Afrique : histoire
Introduction
L'Afrique est avant tout une réalité géographique, et son histoire s'imbrique avec celle d'autres régions et d'autres aires culturelles. Les recherches récentes ont mis en évidence quelques caractéristiques essentielles de son évolution : la dynamique historique des sociétés africaines, l'existence de fortes relations commerciales et culturelles à l'intérieur du continent et vers le monde extérieur, l'échange inégal avec l'Europe.
L'indépendance, intervenue pour la plupart des pays dans les années 1960, n'a donné naissance ni à des régimes stables ni à de véritables démocraties. Au contraire, guerres civiles et coups d'État se sont succédé à un rythme inquiétant. Depuis la fin des années 1980, cependant, l’Afrique connaît des transformations politiques et socio-économiques profondes. La plupart des guerres civiles ont pris fin, la démocratisation, bien que chaotique, est portée par des sociétés civiles dynamiques et, en dépit de la persistance de la pauvreté et d’inégalités sociales profondes, certains États, convertis à la « bonne gouvernance », retrouvent la croissance.
1. Nouvelles perspectives de l'histoire africaine
1.1. Une étude historique récente
L'étude historique du continent africain, considéré dans son ensemble, est relativement récente. D'abord cantonnée à quelques régions (Égypte, Maghreb) et divisée entre différentes spécialités (égyptologie, orientalisme, islamologie…), l'histoire de l'Afrique, intégrant l'ensemble des sociétés connues au nord et au sud du Sahara, débute véritablement comme science dans les années 1960, après les indépendances africaines : le Journal of African History, principale revue anglo-saxonne sur l'histoire de l'Afrique, est fondé en 1960, et le projet d'une histoire générale du continent, parrainée par l'Unesco, commence à être réalisé au début des années 1970. Préhistoriens et historiens ont ainsi peu à peu mis au jour la remarquable profondeur chronologique des sociétés humaines en Afrique, et leur diversité d'organisation dans le temps et dans l'espace.
Les sources de l'histoire africaine ne sont pas fondamentalement différentes de celles que l'historien a l'habitude d'utiliser pour d'autres régions et les études africanistes se sont multipliées, suscitant parfois des débats dépassant le cadre de la recherche strictement historiographique comme en témoigne le développement de l’école dite « post-coloniale ».
1.2. Diversité des sources
Avec la découverte des plus anciens restes d'hominidés connus (australopithèques et Homo habilis) dans les gisements de l'Afrique orientale ( Omo, Oldoway) et australe (Sterkfontein, Swartkrans), la préhistoire a fait de cette région un véritable laboratoire pour étudier et comprendre l'hominisation. À mesure que se multiplient les recherches et les révélations paléontologiques, le débat sur l’origine africaine de l’humanité se poursuit aujourd’hui.
Si l'étude et la critique des traditions orales constituent un domaine particulièrement développé par les études africaines, l'Afrique n'est pas, loin s'en faut, un continent sans écriture : les sources écrites autochtones sont nombreuses, à commencer par les écrits en langue égyptienne dont les différentes formes (hiéroglyphique, démotique, copte) offrent une profondeur temporelle remarquable (plus de trois millénaires et demi).
D'autres systèmes d'écriture se sont développés, comme l'alphabet tifinagh, à partir du ier siècle, qui a servi à noter la langue berbère, ou le syllabaire éthiopien, qui s'est fixé, dans une forme encore utilisée de nos jours, vers le ive siècle ; ailleurs, on a emprunté des systèmes extérieurs (l'alphabet arabe par exemple) pour transcrire des langues africaines ou pour composer des textes en arabe, comme l'ont fait ces lettrés des villes de la boucle du Niger (Tombouctou, Gao, Djenné) qui ont rédigé ouvrages pieux et chroniques historiques aux xvie et xviie siècles.
Sources écrites, internes ou externes, sources orales, témoins archéologiques, enquêtes linguistiques et anthropologiques ont été mis à profit par la critique historique à partir des années 1960-1970 pour renverser bien des perspectives anciennes.
2. Un développement endogène
Les recherches historiques ont révélé les dynamiques des sociétés africaines, détruisant cette vieille idée qui attribuait le développement de sociétés organisées sur le continent africain à des influences venues de l'extérieur. Il s'agit maintenant pour l'historien d'essayer de comprendre les conditions d'émergence des sociétés africaines depuis le néolithique, d'analyser leur façon de réagir aux changements climatiques, économiques, sociaux.
