mousson
(néerlandais monçon, du portugais monção, de l'arabe mausim, saison)
La mousson est un système de vents saisonniers alternés soufflant à des latitudes tropicales (essentiellement en Asie méridionale), de la mer vers le continent en été (mousson d'été), du continent vers la mer en hiver (mousson d'hiver).
1. La circulation atmosphérique
La mousson est un phénomène de la basse et moyenne troposphère. Elle est liée à des facteurs géographiques (juxtaposition de masses océaniques et continentales) et thermiques : l'échauffement estival entraîne la formation de basses pressions sur les continents aspirant l'air océanique humide ; le refroidissement hivernal plus rapide sur les continents amène une élévation des pressions et des vents dirigés vers l'océan. Ces différences de température entre océans et continents commandent ainsi la circulation atmosphérique dans la mesure où elles déterminent le positionnement des anticyclones et des dépressions.
Dans l'hémisphère Nord, les vents s'enroulent autour des anticyclones dans le sens des aiguilles d'une montre, dans l'hémisphère Sud, en sens inverse. En été, l'anticyclone de l'océan Indien remonte assez haut vers le nord et franchit l'équateur. Ce phénomène est lié au balancement des grands anticyclones tropicaux qui oscillent parallèlement au mouvement apparent du Soleil, de l'équateur vers le tropique du Cancer pendant l'été boréal, puis vers le tropique du Capricorne pendant l'été austral. Les vents qui soufflaient vers le nord-ouest sont détournés au nord de l'équateur par la force de Coriolis, et se mettent à souffler vers le nord-est, c'est-à-dire vers l'Inde et non plus vers l'Afrique. Ces vents chargés de l'humidité océanique provoquent sur tous les reliefs des pluies très abondantes : c'est la mousson.
2. Les moussons d’été et les moussons d’hiver
Les moussons les plus connues sont celles de l'océan Indien.
D'avril à septembre, on observe la mousson du sud-ouest, humide ; d'octobre à mars, la mousson du nord-est, sèche.
En hiver, le continent joue le rôle de centre froid et engendre une zone de hautes pressions. Ainsi, la Sibérie est le siège d'un anticyclone qui génère, sur sa face sud, un vent de nord-ouest. L'air expulsé de la zone anticyclonique vers la zone de dépression située au dessus de l'océan Indien est froid et sec ; franchissant l'Himalaya, il redescend vers l'Inde en subissant un effet de foehn, qui augmente sa sécheresse tout en le réchauffant. La mousson d'hiver est ce vent sec et relativement doux de nord-est.
En été inversement, le continent, plus chaud que l'océan, est le siège d'une dépression qui attire des vents de sud-ouest d'origine tropicale, très chauds, chargés d'humidité. Dès leur arrivée sur le sous-continent indien, ces masses d'air donnent naissance à des nuages et à des pluies d'autant plus abondantes que le relief – notamment les pentes sud de l'Himalaya – favorise des mouvements ascendants. On a enregistré à Cherrapunji (dans le Meghalaya, État fédéré du nord-est de l'Inde) 11 m d'eau par an (en réalité en six mois d'été), le seul mois de juillet en recevant 2,70 m (pour mémoire, la quantité moyenne de pluies recueillies annuellement à Paris est de 0,60 m).
On réserve parfois le terme de « mousson » à la seule mousson d'été, humide, dont l'importance est primordiale sur la vie humaine, agricole essentiellement. Les pluies de mousson apportent plus de 80 % des précipitations sur les régions habitées par la moitié de la population mondiale. (L'apport de la mousson d'été apparaît bien sur la carte des précipitations en Inde, pays situé à la latitude du Sahara et de l'Arabie [voir illustration ci-dessus].) Le climat de mousson est une composante saisonnière du climat tropical ; il varie d'une année à l'autre, tant dans sa date d'arrivée que dans son intensité. Ses anomalies sont catastrophiques : des pluies trop abondantes s'accompagnent d'inondations et de glissements de terrain ; des pluies trop faibles ou absentes prolongent la période de sécheresse.
3. Les différents domaines des moussons
Le phénomène de mousson est particulièrement bien représenté (mais non exclusivement) en Afrique occidentale, dans le sous-continent indien et à Ceylan ainsi que dans le Sud-Est asiatique (Indochine, archipel malais, sud de la Chine) ; il demeure perceptible, avec moins de valeur démonstrative, en Asie orientale (Chine du Centre, Chine du Nord et Japon), incluse parfois dans l'Asie de la mousson.
3.1. La mousson en Afrique occidentale
En Afrique occidentale, la masse d'air humide progresse en direction de la dépression thermique saharienne de surface (coiffée par l'anticyclone dynamique demeuré en altitude) depuis l'anticyclone de Sainte-Hélène et, à tout le moins, depuis les parages équatoriaux du golfe de Guinée. Il semble que la puissance expulsive des hautes pressions australes l'emporte sur la puissance aspiratrice de la dépression saharienne, maintenue, il est vrai, fort peu épaisse. Le coin de mousson passe sous le système de circulation du Sahara reporté en altitude. Le front de mousson exprime l'endroit où la mousson est si peu épaisse que les pluies qui accompagnent sa progression ne deviennent substantielles qu'à une distance respectable de sa trace au sol. Le renversement saisonnier se marque par l'emprise de la circulation saharienne et par l'intervention de l'alizé et survenu du continent (harmattan). Sauf en bordure du golfe de Guinée, l'alternance d'une saison sèche et d'une saison humide est bien respectée jusqu'à la latitude de Dakar ou de Saint-Louis-Tombouctou. Avec une période sèche qui occupe désormais les trois quarts de l'année, nous arrivons là aux limites du concept des tropiques humides. La poussée de mousson peut (rarement) remonter en été jusqu'au coeur du désert (Tamanrasset).
