navette spatiale
Véhicule spatial récupérable, conçu pour assurer la liaison entre la Terre et une orbite basse autour de la Terre ; en particulier, véhicule construit dans ce but aux États-Unis et doté de ses propres moyens de lancement.
1. La navette spatiale américaine
La navette spatiale américaine constitue à la fois un lanceur et un vaisseau spatial. Son principal avantage est d'être en grande partie réutilisable. Sa construction a été décidée en 1972. Le premier vol a eu lieu du 12 au 14 avril 1981, la première mission en novembre 1982. En 30 ans d'exploitation, ce programme développé par la NASA a conduit à la construction de 6 navettes spatiales. Le dernier lancement d'une navette, Atlantis, a eu lieu le 8 juillet 2011.
1.1. Caractéristiques techniques de la navette spatiale américaine
L'orbiteur. L'élément principal de la navette est l'orbiteur. En forme d'avion à aile delta, il est long de 37 m et possède une envergure de 24 m. Son fuselage comprend à l'avant une cabine pour l'équipage (jusqu'à 7 astronautes), au centre une vaste soute de 4,5 m de diamètre et de 18 m de longueur, pouvant accueillir des charges utiles d'une masse allant jusqu'à 29,5 t, et, à l'arrière, les trois principaux moteurs-fusées de l'engin et deux moteurs de manœuvre. Sa masse « à sec » (réservoirs vides et sans charge utile) est de 68 t.
Le lanceur. Ce véhicule spatial est conçu pour des missions en orbite basse (300 km d'altitude) et peut revenir se poser au sol comme un avion. Mais il ne peut aller seul dans l'espace : au décollage lui sont adjoints deux propulseurs auxiliaires à propergol solide (chacun contient 500 t de propergol) et un énorme réservoir extérieur de 47 m de long et 8,4 m de diamètre, non réutilisable, contenant 703 t d'hydrogène et d'oxygène liquides, pour l'alimentation des moteurs principaux. Pour les lancements vers l'orbite des satellites géostationnaires (ou d'autres trajectoires lointaines), la navette doit embarquer dans sa soute un propulseur supplémentaire.
1.2. Les six navettes spatiales américaines
Outre le véhicule Enterprise, qui effectua en 1979 les premiers essais d'atterrissage en vol plané, 5 orbiteurs ont été construits : Columbia, qui accomplit les premiers vols dans l'espace, en 1981, et qui s'est désintégrée lors de sa rentrée atmosphérique, le 1er février 2003, au terme de sa 28e mission ;Challenger, qui explosa en vol le 28 janvier 1986 ; Discovery ; Atlantis ; et Endeavour (inauguré en 1992 pour remplacer Challenger).
1.3. Exploitation de la navette spatiale américaine
À l'origine, la navette américaine était conçue comme un mode de transport universel. Ses promoteurs pensaient qu'elle se substituerait aux lanceurs classiques et assurerait toutes les mises en orbite de satellites ; misant sur la capacité supposée des orbiteurs à revoler rapidement, ils prévoyaient, en effet, une baisse substantielle des prix de lancement : les prévisions visaient 50 lancements par an, chacun évalué à 40 millions de dollars (valeur 2010). La réalité a été très différente.
En raison de la fréquence des pannes ou des incidents observés et des modifications apportées aux équipements, le nombre annuel moyen de lancements ne dépasse pas cinq à six (le 100e vol n'a eu lieu qu'en octobre 2000) et le coût d'exploitation est resté très élevé. En effet, le prix de chaque lancement s'élève à 1,5 milliards de dollars et, en comptant les coûts de développement, l'ensemble des 40 ans de programme atteint la somme de 192 milliards de dollars, soit plus que le projet Apollo, évalué à 170 milliards.
Par ailleurs, la navette s'avère mal adaptée à la mise en orbite de satellites géostationnaires. Elle s'est vu ainsi fermer le marché très compétitif du lancement des satellites commerciaux, notamment avec l'arrivée des lanceurs européens Ariane dès les années 1980, et son emploi a été, en fait, réservé pour des missions militaires ou scientifiques.