La prise en compte de l'histoire des peuples libyco-berbères a renouvelé notre compréhension de l'Afrique du Nord des périodes punique (ixe-iie sicèle avant J.-C.) et romaine (iie siècle avant J.-C.-ive siècle après J.-C.), jusqu'à la conquête arabo-musulmane (viiie siècle), et l'essor des grandes dynasties berbéro-andalouses ( Almoravides, Almohades) sans oublier la résistance culturelles des Berbères à l'arabisation.
De son côté, l'égyptologie a pu insister sur la dimension africaine de l'Égypte pharaonique et s'intéresser à ses relations anciennes avec les régions nubiennes.
Quant à l'Afrique noire, plus personne ne soutient aujourd'hui l'hypothèse d'une origine non africaine des spectaculaires ruines en pierre de Zimbabwe, qui apparaissent seulement comme la partie la plus visible d'un ensemble de vestiges témoignant de la croissance d'un État puissant, sur le haut plateau du Sud-Est africain, de la fin du xiiie siècle au xve siècle. De même, on sait que, face à l'arrivée européenne et au développement de la traite négrière, certains États côtiers du golfe de Guinée ( Bénin, Dahomey, Ashanti et Oyo) ont su, aux xviie et xviiie siècles, mettre au point des stratégies politiques et commerciales pour s'imposer comme des partenaires actifs et des intermédiaires obligés des traitants européens.
3. La diversité des formes étatiques
3.1. Le royaume d'Aksoum
L'Afrique ancienne est riche de formations territoriales et étatiques qui ont semblé proches, au premier abord, de celles qui existaient dans d'autres parties du monde à l'époque antique ou médiévale. C'est le cas, pour la période antique, du royaume d'Aksoum qui s'est développé au début de notre ère autour d'un port sur la mer Rouge, Adulis, et d'une capitale, Aksoum (dans le nord de l'Éthiopie actuelle). Les rois d'Aksoum ont mené une active politique de conquête territoriale, contrôlé une partie du commerce maritime passant par la mer Rouge et encouragé, à partir du ive siècle, le développement du christianisme et de sa culture.
3.2. Les « royaumes du Sahel »
À l'époque « médiévale » (entre le viiie et le xvie siècle) est apparue dans la région sahélienne, entre le fleuve Sénégal (royaume du Jolof) et le lac Tchad (Kanem-Bornou), une série d'États engagés dans le commerce avec les États musulmans du nord du Sahara : ces « royaumes du Sahel », qui ont développé une civilisation urbaine, une société de cour et une stratification sociale élaborée, ne sont ni des créations de l'islam ni des formations similaires à celles que connaissait au même moment l'Europe médiévale.
C’est ainsi que dans l’ouest africain, se développent et se succèdent en partie :
– l'empire soninké du Ghana (menacé par celui du Tekrour aux ixe-xe siècles fondé par des Peuls puis converti à l’islam) ;
– l’empire mandingue du Mali (xiiie-xve siècles), issu d’une vaste conquête de Soundiata Keita entre l’Atlantique et la boucle du Niger ;
– l’Empire songhaï, fondé au viie siècle, islamisé au début du xie siècle, s’imposant aux dépens de celui du Mali mais contraint à céder face aux Sadiens du Maroc à la fin du xvie siècle.
Plus au sud, le royaume du Kongo est à son apogée à la fin du xve siècle lorsque les Portugais établissent avec lui les premiers contacts, tandis que dans l’est de l’Afrique australe, se forme l'empire du Monomotapa (xve siècle) après l’effacement de Zimbabwe, avant d’entrer à son tour en décadence au xviie siècle.
Du xvie au xviiie siècle, d’autres États apparaissent encore dans une grande partie de l’Afrique : alors que l’émiettement succède aux empires dans la région du Sahel et dans celle des Grands lacs, une agglomération de clans donne naissance à plusieurs royaumes comme ceux du Bunyoro, du Buganda ou de Nkore ; dans le nord du Katanga, se constituent le royaume Luba et, à l’ouest de ce dernier, l’empire Lunda.
En Afrique australe, le royaume zoulou, né en 1816, est au faîte de sa puissance lorsque les Britanniques en viennent à bout en 1879 ; à Madagascar, le royaume Merina s’affirme à partir du xviiie siècle avant l’annexion de l’île par les Français en 1896.
