Amedeo Modigliani
Peintre et sculpteur italien (Livourne 1884-Paris 1920).
Après s'être formé aux beaux-arts en Italie, Amedeo Modigliani devient une figure artistique du Paris des années 1910-1920, où se déroule sa brève carrière. Il parvient à se dégager du fauvisme et du cubisme, alors tout-puissants, pour forger un style éminemment personnel, inspiré à la fois des arts primitifs et des tendances les plus significatives de l'époque moderne.
1. De Livourne à Paris
Amedeo Modigliani, issu d'une famille bourgeoise de Livourne, connaît une enfance et une adolescence difficiles du fait de sa santé délicate. Il entreprend une formation à l'école des Beaux-Arts de sa ville natale : les études artistiques sont à cette époque sous l'influence et la marque des macchiaioli. Après une rechute de pleurésie, il est atteint de tuberculose en 1900 : il entreprend alors avec sa mère un voyage de convalescence à Capri, Amalfi, Naples, Rome, Florence, Venise. Il séjourne dans ces deux dernières villes en 1902-1903, et y approche l'impressionnisme et l'expressionnisme « sécessionniste » venu de Vienne et de Munich.
Mais l'avant-garde française est un attrait majeur pour tous les jeunes artistes, et, en janvier 1906, Modigliani arrive à Paris, le foyer de révolutions picturales (fauvisme en 1905, cubisme en 1907), où le jeune peintre vient chercher la confirmation de ses intuitions. Il s'installe tout d'abord à Montmartre, dans un atelier proche du Bateau-Lavoir. Il voue la plus grande admiration à l'œuvre de Paul Cézanne, d'où il tirera, pour sa propre peinture, la construction par masses chromatiques. Il découvre également les audaces de Pablo Picasso et de Georges Braque et, avec eux, le cubisme dont l'influence transparaît dans ses sculptures. Sa propre originalité se renforce dans l'extraordinaire ambiance artistique de la capitale, et il expose bientôt (en 1908, puis 1910) au Salon des indépendants.
2. Le rôle de la sculpture
En 1909, il rencontre Constantin Brancusi grâce à un mécène, le docteur Paul Alexandre, qui le soutiendra toujours. Il devient l'ami du sculpteur et s'établit à son voisinage à Montparnasse. Sous l'influence de Brancusi, Modigliani aborde la sculpture, laissant une série de vingt-cinq « Têtes », pour la plupart à l'état d'ébauches, dont les formes simples et fortes doivent beaucoup à la sculpture traditionnelle africaine (désignée alors comme « art nègre ») ; il travaille également le thème des cariatides, tant en sculpture qu'en dessin. Ce passage par la sculpture sera essentiel pour son travail pictural ultérieur.
3. Une courte vie de misère
À cette époque, le peintre se lie d'amitié avec Moïse Kisling, Chaïm Soutine et Jules Pascin ; tous ces artistes d'origine étrangère formeront avec Marc Chagall le groupe de l'école de Paris. Encouragé par le marchand d'art et poète polonais Leopold Zborowski – l'ami inlassable qui luttera pour vendre quelques tableaux du peintre et améliorer sa situation matérielle particulièrement dramatique – et par la poétesse Beatrice Hastings – sa compagne pendant deux ans –, Modigliani se remet à la peinture à partir de 1914, et s'y consacre exclusivement jusqu'à sa mort.
L'exposition que Zborowski organise fin 1917 à la galerie Berthe Weil se solde par un scandale (la police fait retirer les peintures de nus), mais obtient néanmoins un certain succès. L'année précédente, Modigliani a rencontré une jeune élève de l'École des arts décoratifs, Jeanne Hébuterne (née en 1898), qui devient sa compagne et lui inspire une série d'admirables portraits. Il meurt le 25 janvier 1920, à l'âge de trente-six ans et en pleine période créatrice, des suites d'une tuberculose aggravée par l'alcoolisme. Jeanne Hébuterne se suicide le lendemain de sa mort.
4. Humanisme de l'œuvre
La légende, trop souvent rapportée, du peintre bohème et gentilhomme à la fois, ivre de vin ou de drogue, dessinant des portraits aux terrasses des cafés de Montparnasse contre un verre ou un peu de monnaie, fait oublier l'œuvre, sa gravité, sa continuité. Inlassablement elle interroge la figure humaine à un moment où les cubistes s'en détournent pour décomposer l'objet. Mais comme eux elle retient la leçon de Cézanne, qui avait su rendre les volumes par la couleur. Les traditions de dessin de sa Toscane natale font de Modigliani un dessinateur hors pair, qui simplifie le trait et les volumes.
L'imagination n'est pas son domaine, mais il fait des portraits qui révèlent le caractère de ses modèles et qui sont beaux plastiquement. Il réalise notamment, en 1915, les portraits de Diego Rivera, de Pablo Picasso et de Paul Guillaume ; puis, en 1916, de Max Jacob, de Henri Laurens, ou encore de Jacques Lipchitz et sa femme. Son trait se fait aigu quand il dépeint les gens du monde, leur vanité, leur arrogance ; il se courbe quand il peint les petites gens (la Fille rousse, 1915, ou bien le Jeune Apprenti, 1918-1919, tous deux au musée de l'Orangerie, à Paris ; Bohémienne à l'enfant, 1919, National Gallery of Art, Washington), ses amis ou la femme qu'il aime.
5. Un langage à part
La ligne est pour Modigliani le moyen d'expression majeur : élégante et souple, il lui confie la traduction de la forme, du volume et de l'espace.
Chez ses personnages étirés, allongés, dans ses nus admirables (Nu couché, 1917, Metropolitan Museum of Art, New York), le dessin déforme la réalité pour se plier en arabesque gracieuse et rejoint un style d'art dont il perpétue la tradition : celui des peintres siennois du xive s., celui des artistes byzantins. À cette tradition qu'il porte en lui, il ajoute les apports de l'art contemporain et trouve ainsi son langage personnel.
Son dessin est hanté par un idéal de beauté suprême qui rappelle Simone Martini, Pisanello, ou encore Botticelli. On y découvre une grande intensité expressive, entre sensualité et pureté, accompagné d'une couleur qui se fait plus légère à partir de 1918. Si l'on lit d'abord dans l'œuvre de cet artiste l'expression d'un tourment intérieur, une certaine sérénité méditative s'installe progressivement. Dans ses dernières toiles, l'engouement originel pour Cézanne est plus que jamais sensible, mais selon un rythme ample et doux, comme en témoigne l'Autoportrait de 1919 (musée d'Art contemporain de l'Université de São Paulo), où il se représente épuisé par la maladie et mélancolique, mais accompagné d'une admirable douceur.