mythologie grecque
1. L'influence de l'histoire
Pour les Grecs de l'Antiquité, religion et mythologie étaient intimement liées. C'est d'ailleurs surtout par les mythes, tels que nous les rapportent Homère et les auteurs anciens, que les religions de la Grèce antique nous sont connues. Les dieux du panthéon grec, empruntés pour la plupart aux cultures des peuples conquis par les Grecs, ont une forme humaine et des personnalités très marquées, même si beaucoup nous sont mieux connus aujourd'hui sous le nom que leur ont donné les Romains : Jupiter et Zeus, Mars et Arès ou Vénus et Aphrodite. Entre le moment de ses origines, en dehors de la Grèce, et jusqu'à la rencontre avec le christianisme, l'histoire de la religion grecque couvre une période d'environ deux mille ans.
La mythologie grecque présente plusieurs aspects : système d'explication du monde, elle fait intervenir l'épopée, où les héros, intermédiaires entre les dieux et les hommes, doivent sans cesse affirmer leur valeur ; liée à l'histoire, elle permet aux Grecs d'expliquer l'origine de leurs cités.
2. Les sources
Les textes qui nous en rapportent les récits, souvent mal raccordés, comportent un grand nombre de variantes, exprimant parfois des « vérités » différentes, assimilant des éléments populaires, folkloriques ou géographiques. Les sources sont très diverses, des poèmes d'Homère aux œuvres d'Hésiode (viiie s. avant J.-C.) et de Pindare (ve s. avant J.-C.). Les tragédies d'Eschyle, de Sophocle et d'Euripide les reprennent, suivies par les dialogues de Platon, qui met en scène Socrate tentant de convaincre ses disciples en invoquant les mythes. Les historiens ne seront pas en reste, comme en témoignent, entre autres, Hérodote, Strabon, Plutarque ou Pausanias.
C'est dans le poème d'Hésiode Théogonie (généalogie des dieux),conçu au viiie s. avant J.-C., que les origines de l'Univers sont évoquées d'une manière qui devait devenir la tradition la plus courante.
3. Du Chaos au pouvoir de Zeus
3.1. Premiers combats fratricides
Au commencement est le Chaos, une crevasse ténébreuse, vide, indescriptible, d'où émergent Gaia, la Terre, et Éros, l'Amour, « le plus beau des dieux immortels, lui qui affaiblit les membres, dompte en tout dieu et en tout homme l'intelligence et la volonté prudente ». Du Chaos naissent aussi la Nuit d'en haut, Nyx, et Érèbe, l'obscurité des Enfers. Puis Érèbe et Nyx, s'unissant l'un à l'autre, engendrent le Jour, qui éclaire les mortels, et Éther, la lumière. Quant à Gaia, la Terre, elle enfante Ouranos, le Ciel étoilé, puis les montagnes et Pontos, le flot marin, créature masculine.
Gaia s'unit ensuite à Ouranos pour donner le jour à douze Titans, personnages gigantesques, êtres divins mais surtout forces élémentaires, dont Cronos et Rhéa – parents des futurs Olympiens – sont les plus célèbres. Parmi les autres Titans figure Océan, qui entoure le Monde sur lequel flotte la Terre, plate comme un disque. Océan est aussi le père de tous les fleuves. Gaia et Ouranos engendrent encore les Cyclopes, bâtisseurs de murs colossaux. Enfin, ils mettent au monde les Hécatonchires, monstres aux cent bras et aux cinquante têtes.
Mais Ouranos, craignant que l'un de ses fils ne veuille prendre sa place, les contraint tous à demeurer dans les profondeurs de la Terre. Celle-ci, de plus en plus pesante, implore ses enfants de la délivrer et de se venger de leur père. Elle crée une faucille d'acier dont seul Cronos accepte de s'emparer. Et, au moment où le Ciel enveloppe la Terre, il tranche d'un coup les testicules de son père. Le sang de la blessure tombant sur la Terre va engendrer de nouveaux monstres, les Érinyes, déesses ailées aux cheveux entremêlés de serpents, les Géants et les Méliades, nymphes des frênes.