Comprendre ces dynamiques politiques demande une réflexion sur la vaste gamme des pouvoirs qui existait alors dans les sociétés africaines, depuis la dilution de l'autorité politique dans ces sociétés lignagères que l'anthropologie avait cru, bien à tort, pouvoir figer dans une éternité codifiée par de rigides systèmes de parenté, jusqu'aux monarchies « sacrées » où le roi, élevé « au-dessus » des lignages, entouré d'interdits religieux, apparaissait comme le garant de l'harmonie entre le cosmos et la société, et était tenu pour responsable des bonnes récoltes, de l'abondance des pluies et de la prospérité du pays.
4. Un monde d'échanges
La dynamique historique de ces sociétés est illustrée également par les liens qui se sont tissés entre elles et qui les ont rapprochées d'autres régions. Rien ne serait plus faux que de concevoir les sociétés africaines repliées sur elles-mêmes, comme le prouve l'existence d'échanges sur de longues distances dans un continent où ni le Sahara, ni la grande forêt, ni les océans n’ont été des obstacles aux mouvements des hommes, des ressources, des idées et des techniques.
4.1. Le commerce transsaharien
Le plus connu de ce réseau de commerce à longue distance est celui qui, après l'élargissement du Sahara désertique, l'introduction du dromadaire originaire du Proche-Orient (peut-être au cours des iie et iiie siècles de notre ère), et l'émergence de pôles économiques complémentaires au nord et au sud du Sahara, a joint pendant plus d'un millénaire, surtout à partir du ixe siècle, de manière régulière, les deux rives du grand désert.
Le long de pistes organisées, qui ont évolué au rythme de l'histoire des formations politiques qui en contrôlaient les points de départ et d'arrivée, mais qui comprenaient globalement trois axes (le premier, occidental, du sud du Maroc à l'empire du Ghana ; le deuxième, central, du Sud algérien vers la boucle du Niger ; le troisième, du Fezzan aux royaumes riverains du lac Tchad), de vastes caravanes conduites par des intermédiaires nomades sahariens allaient chercher les produits du Sud, l'or au premier chef, en échange de diverses marchandises, dont le sel saharien. C'est par ce biais que l'islam a pénétré dans les sociétés sahéliennes, sans détruire pour autant les religions locales.
Plus au sud, entre les villes de la zone sahélienne et les régions productrices d'or ou de noix de cola, un dense réseau de pistes s'est formé, en particulier à l'époque de l'hégémonie de l'empire du Mali. Il était parcouru par des marchands soudanais musulmans de langue malinké (que les Arabo-Berbères ont appelés Wangaras, puis que l'on a désignés par le nom de Dioulas), des commerçants qui ont diffusé dans les sociétés guinéennes les valeurs culturelles des royaumes islamisés du Sahel.
4.2. L'ouverture sur l'océan Indien
Le symbole de l'ouverture de la façade est-africaine sur l'océan Indien est le peuplement de la Grande Île (Madagascar) par l'arrivée d'Indonésiens et de populations bantouphones du continent à partir des ve-viiie siècle.
Déjà, pendant la période pharaonique, puis à l'époque grecque et romaine, le littoral de la mer Rouge et le nord de la côte orientale de l'Afrique (la Somalie actuelle) étaient intégrés dans des circuits commerciaux aboutissant en Méditerranée. À partir des ixe et xe siècles, sous l'impulsion de commerçants arabo-musulmans, des villes-comptoirs se sont développées sur la côte orientale pour s'épanouir aux xiie et xiiie siècles, depuis Muqdisho jusqu'à Kilwa.
Dirigées par des élites où se mêlaient les anciens maîtres de la côte et les nouveaux arrivants venus du sud de l'Arabie ou du golfe Persique, ces cités-États, creusets de la civilisation swahilie, participaient à un commerce de dimension mondiale en alimentant en produits côtiers ou venus de l'intérieur du continent les navires arabo-musulmans qui faisaient communiquer des pays riverains de l'océan Indien, comme l'Inde et le monde méditerranéen.
Échanges transsahariens et commerce à travers l'océan Indien montrent que, particulièrement entre le xiie et le xvie siècle, l'Afrique n'était pas isolée du reste du monde.
5. La mainmise européenne
L'histoire des contacts avec l'Europe doit être située dans ce contexte plus large. Mais elle a ceci de particulier qu'elle a débouché sur une domination économique, dont la traite a été le terrible emblème, puis sur une domination politique, avec la colonisation. Elle s'est accompagnée d'un double préjugé envers les sociétés africaines : méconnaissance et crainte de l'islam d'une part, racisme envers les Noirs d'Afrique d'autre part, qui expliquent en partie pourquoi le monde africain, si proche de l'Europe méditerranéenne, est resté aussi longtemps ignoré, voire méprisé.
