démographie
Étude des populations humaines, de leur état, de leur mouvement ainsi que des facteurs (biologiques, socioculturels, etc.) agissant sur ces caractéristiques.
1. Historique
La démographie, qui étudie les populations, apparaît tardivement en tant que domaine de recherche scientifique. On trouve néanmoins la trace de travaux de dénombrement des hommes dans un passé très lointain ; les premiers recensements connus remontent à l'Antiquité. Au xviie s. se font en Angleterre les premières recherches sur la natalité et sur la mortalité. Puis, au xviiie s., Malthus étudie les relations entre la richesse et la croissance de la population, et s'inquiète de la fécondité des populations pauvres. En France, le premier dénombrement officiel de la population a lieu en 1790.
La démographie en tant que discipline prend toute son importance au xxe s., à la suite des travaux d'Alfred Lotka, statisticien autrichien émigré aux États-Unis, qui formule la théorie des populations stables et élabore la notion de la fécondité féminine par âge. En France, Alfred Sauvy est le premier directeur de l'INED (Institut national d'études démographiques, fondé en 1945), et devient un démographe particulièrement influent.
2. Définition
Si les définitions retenues dépendent de conceptions parfois divergentes, il est généralement admis que la démographie, qui signifie « description de la population » en grec, est l’étude des populations humaines, dans un espace donné. Cette science sociale, dont le nom apparaît pour la première fois sous la plume du Français Achille Guillard en 1855, s'intéresse – quelle que soit l'échelle spatiale considérée – au nombre de représentants d'une population donnée, à leur évolution numérique, aux naissances et aux décès observés, au sexe, à l'âge, à l'état matrimonial et à l'activité professionnelle, ainsi qu'à la répartition spatiale et à la mobilité des individus.
La démographie est aujourd'hui subdivisée en secteurs de recherche distincts. La démographie statistique, qui constitue son élément central, s'intéresse aux mouvements de la population et à son évolution quantitative. Ses domaines annexes s'inspirent de disciplines aussi diverses que l'histoire, la sociologie, l'économie, la politologie et la géographie (géographie de la population) en les enrichissant.
Les méthodes de l'analyse démographique sont nées de l'application du calcul statistique à l'étude de la population d'un territoire. Elles se rapportent également à des ensembles humains plus restreints, au sein desquels s'observent des « entrées » et des « sorties » (par exemple la population scolaire, un corps professionnel, le personnel d'une firme). Elles peuvent aussi trouver des objets d'étude parmi des populations végétales et animales, voire des ensembles d'objets.
3. Sources
La maîtrise de l'état et de la dynamique d'une population demande de connaître son effectif et d'appréhender son type de renouvellement par le jeu des entrées (naissances et immigration) et des sorties (décès, émigration). Cette double préoccupation du démographe est une constante. Il est donc nécessaire de procéder régulièrement à un recensement général de la population pour en saisir la dynamique.
Les premiers comptages d'une population remontent à l’Antiquité ; ils ont été réalisés dans les grands empires d'Eurasie (Chine des Han, Rome antique). Ils sont devenus beaucoup plus réguliers et systématiques à partir de la fin du xviiie s. dans les pays développés, et depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dans certains pays en développement.
3.1. Recensements
Opérations longues et coûteuses, les enquêtes se présentent sous la forme de questionnaires (un par ménage) remplis par les agents recenseurs ou par les personnes recensées. Les informations collectées permettent de connaître l'effectif de la population et d'en distinguer les principaux critères : sexe, âge, état matrimonial, nationalité, niveau d'instruction, activité professionnelle ; l’ancien lieu de résidence est demandé afin d'analyser les phénomènes migratoires.
La précision et la qualité des informations collectées varient selon les données considérées, et surtout selon les pays. Les données sur le niveau d'études et l'activité professionnelle sont moins riches que celles portant sur le sexe et l'âge. Toutefois, les informations comportent toujours une marge d'erreur non négligeable, y compris pour le simple dénombrement des habitants.