Cronos reste seul à régner sur le monde, car il s'est empressé de plonger ses frères et sœurs dans l'Enfer. Quant aux enfants que lui donne sa femme Rhéa, il les dévore dès leur naissance : ainsi d'Hestia, de Déméter, d'Héra, puis d'Hadès et de Poséidon. Lorsque Zeus est sur le point de naître, Rhéa s'enfuit secrètement vers la Crète, où elle met l'enfant au monde, et, donnant à une pierre l'aspect d'un nouveau-né, elle la présente à Cronos qui l'avale sans difficulté.
3.2. Zeus, maître de l'Olympe
Le petit Zeus grandit en buvant le lait de la chèvre Amalthée. Parvenu à l'âge adulte, il fait absorber à Cronos une drogue vomitive qui lui fait restituer ses enfants. Puis Zeus délivre les Cyclopes et les Hécatonchires du Tartare – l'Enfer –, et tous s'unissent dans une guerre sans merci (« la Titanomachie ») contre Cronos. Cronos et les Titans sont à leur tour jetés dans le Tartare. Mais Gaia, mécontente du sort réservé aux Titans, fait appel aux Géants qui se mettent à brandir des arbres enflammés et d'énormes rochers. Les dieux olympiens interviennent alors avec leurs propres armes : Zeus brandit la foudre, Athéna l'égide (bouclier) et la lance, Dionysos le thyrse (long bâton décoré de feuilles de vigne et de lierre, se terminant par une pomme de pin). Héraclès lance ses flèches, et tous concourent à une seconde victoire contre Cronos.
Gaia fait alors une dernière tentative, et, s'unissant au Tartare, met au monde Typhon, un monstre plus imposant que les Géants, dont la tête touche les étoiles et qui possède à la place des doigts cent têtes de dragon. Les épisodes du combat entre Zeus et Typhon se déroulent dans le monde entier, jusqu'au moment où Zeus, à l'aide du tonnerre et de la foudre, écrase son adversaire sous l'Etna, en Sicile. Désormais, l'autorité de Zeus est assurée et les Olympiens peuvent se partager le pouvoir.
4. La création des hommes
Selon les deux versions les plus courantes, la création de l'homme est attribuée soit aux dieux, soit à Prométhée, un des fils du Titan Japet, qui, avec de l'argile, façonne la race humaine.
Prométhée est surtout connu comme le bienfaiteur des hommes, car il entreprend à deux reprises de tromper les dieux pour eux. Afin de décider quelle sera la nourriture des dieux et celle des hommes, il sacrifie un bœuf qu'il partage en deux parts inégales : d'un côté, il place la chair et les entrailles, cachées sous la peau peu appétissante de l'animal, de l'autre, les os, recouverts d'une épaisse couche de graisse de belle apparence. Puis il demande à son cousin Zeus de choisir sa part. Celui-ci se laisse tenter par la graisse blanche, mais quand il s'aperçoit qu'elle ne recouvre que des os, il est pris d'une fureur terrible contre Prométhée et les mortels. Pour les punir, il leur refuse le feu leur permettant de cuire la chair savoureuse qui leur a été attribuée. Prométhée monte alors au ciel et dérobe aux dieux des semences de feu qu'il cache dans une tige de fenouil. Cette fois, la vengeance de Zeus sera à la mesure de la faute commise : Prométhée sera enchaîné au sommet du Caucase où chaque jour un aigle viendra lui dévorer le foie, toujours renaissant. Le supplice aurait été sans fin si Héraclès n'avait fini par abattre l'aigle et délivrer Prométhée de ses liens.