La carte décrivant les voyages arabes et européens en Afrique montre trois grandes phases dans l'exploration du continent.
5.1. Premiers voyages arabes et européens
Jusqu'au xve siècle, la connaissance de l'Afrique par les géographes et les voyageurs occidentaux reste très fragmentaire. Voyageurs, comme Marco Polo de retour de son voyage en Chine par l'océan Indien (xiiie siècle), ou pèlerins qui traversent l'Égypte pour se rendre à Jérusalem, doivent l'essentiel de leurs informations à leurs interlocuteurs arabophones, qui ont des contacts économiques et politiques anciens avec l'Afrique subsaharienne. Le monde arabo-musulman a en effet construit depuis les viiie et ixe siècles une véritable géographie des populations et des États de l'Afrique sahélienne, des côtes de la mer Rouge et de l'océan Indien, alimentée par les récits de voyageurs comme celui du fameux Ibn Battuta qui parcourt ces régions au xive siècle lors de ses grands voyages (rilha).
5.2. Exploration et conquête
Dans une deuxième phase d’exploration et de connaissance de l’Afrique, il revient aux navigateurs portugais d'avoir relevé l'ensemble des côtes du continent entre le milieu du xve et le début du xvie siècle : un nouveau monde s'ouvre alors à la connaissance et à la convoitise des Européens. Il ne s'agit plus d'initiatives individuelles d'aventuriers, mais de la mise en place par la couronne portugaise d'une véritable politique des découvertes qui culmine avec les voyages terrestres de Pêro da Covilhã et maritimes de Bartolomeu Dias (1487), puis avec le périple de Vasco de Gama (1497-1498).
Cependant, la thalassocratie portugaise se satisfait de la construction de quelques solides forts sur les côtes pour garantir sa suprématie maritime et commercer avec l'Afrique et, malgré quelques voyages de marchands ou de missionnaires, l'intérieur du continent reste très mal connu : pendant le xvie siècle, sur les cartes géographiques aux côtes si précises, il dérive le plus souvent des écrits d'un compilateur comme Léon l'Africain.
L'arrivée des Portugais est inséparable des débuts de la traite des esclaves, atlantique puis transatlantique. Certes l'esclavage existait antérieurement en Afrique, comme dans d'autres régions, et la traite vers les pays musulmans à travers le Sahara, la mer Rouge ou l'océan Indien a porté sur un trafic de grande envergure : on avance le chiffre de 9,5 millions d'Africains déportés.
Le système de la traite, mis en place par les Portugais au début du xvie siècle puis relayé par d'autres pays européens, atteint son apogée au milieu du xviiie siècle. Difficile à chiffrer avec précision, la ponction démographique de cette déportation massive est considérable : certains estiment que près de 10 millions d'Africains ont été emmenés de force vers les Amériques, d'autres de 15 à 20 millions. Lors du transfert, les mauvais traitements ont fait mourir plus de 10 % d'entre eux.
5.3. Découverte de l'intérieur du continent
Une troisième phase dans l'histoire de l'exploration de l'Afrique débute au milieu du xviiie siècle, avec le goût de l'époque des Lumières pour les grands voyages, la volonté politique des Anglais et des Français de connaître les sociétés de l'intérieur et les premiers effets d'une idéologie qui allait faire des ravages : apporter la « civilisation » en Afrique. Ce ne sont pas les difficultés du climat ou les risques sanitaires qui avaient freiné jusqu'alors ces voyages, mais plutôt l'existence de sociétés organisées, hostiles pour des raisons commerciales et religieuses à la venue des Européens, ou parfois encore minées par la violence liée à la traite.
Les premiers grands voyages de cette nouvelle ère sont ceux de James Bruce (1730-1794) en Éthiopie et de Mungo Park (1771-1806) au Soudan. À partir de ces deux pionniers et durant tout le xixe siècle, le voyage change de nature. Il devient une véritable expédition, soutenue par des sociétés savantes puis par les gouvernements, suivie par un public pour lequel on rédige livres et articles autour de quelques grands thèmes propres à enflammer son imagination : les sources du Niger (Mungo Park), Tombouctou (René Caillié), les sources du Nil (David Livingstone, John Hanning Speke, sir Richard Francis Burton).
À la fin du siècle, l'histoire de ces voyages se confond avec celle de la colonisation : l'explorateur passe des traités, cherche à gagner des territoires pour son pays et à devancer ses concurrents (rivalité entre Stanley et Brazza dans certaines régions du bassin du Congo). En une trentaine d'années, entre 1880 et 1914, la quasi-totalité du continent africain va être colonisée par les puissances européennes, à l'exception de deux États restés indépendants, l'Éthiopie de Ménélik et le Liberia, fondé au début du xixe siècle par des esclaves revenus des Amériques.