Cependant, la navette spatiale américaine a permis de réaliser de véritables prouesses technologiques, comme la réparation du télescope spatial Hubble en 1993 ou encore la construction de la Station spatiale internationale (ISS) qui n'aurait pu être menée à son terme sans les capacités des navettes à acheminer en orbite des structures de plusieurs tonnes. Si la desserte et l'exploitation de l'ISS ont assuré la survie de la navette, l'accident de Columbia l'a clouée au sol pendant plus de 29 mois et a hâté sa « mise à la retraite » en juillet 2011.
De 1981 à 2011, les navettes spatiales américaines ont effectué 135 vols véhiculant 356 astronautes de 16 pays différents (14 ont perdu la vie).
1.4. Dates clés
12 avril 1981 : décollage de la première navette Columbia, 20 ans jour pour jour après le vol de Iouri Gagarine.
28 janvier 1986 : explosion de Challenger en direct à la télévision, 73 secondes après son décollage. La mort des sept membres d'équipage traumatise l'Amérique.
24 Avril 1990 : le télescope spatial Hubble, qui a révolutionné nos connaissances de l'Univers, est mis en orbite par Discovery. Sa « myopie » sera réparée en décembre 1993 lors d'une mission sur Endeavour.
6 février 1995 : premier « rendez-vous » d'une navette, Discovery, avec la station russe Mir. La rencontre des deux équipages marque le début de la coopération entre les deux puissances spatiales.
7 décembre 1998 : début de l'assemblage de la Station spatiale internationale (ISS) avec l'amarrage du module américain Unity, acheminé par Endeavour, à Zarya, module russe mis sur orbite 15 jours auparavant.
1er février 2003 : Columbia explose lors de son retour dans l'atmosphère. Cette seconde catastrophe marque un coup d'arrêt des missions pendant plus de deux ans.
11 février 2008 : l'Europe intègre l'ISS avec son laboratoire Columbus acheminée par Atlantis, avec à son bord le Français Léopold Eyharts.
12 février 2010 : Endeavour achemine les derniers éléments construits par la NASA pour l'ISS, quasiment terminée.
8 juillet 2011 : dernier lancement d'une navette spatiale, Atlantis, pour une mission de ravitaillement.
2. Les autres projets de navette spatiale
L'U.R.S.S. a construit également une navette spatiale. Celle-ci a été testée lors d'un vol entièrement automatique, en 1988, puis abandonnée. Elle se réduisait à un orbiteur, Bourane (mot russe signifiant « tempête de neige »), analogue aux orbiteurs américains à une différence notable près : doté seulement de moteurs de manœuvre et de contrôle d'attitude, il se comportait au décollage comme une charge utile passive, accrochée à un lanceur très puissant, Energia.
Le Japon s'est lancé également dans les années 1980 dans la mise au point d'une petite navette entièrement automatique, Hope-X, . Après des vols d'essais prometteurs d'un modèle réduit en 2003, le projet a été finalement abandonné.
L'Agence spatiale européenne, après avoir engagé en 1987 puis abandonné en 1992 (pour des raisons budgétaires) le projet de véhicule spatial récupérable Hermes, a décidé en 1994 la réalisation d'une capsule spatiale expérimentale, ARD (Atmospheric Reentry Demonstrator), qui constitue une première étape sur la voie de la construction d'un véhicule de transport d'équipages. Ce démonstrateur a été testé en 1998 lors du troisième vol de qualification du lanceur Ariane 5. Cependant, il ne devrait pas avoir de successeur, l'Agence spatiale européenne ayant renoncé à ses projets de véhicule de sauvetage d'équipage (CRV) et de véhicule de transport d'équipage (CTV).
Parmi les nombreux projets privés, pour la plupart abandonnés ou toujours en phase de conception, l'avion expérimental SpaceShipOne a effectué en 2004 des vols au-delà de l'atmosphère terrestre, à plus de 100 km d'altitude. En 2014, le crash de SpaceShipTwo lors d'un vol d'essai cause la mort de l'un des pilotes et compromet l'avenir du tourisme spatial.