Puis Zeus entreprend d'inventer un « beau mal […], terrible fléau installé au milieu des hommes mortels », selon Hésiode. Il demande à Héphaïstos (dieu du feu) de créer un être inconnu, une femme – la première –, que les dieux orneront chacun d'une qualité (sauf Hermès qui lui fait présent du mensonge), et qui reçoit pour nom Pandore, « tous les dons ». Zeus l'offre à Épiméthée, frère de Prométhée, à qui celui-ci a demandé de n'accepter aucun cadeau de Zeus. Mais Épiméthée, dont le nom signifie « qui réfléchit trop tard », ne peut résister à l'attrait de Pandore. Celle-ci, dévorée de curiosité pour une jarre mystérieuse qui doit rester fermée, soulève le couvercle, laissant échapper tous les maux dont souffre depuis l'humanité. Ne demeure au fond de la jarre que l'espérance, la seule consolation (illusoire ?) accordée aux humains.
5. Un déluge de neuf jours et neuf nuits
Une génération plus tard, la Terre est peuplée d'hommes, race de bronze, qui délaissent les dieux et pratiquent la guerre. Zeus décide alors de les exterminer et provoque un déluge, qui épargne seulement deux justes, Deucalion, fils de Prométhée, et Pyrrha, fille d'Épiméthée et de Pandore. Il pleut pendant neuf jours et neuf nuits : de la Terre noyée n'émerge que le mont Parnasse.
Lorsque Zeus ordonne aux eaux de se retirer, Deucalion et Pyrrha sont seuls dans leur barque sur la terre déserte. Une voix se manifeste, leur ordonnant de jeter par-dessus leurs épaules les os de leurs mères. D'abord effrayés par une telle impiété, ils comprennent qu'il s'agit de pierres, les os de la Terre, mère universelle. Les pierres que lance Deucalion deviennent des hommes, celles jetées par Pyrrha des femmes.
La Terre est ainsi repeuplée par les ancêtres des peuples grecs, les Doriens, Éoliens, Achéens et Ioniens, la mythologie rejoignant ici l'histoire.
6. Le cycle des Olympiens
6.1. Assemblée tutélaire
Les dieux olympiens peuvent enfin régner sur le monde. Après avoir vaincu les Titans, puis les Géants et Typhon, les Olympiens se sont installés sur le mont Olympe. Dans ce lieu caché aux hommes par les nuages, gardé par les Saisons, les Immortels, sous la présidence de Zeus, tenaient assemblée pour décider du destin des héros et des mortels, parfois même de l'un des leurs.
Lorsqu'ils ne délibéraient pas, ils participaient à d'extraordinaires festins et banquets, se gorgeant de nectar et d'ambroisie pendant que les Muses, au son de la lyre d'Apollon, chantaient leurs exploits.
6.2. Zeus, le Père des dieux et des hommes
Dans l'Olympe, Zeus est le dieu souverain, « Père des dieux et des hommes ». Dans son nom, on retrouve une racine indo-européenne signifiant « le jour ». Son domaine de compétence est le ciel et le temps, d'où il tire son arme particulière, la foudre. Doté de pouvoirs magiques, il préside aux manifestations célestes, provoque la pluie, lance la foudre et les éclairs, mais ses fonctions s'étendent aussi à l'ensemble des domaines de la vie humaine : il maintient l'ordre et la justice dans le monde, et garantit les serments. Cette dimension éthique est très apparente dans les pièces d'Eschyle. Introduit par les envahisseurs grecs, Zeus a absorbé aussi la divinité masculine minoenne. Les mythes de son enfance se rapportent à des rituels crétois et minoens.
Zeus a pour épouse sa sœur Héra, déesse du mariage et des femmes. Mais on lui attribue de très nombreuses autres unions, au cours desquelles il adopte souvent des formes animales ; la manière méprisante dont ces unions adultérines sont traitées dans la littérature grecque ne retire rien à son autorité ni à sa dignité fondamentale. Jalouse, violente et vindicative, Héra s'en prend aux femmes que Zeus courtise, allant jusqu'à poursuivre de sa haine les enfants nés de ces unions : Héraclès, notamment, sera l'objet de son courroux.
