l'article guerre froide.
La persistance des tensions après la guerre froide
La fin de la guerre froide, en 1989, détériore la relation du Japon avec les États-Unis. Ceux-ci ont désormais moins besoin de l'Archipel au plan militaire et peuvent redoubler leurs pressions pour l'obliger à ouvrir son économie, quitte à le déstabiliser. La Chine connaît une croissance spectaculaire et réaffirme ses ambitions d'hégémonie régionale. Avec les pays émergents d'Asie, elle s'oppose aux prétentions de Washington d'imposer la démocratie et la loi du marché à la région.
Pour sa part, le Japon est en crise économique et politique ; l'indigence de sa diplomatie pendant la guerre du Golfe nuit à sa crédibilité. Il esquisse un rapprochement avec Pékin (très importante aide au développement ; levée rapide des sanctions après le massacre de Tian'anmen, visite officielle de l'empereur Akihito en 1992).
Mais la montée des tensions en Asie (crise nucléaire en Corée du Nord, en 1994, manœuvres militaires chinoises dans le détroit de Taïwan, en 1995-1996) le pousse à resserrer son alliance militaire avec les États-Unis, en élargissant le champ d'action du traité de sécurité à toutes les crises qui pourraient survenir dans un « environnement régional », dont les limites ne sont pas précisées.
La crise qui affaiblit les économies asiatiques en 1997, la montée en puissance de la Chine ainsi que le renforcement de « l'hyperpuissance » américaine après les attentats du 11 septembre 2001 accroissent le rôle déterminant de ce qui reste depuis 1945 pour le Japon « la relation bilatérale la plus importante du monde ».
L'engagement nippon en Iraq (déploiement des FAD dans le Sud-Est du pays de 2004 à 2006) témoigne, par ailleurs, de la volonté d'une refonte de sa politique militaire, jusque-là exclusivement défensive, mais également d'une volonté de s'imposer comme le partenaire naturel de l'Europe en Asie.
Arrivée au pouvoir en septembre 2009, la coalition de Hatoyama Yukio entend placer le pays dans un rapport de partenariat et non plus de dépendance vis-à-vis des États-Unis. Mais l'échec de la tentative de déplacement de la base américaine de Futenma dans l'archipel d'Okinawa contre l'avis de la population, irrite Washington et entraîne la chute du cabinet Hatoyama (juin 2010).
En dépit de la visite de Koizumi Junichiro à Pyongyang en septembre 2002, qui constitue une étape importante vers la normalisation entre le Japon et la Corée du Nord, celle-ci reste tributaire d'une série de contentieux (le sort des 11 Japonais qui auraient été enlevés par des agents nord-coréens au cours des années 1970-1980, le montant des réparations de guerre pour l'occupation de la péninsule coréenne de 1910 et 1945) mais surtout de la poursuite du programme nucléaire nord-coréen.
Alors que la Chine est devenue son premier partenaire commercial devant les États-Unis, ses revendications territoriales et maritimes ne cessent d’inquiéter le Japon. En 2004, Tokyo s'associe à Washington pour soutenir Taïwan face aux menaces de Pékin, préoccupation potentielle en matière de sécurité alors que la tension monte d’un cran en mer de Chine orientale dont la délimitation des zones économiques exclusives respectives – avec pour enjeu la prospection et l’exploitation des gisements d’hydrocarbures – sont disputées par les deux États. La candidature du Japon à un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies envenime par ailleurs ces relations. Toutefois, amorcé en 2006 par Abe Shinzo, le réchauffement des relations sino-japonaises se poursuit en 2007, année marquée par la visite historique du Premier ministre chinois Wen Jiabao et, sous le gouvernement d'Aso Taro, avec l'organisation à Fukuaka du premier sommet trilatéral Chine-Japon-Corée du Sud (décembre 2008). Cette rencontre pose ainsi les bases d’une coopération renforcée (via des réunions annuelles) en vue de la création d’une zone de libre-échange dont la première concrétisation est la signature d’un accord sur l’investissement en mai 2012.
Mais la persistance du contentieux concernant la souveraineté sur les îles Senkaku/Diaoyu ravive une fois de plus les tensions entre Pékin et Tokyo dès septembre : la décision du gouvernement nippon de racheter trois îlots de l’archipel à leurs propriétaires suscite d’importantes manifestations antijaponaises en Chine. Au-delà de la fièvre nationaliste qui se réveille alors dans les deux pays, cette crise soulève de nouveau la question, toujours pendante, de l’exploitation commune des ressources de cet espace maritime, un principe affirmé dans un accord signé en juin 2008. La victoire en décembre du PLD et le succès du parti de la Restauration japonaise entraînent une réaction prompte de Pékin qui met en garde contre une nouvelle surenchère nationaliste.
Les deux États s’emploient toutefois à aplanir ces différends. C’est dans un contexte de tensions commerciales entre la Chine et les États-Unis (dont pourraient également pâtir les intérêts commerciaux du Japon) qu’Abe Shinzo se rend à Pékin, en octobre 2018, pour renouer des liens mis à mal par la crise de 2012, un sommet officiellement présenté comme le signe d’un nouveau réchauffement. Une relance des négociations en vue de l’application de l’accord de 2008 sur la mer de Chine orientale est notamment prévue.
Pour en savoir plus, voir l'article Japon.