3.2. Relevés permanents
Les naissances, les décès, les mariages et les ruptures d'union sont systématiquement relevés par les services d'état civil des pays dont l'administration est accoutumée à recueillir ce type d'informations. Ces données brutes fournissent la base de la recherche démographique sur la natalité et la mortalité ; si elles font défaut, les démographes ont recours à des estimations.
Il est encore plus délicat de quantifier et d'apprécier les déplacements de la population. Les migrations extérieures, c'est-à-dire les mouvements d'entrée et de sortie pour un territoire donné, ne sont correctement relevées que dans les pays ayant mis en place des moyens de contrôle stricts et réguliers à leurs frontières (y compris les ports et aéroports). L'appréciation des migrations intérieures, c'est-à-dire des changements de résidence au sein d'un même pays ou d'une même région, fait appel à des méthodes indirectes d'estimation, tant il est difficile, voire illusoire, de tenir à jour un fichier permanent de la population.
3.3. Enquêtes à visées démographiques
Pour pallier l'insuffisance des informations fournies par les recensements et les services administratifs, des collectes de données de base sont organisées. La technique statistique utilisée est celle du sondage sur des échantillons représentatifs de la population ; les personnes interrogées étant dans ce cas moins nombreuses, les questionnaires, nettement plus détaillés, fournissent en revanche une gamme d'informations beaucoup plus large. Là encore, elles sont beaucoup plus précises dans les pays développés.
4. Analyses et indicateurs
4.1. Structures de la population
L'analyse des structures de la population s'effectue au moyen d'indices et de graphiques élaborés à partir des données de base collectées lors des recensements. Les plus fréquents indicateurs se rapportent au sexe et à l'âge, au lieu de résidence, au ménage, à la situation matrimoniale, à la nationalité, au niveau d'études et à l'activité professionnelle.
4.1.1. Structure par sexe
Pour apprécier la part respective des deux sexes dans la population totale, on utilise le « rapport de masculinité » (nombre d'hommes pour 100 femmes), indicateur qui tend à baisser au fur et à mesure que la population étudiée vieillit. Dans les pays développés, il avoisine 105 à la naissance (il naît en effet un peu plus de garçons que de filles), mais diminue peu à peu et approche de 100 vers l'âge de 25 ans (plus forte mortalité masculine jusqu'à ce seuil) ; il ne cesse ensuite de diminuer, lentement d'abord, puis de plus en plus rapidement, si bien qu'il est souvent voisin de 50 à l'âge de 80 ans (les hommes sont donc deux fois moins nombreux à devenir octogénaires que les femmes).
La structure par sexe est très variable suivant le pays étudié. On rencontre des cas d'excédents masculins inhérents à la surmortalité féminine constatée dans des pays où les conditions de vie des femmes, très difficiles, entraînent un fort accroissement des risques de mortalité lors des accouchements. C'est le cas au Népal, où le rapport de masculinité s'élève à 105. Cependant, on rencontre plus fréquemment des excédents féminins liés à la surmortalité masculine intervenant aux âges adultes. Dans les pays de l'ex-URSS, on compte en moyenne 88 hommes pour 100 femmes.
La composition de la population par sexe dépend du jeu des migrations. Le rapport de masculinité s'élève à 218 dans les Émirats arabes unis, où l'on embauche un grand nombre de travailleurs immigrés attirés par les hauts salaires. À l'opposé, il atteint seulement 90 au Yémen, pays qui a longtemps servi de réservoir de main-d'œuvre à l'Arabie saoudite.
4.1.2. Structure par âges
Les démographes ont élaboré des indicateurs aussi variés que la part des jeunes et des personnes âgées dans la population totale, l'« indice de vieillesse » (nombre de personnes âgées pour 100 jeunes) ou encore l'« âge médian » (âge séparant la population en deux groupes numériquement égaux, représentant l'un les plus jeunes, et l'autre les plus âgés). La définition des tranches d'âge varie là aussi selon les pays : l'âge limite peut se déplacer, pour les jeunes, de 15 à 20 ans, et pour les personnes âgées, de 60 à 65 ans. La part des Français âgés d'au moins 65 ans est de 15 % au début des années 2000 et atteint 17 % en 2012.