3.2. La mousson en Inde
En Inde, la répartition des pluies diffère selon la latitude, ce qui traduit d'abord la combinaison de la répartition des terres, des mers et des reliefs avec les processus pluvieux de mousson. La bordure indienne de l'Himalaya a de fortes précipitations (3 000 mm à Darjeeling). Mais ce sont, avec les 11 m de Cherrapunji, les reliefs de l'Assam qui connaissent les hauteurs d'eau les plus impressionnantes (pôle mondial de la pluviométrie). La plaine Indo-Gangétique, très sèche, voire aride à l'ouest (Pendjab), est fort arrosée à l'est (Bengale). Le Deccan inverse le sens de cette dissymétrie, avec des précipitations énormes sur les Ghâts occidentaux, et Bombay, plus au nord, illustre encore ces dispositions.
Les grands mécanismes de la mousson indienne sont indépendants de ceux qui règnent à l'est, sur le monde malais, et au nord-est, sur la Chine. En hiver, c'est le passage du jet-stream au sud de l'Himalaya qui assure la formation de l'anticyclone indigène, générateur d'un alizé que l'on convient d'appeler la mousson d'hiver. En été, le brusque effacement de la circulation d'altitude, qui remonte vers le nord, aboutit à la libération de toute contrainte dans l'élaboration de la dépression thermique du Pendjab (coiffée par l'anticyclone dynamique d'altitude) et à la réalisation du talweg de mousson, qui prolonge cette dépression vers l'est-sud-est. Pour l'essentiel, la mousson qui dessine ce talweg attaque le Deccan par l'ouest (d'où pluies orographiques de la côte de Malabar), puis, après la traversée de la péninsule, opère un changement de direction sur le golfe du Bengale. On comprend, dans ces conditions, que, combinée au détail des perturbations, l'application pluviométrique maximale se fasse sur l'ouest du Deccan et l'est de la plaine Indo-Gangétique. L'est du Deccan (côte du Coromandel) doit attendre le début du renversement du flux de mousson (avec intervention du bord oriental d'un anticyclone centré vers l'ouest de la péninsule) et aussi l'application de perturbations spécifiques du golfe du Bengale pour qu'interviennent les pluies dessinant le maximum d'automne.
À la forêt de mousson, formée d'arbres qui perdent leurs feuilles au cours de la saison sèche, succède la jungle, région de très hautes herbes parsemée de bouquets d'arbres (baobabs, bambous géants).
3.3. La mousson dans le sud-est de l'Asie
Dans le sud-est de l'Asie, la mousson d'hiver semble bien être essentiellement le fait de ces anticyclones mobiles qui glissent sur le Pacifique et irriguent de leur flux alizéen les îles et le continent dans sa partie indochinoise, tandis que la mousson d'été est un flux austral. Cela est évidemment un schéma très simplifié d'une réalité rendue complexe par la configuration du continent à cet endroit et aussi par l'allure des reliefs combinés à des expositions fort diverses aux vents marins. Le fait qui domine, cependant, est l'importance des abats apportés par la mousson d'été, dont le centre dépressionnaire attractionnel est constitué par les basses pressions de l'Asie centrale.
3.4. La mousson dans l'Asie orientale
L'Asie orientale (Chine du Centre, Chine du Nord et Japon), représente la limite du concept de mousson : il est probable que l'essentiel du flux pluvieux d'été arrive de l'hémisphère boréal en prenant naissance sur le Pacifique Nord. Quant à la mousson d'hiver, elle paraît être la seule que l'on ne puisse pas assimiler à un système alizéen.
La Chine du Sud et le Japon ont un climat caractérisé par des hivers doux parfois marqués de coups de froid et par des étés chauds et très humides. La forêt (conifères sur les hauteurs, ailleurs théiers, magnolias) couvre la majeure partie de ces pays, lorsqu'elle n'a pas encore fait l'objet d'un défrichement souvent intensif (Chine du Sud).
La Chine du Nord, où les hivers sont très froids et secs, connaît des pluies de mousson plus courtes et irrégulières. La forêt n'existe que sur les hauteurs, alors que les plaines ont une végétation de steppe et de prairie.
3.5. Les fleuves de l'Asie des moussons
Les fleuves de l'Asie des moussons, issus de la haute montagne, connaissent des crues énormes durant l'été, car aux eaux dues à la fonte des neiges s'ajoutent les eaux de pluie. Aussi ces fleuves ont-ils un énorme pouvoir érosif et ne sont-ils généralement pas navigables dans leur cours supérieur. En revanche, ils édifient d'immenses deltas qui constituent les régions les plus fertiles et par conséquent les plus peuplées d'Asie (Gange et Brahmapoutre).
4. La forêt de mousson
Assez ouverte, la forêt de mousson est constituée d'arbres massifs, trapus et sans contreforts, assez espacés ; il y a donc peu de compétition entre les plantes pour la lumière. Pendant la saison sèche, beaucoup d'espèces perdent leurs feuilles, la forêt prend alors un aspect hivernal, cependant, pour un certain nombre, cette saison est aussi celle de la floraison. Dans cette forêt, les grands arbres (30-35 m) forment un dôme irrégulier (shorea, tectona, terminalia) ; le sous-bois est dense, avec des feuilles petites et dures, et au-dessous de lui existe une strate herbacée. Les plantes grimpantes sont moins nombreuses et plus petites que dans la forêt tropicale humide. Lorsque les précipitations sont moins importantes, on est en présence d'une forêt de mousson sèche, dont les arbres, plus petits (15-20 m), se dépouillent tous, ainsi qu'une partie des arbustes ; la strate herbacée n'est alors visible que pendant la saison humide.