6.3. L'univers identique des dieux et des hommes
Homère organise les dieux en une société où, comme le font les rois chez les hommes, Zeus se targue de son droit d'aînesse, mais aussi de sa force, pour dominer l'Olympe. À la fin du viiie s., Hésiode explique dans la Théogonie comment tous ces dieux naquirent de Gaia, la Terre, par générations successives. Ils ne sont pas extérieurs au monde qu'ils ont créé, mais constituent les forces mêmes de leur Univers et à leur mise au monde correspond la naissance des choses visibles. La conquête du pouvoir par Zeus accompagne ainsi l'avènement de l'ordre au sein des forces jusque-là chaotiques de la nature.
7. Une multitude de dieux
Même si les différents peuples grecs ont les mêmes dieux, il serait faux d'en conclure à une uniformisation de la religion : l'Apollon de Delphes et celui de Délos sont très différents l'un de l'autre, et l'Artémis « aux nombreuses mamelles » d'Éphèse cède la place, en Grèce propre, à la « Maîtresse des animaux » et à la divinité qui veille jalousement sur les jeunes des deux sexes. Artémis Eileithyia, quant à elle, se spécialise dans la protection des femmes en couches, et il existe bien d'autres versions locales de cette divinité particulièrement efficace. Comme elle, chaque dieu peut changer de visage et surtout de fonction.
Après les grandes divinités orientales qu'Homère, déjà, intégrait à la famille olympienne (telle Aphrodite, transposition de l'Astarté des Phéniciens), c'est Hécate, une autre grande « mère » asiatique, et la Phrygienne Cybèle qui sont adoptées dès la religion archaïque. Plus tard s'installeront, à travers une religion de plus en plus syncrétiste, qui manifeste une étonnante disposition à l'accueil, Adonis, Attis et Sabazios, la Bendis thrace et Isis, sans parler de tous les dieux étrangers qui afflueront avec la conquête de l'Orient par Alexandre.
Cette religion polythéiste puissamment anthropomorphisée nourrit l'imaginaire grec de mythes dans lesquels les dieux, comme les hommes, se querellent ou festoient, s'aiment ou se font la guerre – des mythes qui aident les Grecs anciens à se situer dans l'univers.
Équivalence entre les divinités grecques et romaines
Équivalence entre les divinités grecques et romaines | ||
Divinité grecque | Divinité romaine | Caractéristiques |
Aphrodite | Vénus | Déesse de la Beauté, de l'Amour et de la Fécondité. |
Apollon | Phébus | Dieu , reconnu pour sa beauté, de la Prophétie, des Sciences et des Archers. |
Arès | Mars | Dieu de la Guerre. |
Artémis | Diane | Déesse de la chasse et, tardivement, déesse de la Lune. |
Asclépios | Esculape | Dieu de la Médecine |
Athéna | Minerve | Déesse de la Raison, des Sciences et des Arts. |
Cronos | Saturne | Dieu du Ciel. |
Déméter | Cérès | Déesse des Terres cultivées. |
Dionysos | Bacchus | Dieu de la Vigne et de la Végétation. |
Éros | Cupidon | Dieu de l'Amour. |
Gaia | Terra | Terre-Mère. |
Héphaïstos | Vulcain | Dieu du Feu et de la Forge. |
Héra | Junon | Déesse du Mariage et de l'Accouchement. |
Hermès | Mercure | Messager des dieux. |
Hestia | Vesta | Déesse du Foyer. |
Hadès | Pluton | Dieu des Enfers. |
Poséidon | Neptune | Dieu des Mers. |
Rhéa | Ops | Déesse-Mère. |
Ouranos | Uranus | Dieu du ciel. |
Zeus | Jupiter | Dieu suprême. |