Dans la pyramide des âges, on voit s'empiler les diverses tranches d'âge les unes sur les autres. Si on utilise des groupes quinquennaux, on représente successivement les tranches d'âge 0-4 ans, 5-9 ans, 10-14 ans, et ainsi de suite jusqu'au sommet de la pyramide. Les femmes sont placées à droite, les hommes à gauche. Ce graphique permet de visualiser la structure par âges en résumant près d'un siècle d'histoire démographique d'un pays. Dans les pays d'Afrique subsaharienne, les populations sont très jeunes : les moins de 15 ans forment souvent plus de 45 % de la population et l'âge médian est inférieur à 20 ans. Dans certains pays européens, les populations sont plus vieilles ; l'âge médian y dépasse souvent 38 ans. Cette différence s'explique, en grande partie, par des comportements différents à l'égard de la natalité.
4.2. Dynamique des populations
L'étude de la dynamique des populations est essentielle pour la démographie. Elle comporte deux branches : la dynamique naturelle (naissances et décès) et la dynamique migratoire (mouvements de population). L'analyse démographique vise à étudier la population à travers l'ensemble de ses branches, qui, considérées de manière isolée, peuvent induire l'observateur en erreur.
4.2.1. Dynamique naturelle
Chaque population fait l'objet d'un calcul de son « solde naturel », c'est-à-dire de la différence existant, pour une année donnée, entre le nombre des naissances et celui des décès.
Pour faciliter les comparaisons entre des populations d'effectifs différents, on utilise le « taux d'accroissement naturel », exprimé pour 1 000 habitants (souvent pour 100) ; un taux d'accroissement naturel de 12 ‰ (ou 1,2 %) — celui de l'Asie du Sud-Est en 2012 — signifie que la population, en raison d'un léger excédent des naissances par rapport aux décès, s'est en moyenne accrue de 12 habitants pour 1 000 au cours de l'année étudiée. Le taux d'accroissement naturel varie considérablement d'un pays à l'autre. D'une façon générale, les taux sont élevés dans les pays en développement (26 ‰ en Afrique subsaharienne, 20 ‰ en Afrique du Nord). Ils sont faibles, nuls, voire négatifs, dans les pays développés. Néanmoins, il faut systématiquement procéder à l'analyse de l'accroissement naturel en examinant les taux de natalité et de mortalité : une population dont l'âge médian est très élevé, même si elle est très féconde, peut – théoriquement – avoir un taux d'accroissement naturel faible ou nul, en raison du risque plus important de mortalité touchant les personnes âgées.
Natalité
Pour quantifier la natalité d'un pays, on utilise le « taux de natalité » exprimé pour 1 000 habitants (un taux de 20 ‰ signifie qu'en moyenne 20 enfants sont nés dans l'année au sein d'un goupe de 1 000 personnes). Mais cet outil aussi doit être manié avec précaution, car il dépend étroitement de la structure par âges de la population : à comportement identique, une population jeune – donc avec plus de personnes en âge de procréer – connaît nécessairement une natalité plus forte qu'une population vieille.
Le « taux de fécondité », plus précis que le précédent (qui rapportait les naissances à l'ensemble de la population), ne s'intéresse qu'aux femmes en âge d'avoir des enfants (soit entre 15 et 50 ans selon une tranche d'âge établie). On distingue là encore des taux de fécondité par tranche d'âge (15-19 ans, 20-24 ans, etc.).