5.4. Les puissances coloniales
En 1880, à la veille de la conquête, la présence européenne est essentiellement côtière, même si les deux principales puissances coloniales, la France et le Royaume-Uni, ont commencé à mettre la main sur des zones intérieures du continent : la colonisation française de l'Algérie est réalisée pendant le second Empire, de même que le contrôle de la basse et moyenne vallée du Sénégal ; le Royaume-Uni domine l'Égypte et la Tripolitaine, et, dans le sillage des Hollandais au xvie siècle, amorce son expansion territoriale dans l'Afrique australe à partir de la colonie du Cap. Le Portugal possède les zones côtières de l'Angola et du Mozambique.
Aux côtés de la France, du Royaume-Uni et du Portugal, de nouveaux venus font leur apparition : la Belgique, l'Allemagne et l'Italie. Qui veut s'affirmer comme puissant sur la scène européenne se doit de posséder des colonies.
Pour l'Afrique – où certains royaumes (zoulou, Dahomey…) et souverains (Rabah, Samori Touré …) tentent en vain de résister au colonisateurs – s'ouvre un siècle d'une domination lourde de bouleversements : exploitation économique en faveur des puissances coloniales, apparition de nouveaux systèmes politiques coercitifs. Mais c'est aussi le temps des résistances et de la formation d'élites politiques qui entament, après 1945, le combat pour l'indépendance.
6. Les indépendances
En l'espace de six ans, de l'indépendance du Maroc et de la Tunisie (1956) à celles de l'Ouganda, du Rwanda et de l'Algérie (1962), plus de vingt-cinq pays africains sont devenus indépendants. Ce processus s'est poursuivi après cette date (Angola en 1975, Djibouti en 1977, Zimbabwe en 1980, Namibie en 1990, Érythrée en 1993). C'est dire, cependant, que la majorité de la population actuelle des pays africains n'a pas connu la période coloniale mais les régimes politiques qui sont nés depuis.
Il importe d'abord de souligner que les frontières héritées de la période coloniale – et entérinées par l'Organisation de l'unité africaine (OUA), dès sa fondation en 1963 par 31 pays indépendants – forment le cadre territorial des États actuels. Les tentatives d'union entre différents pays, prônées par les pères fondateurs de l'indépendance et chantres du panafricanisme ou par la Libye du colonel Kadhafi, ont tourné court, remplacées parfois par des essais de regroupements économiques régionaux.
En second lieu, des constantes politiques peuvent être relevées durant cette période dans certains pays africains : prédominance du parti unique, personnalisation du pouvoir et pratiques « clientélistes », fréquence des changements brutaux (coups d'État militaires), luttes constantes à l'intérieur des élites politiques, persistance des conflits régionaux. Ces phénomènes ne sont pas l'expression d'une « malédiction » qui pèse sur l'Afrique mais témoignent plutôt, dans un contexte défavorable de dépendance économique vis-à-vis des pays développés, de la difficile construction d'États-nations dans des sociétés où d'autres types de solidarité et de conscience communautaire existent.
Depuis le début des années 1990, tous les régimes mis en place lors de l'accession à l'indépendance sont entrés en crise : les générations nouvelles (45 % de la population africaine a moins de 15 ans) ne supportent plus la corruption des dirigeants et l'incapacité des bureaucraties à faire face aux pénuries alimentaires et à l'effondrement de l'économie.
Des transitions démocratiques plus ou moins réussies – des « modèles » d’alternance politique inaugurés au Bénin et au Ghana aux trajectoires beaucoup plus chaotiques que l’on observe en Côte d’Ivoire ou au Zimbabwe – ont ainsi lieu. Parallèlement, les richesses et les potentialités du continent suscitent l’intérêt croissant des puissances émergentes comme la Chine et, dans une moindre mesure, l’Inde et le Brésil, tandis que d’anciennes puissances coloniales telles que la France sont en voie d’être désormais supplantées par les États-Unis.
Toutefois, malgré la participation active des États africains à la vie des organisations internationales et en dépit de l'existence de nombreuses organisations propres à l'Afrique, la place des pays africains sur la scène diplomatique est assez marginale depuis la fin de la guerre froide, la disparition du bloc politico-économique centré sur l'Union soviétique, ainsi que le déplacement de l'axe de l'économie mondiale vers le Pacifique.