Assemblée constituante
Nom donné à quatre Assemblées nationales françaises qui ont siégé de 1789 à 1791, en 1848, puis sous la IVe République, de 1945 à 1946 et en 1946.
1. L'Assemblée nationale constituante (1789-1791)
L'Assemblée nationale constituante de 1789 est née des états généraux convoqués à Versailles le 5 mai 1789 par Louis XVI. Les états étaient, selon le droit public de l'ancienne monarchie, des « plaignants, remontrants et, s'il plaît au roi, des proposants », porteurs des cahiers de doléances. Ils n'avaient aucun pouvoir propre, étaient convoqués, ajournés ou dissous selon la volonté du roi, qui réglait leur composition et leur ordre du jour.
1.1. La naissance de la Constituante
Dès le 11 mai 1789, alors que les délibérations des états généraux étaient au point mort depuis le 6 mai, le tiers état décida de vérifier les pouvoirs de l'ensemble des députés des trois ordres et se réunit seul sous le nom de Communes. Le 12 juin, il adressa une ultime invitation aux deux autres ordres afin qu'ils se joignent à lui pour vérifier en commun les mandats ; quelques curés répondirent à l'appel le 13. Le 17 juin, par 490 voix contre 90, les Communes décidèrent de se constituer en Assemblée nationale. Le 19 juin, le clergé se réunit au tiers.
Dès le 17 juin, l'Assemblée avait décidé que les impôts ne seraient plus perçus le jour où elle serait forcée de se séparer. En outre, elle dénia au roi le droit d'exercer son veto sur ses décisions présentes et à venir.
Mais le roi et la noblesse intransigeante cherchèrent à empêcher l'Assemblée de se réunir. Elle trouva refuge le 20 dans la salle du Jeu de paume, à Versailles, et prononça le serment du Jeu de paume. Le 23, le roi tenta de disperser l'Assemblée ; le 27, il invita enfin le clergé et la noblesse à se réunir au tiers, afin de « protéger sa personne », mais il accumula les maladresses et dut, après la prise de la Bastille, se rendre à l'Assemblée nationale, où il annonça le renvoi des troupes qui stationnaient à Paris.
L'Assemblée nationale, qui s'était proclamée « constituante » le 9 juillet, commença à gouverner la France et à préparer une Constitution. Ces transformations révolutionnaires ne s'étaient pas faites à l'unanimité des députés élus. Les députés n'étaient pas organisés par groupes parlementaires, mais des tendances les divisaient, de même que leurs origines différentes. Le tiers état avait fourni des bourgeois, souvent avocats ou juges, hostiles aux privilèges du clergé et de la noblesse mais incertains sur les réformes à entreprendre. Les élus de la noblesse étaient en général dévoués à l'autorité royale et désireux de conserver l'existence propre de leur ordre. Quant aux représentants du clergé, il s'agissait surtout de curés, proches du tiers état.
1.2. La première assemblée politique
Ces hommes n'avaient aucune expérience politique car la Constituante était la première assemblée de ce type en France depuis les états généraux de 1614. Les députés aimaient l'éloquence, s'épuisant parfois en discours interminables, sans que l'on puisse cependant leur reprocher un travail législatif insuffisant.
Les divisions politiques
Dans les débats, aux « aristocrates » s'opposaient les « patriotes » (la grande majorité). Mais les « patriotes » étaient eux-mêmes très divisés et le furent de plus en plus à mesure que la Révolution précipita sa marche.
On distingua les monarchiens, royalistes modérés effrayés du désordre naissant et que Mirabeau rejoignit en 1790, des constitutionnels avec Bailly et La Fayette, le maire de Paris et le chef de la garde nationale parisienne depuis le 14 juillet 1789. Ces constitutionnels dominèrent l'Assemblée.
La nuit du 4 août : l'abolition des privilèges
Pour calmer les paysans en proie à la Grande Peur, l'Assemblée décréta dans une extraordinaire atmosphère d'exaltation, le 4 août 1789, le rachat des droits féodaux (seuls la dîme et les droits féodaux honorifiques étaient abolis gratuitement). Sur sa lancée, elle abolit les corporations, supprima tous les privilèges des individus, des corps et des provinces. En une nuit, l'ancienne société avait péri et de nombreuses lois particulières ne firent que le préciser par la suite (nuit du 4 août).
1.3. Les premières mesures législatives
Le 26 août 1789, l'Assemblée vota la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen en préface à la future Constitution. Le 11 septembre, l'Assemblée accorde au roi un droit de veto, qui ne peut cependant s'appliquer ni aux lois constitutionnelles, ni aux lois fiscales.
En octobre 1789, elle suivit le roi à Paris et s'installa dans l'ancien manège du palais des Tuileries. Les députés les plus modérés se groupèrent à la droite du président tandis que leurs collègues les plus révolutionnaires se placèrent à sa gauche. C'est l'origine du sens politique des mots « gauche » et « droite ».
Le 2 novembre 1789, l'Assemblée décréta la « mise à la disposition de la nation » des biens du clergé et inventa la politique monétaire des assignats, papier-monnaie gagé sur les biens du clergé. Les protestants, le 24 décembre 1789, puis les juifs, le 28 janvier 1790, sont admis au droit de cité.
Ce fut le début d'une œuvre législative accomplie dans le tumulte et l'agitation. L'Assemblée était soumise aux pressions des clubs politiques et du peuple parisien présent et manifestant dans les tribunes ; elle était assaillie de pétitions que l'on venait lui présenter dans la salle des séances. Elle fit face en 1791 à la fuite du roi à Varennes et le suspendit de ses fonctions du 25 juin au 14 septembre 1791. Mais, profondément monarchique encore, craignant les nouvelles tendances républicaines et démocratiques, la majorité refusa de le traduire en jugement et l'on avalisa la fiction de son enlèvement malgré lui.
2. L'œuvre de la première Constituante
2.1. La Constitution de 1791
Cette Constitution, la première Constitution écrite de la France, n'a été appliquée qu'un peu moins de un an. Mais son importance politique est considérable car elle est restée la source de toute une tradition constitutionnelle française : celle de la souveraineté nationale incarnée par une Assemblée omnipotente. L'Assemblée nationale législative exerçait seule le pouvoir législatif dans son entier et en toute indépendance. Elle siégeait en permanence, et le roi ne pouvait ni l'ajourner, ni la dissoudre ; seuls les représentants pouvaient déposer un projet de loi, le roi ne conservant qu'un veto suspensif. Le souverain, « par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle de l'État, roi des Français », et ce depuis le 10 octobre 1789, n'était plus que le délégué de la nation. Ses ministres, qu'il nommait et révoquait mais qu'il devait choisir en dehors de l'Assemblée, devaient rendre compte de leur administration à la Législative.
2.2. Le mode électoral
Deux pouvoirs se faisaient face, rigoureusement isolés l'un de l'autre, avec l'avantage à l'Assemblée législative, élue au suffrage censitaire indirect (cens).
Pour être citoyen actif, électeur au premier degré, il fallait payer une contribution directe au moins égale à trois journées de travail ; cela représentait 4 300 000 personnes. Les électeurs du second degré étaient élus parmi les citoyens actifs payant une contribution égale à dix journées de travail ou plus. Ce sont ces derniers qui élisaient les députés, lesquels devaient payer une contribution directe au moins égale à un marc d'argent et posséder en outre une propriété foncière. Ainsi, l'aristocratie de fortune remplaçait l'aristocratie de naissance.
2.3. La nouvelle organisation territoriale
L'Assemblée organisa une nouvelle division territoriale en départements, districts, cantons et communes. Elle pratiqua une décentralisation très poussée : tous les fonctionnaires furent remplacés par des élus locaux à tous les échelons de l'Administration. C'était anéantir des siècles de centralisation monarchique. Les juges furent de même élus comme les receveurs chargés de lever les nouveaux impôts que l'Assemblée créa.
Ainsi, le pouvoir exécutif n'avait aucune autorité sur ses agents. L'armée demeurait le seul corps de l'État dont le roi nommait les chefs ; mais la Garde nationale élisait ses officiers.
2.4. Le décret Le Chapelier et la Constitution civile du clergé
Dans le domaine économique, la Constituante, après avoir aboli les entraves à la liberté du commerce et de l'industrie, prohiba par le décret Le Chapelier – nom de son initiateur – les coalitions ouvrières, disposition appliquée jusqu'en 1884.
Dans le domaine religieux, elle vota et appliqua la Constitution civile du clergé. Ce fut la partie sans doute la plus contestée de son œuvre ; une œuvre qu'elle couronna par un acte unique de désintéressement : sur proposition de Robespierre, elle déclara ses membres inéligibles à l'Assemblée législative.
L'Assemblée se sépara le 30 septembre 1791, après que Louis XVI eut juré solennellement devant elle de respecter la Constitution votée le 3 septembre, et après avoir voté une amnistie générale pour toutes les personnes condamnées pour faits d'émeute à partir de 1788.
Pour en savoir plus, voir l'article Révolution française.
3. Les autres Constituantes
3.1. L'Assemblée de 1848
L'Assemblée nationale constituante de 1848 fut convoquée par le gouvernement provisoire issu de la révolution de février. Élue au suffrage universel masculin, elle se réunit le 4 mai 1848 et compta, sur 880 représentants, une majorité de républicains modérés contre des minorités socialistes et monarchistes. L'Assemblée confia le pouvoir à une commission exécutive présidée par Lamartine ; puis après l'émeute du 15 mai – des manifestants envahirent la salle de séances – et les journées de juin, elle confia la dictature au général Cavaignac. Elle vota le 4 novembre 1848 une Constitution assez proche de celle de 1791 avec une Assemblée unique et un président élu au suffrage « universel » (les femmes sont toujours exclues), et disposant d'une Administration très centralisée, ce qui assurait dans les faits sa prépondérance et permit le coup d'État du 2 décembre 1851 par Louis Napoléon.
3.2. Les Constituantes de la IVe République
La première, élue le 21 octobre 1945, élabora un projet de Constitution qui fut refusé par le référendum du 5 mai 1946. Elle siégea du 6 novembre 1945 au 26 avril 1946.
La seconde, élue le 2 juin 1946, prépara la Constitution de la IVe République, adoptée, malgré le refus du général de Gaulle, par le référendum du 13 octobre 1946. Elle organisait un régime d'Assemblée avec un gouvernement étroitement dépendant des députés, et un président de la République sans pouvoirs.
Pour en savoir plus, voir l'article IVe République.