L'« indice synthétique de fécondité » (ou « indice conjoncturel de fécondité ») précise le nombre d'enfants que mettrait au monde une femme à une date donnée, si elle avait la fécondité moyenne observée chez les femmes des diverses tranches d'âge. Cet indice, qui élimine l'influence de l'âge, est exprimé en nombre d'enfants par femme ; il se calcule en additionnant les taux de fécondité des sept groupes d'âge de cinq ans (allant des 15-19 ans aux 45-49 ans). Un indice de 1,7 (celui des Pays-Bas en 2012) signifie que, avec le comportement observé cette année-là sur les diverses générations, une femme donnerait théoriquement naissance à 1,7 enfant en moyenne (ou 1 700 enfants pour 1 000 femmes). La fécondité est très élevée dans les pays en développement , bien qu'elle baisse désormais dans certains d'entre eux. Elle est particulièrement importante en Afrique, où elle dépasse souvent 5 (7,1 au Niger). Elle est faible ou très faible dans les pays de l'OCDE, surtout dans les démocraties occidentales : États-Unis (1.9), Suède (1,9), Allemagne (1,4). Des niveaux aussi bas ne devraient pas permettre d'assurer le renouvellement des générations actuelles : pour qu'une femme soit remplacée par une autre à la génération suivante, elle doit avoir un peu plus de deux enfants, compte tenu de la mortalité infantile et du fait qu'il naît moins de filles que de garçons. Avec le niveau actuel de la mortalité, une femme devrait en moyenne avoir 2,1 enfants pour que la population soit renouvelée.
Mortalité
Le « taux de mortalité », symétrique du précédent, rapporte les décès à l'ensemble de la population. Lui aussi est largement influencé par la structure par âges et peut prêter à confusion. La juxtaposition des taux suédois (10 ‰) et égyptien (5 ‰) ne signifie nullement que les conditions sanitaires sont meilleures dans ce dernier pays (c'est en réalité l'inverse) ; en fait, la population suédoise est « vieille », alors que la population égyptienne est « jeune » (la mortalité est fonction de l'âge). Pour obtenir une mesure satisfaisante, il est donc nécessaire d'éliminer l'influence de l'âge. Avec les taux de mortalité par âges, on rapporte les décès d'un groupe d'âge particulier à la population correspondante (par exemple les décès des 80-84 ans aux personnes de ce même groupe d'âge). La mortalité est relativement élevée dans les semaines qui suivent la naissance, puis elle diminue peu à peu. Elle passe par un minimum vers l'âge de 10 ans, augmente ensuite, d'abord lentement, puis de plus en plus rapidement.
Le « taux de mortalité infantile » représente le rapport entre les décès survenus chez les enfants de moins de un an et le nombre de naissances recensées la même année. Il varie considérablement d'un pays à l'autre et se révèle même comme un précieux indicateur du sous-développement. Encore très élevé dans bon nombre de pays peu développés (plus de 100 ‰ dans plusieurs pays de l'Afrique subsaharienne), il est très faible dans les économies les plus avancées (3,5 ‰ en France, 2,3 ‰ au Japon).
Espérance de vie
Pour obtenir une mesure synthétique éliminant l'influence de l'âge, on utilise fréquemment l'« espérance de vie à la naissance » : c'est l'âge moyen auquel parviendrait une génération de nouveau-nés qui, tout au long de leur vie, connaîtraient les taux de mortalité par âges observés pendant l'année considérée. Contrairement à ce que suggère le terme « espérance », cette donnée ne dit rien sur la durée de vie des enfants nés cette année-là ; c'est simplement un indicateur précisant la durée moyenne de vie d'une génération sur la base de relevés effectués au cours de l'année écoulée.
Cet indicateur sert fréquemment dans les comparaisons entre pays. En effet, la différence entre l'espérance de vie de certains pays africains (en Sierra Leone, 47 ans pour les hommes et 48 ans pour les femmes) et celle enregistrée en France (respectivement 78 et 85 ans) ou au Japon (respectivement 80 et 86 ans) est révélatrice.
L'espérance de vie des femmes est plus élevée que celle des hommes. La différence entre les deux sexes est dans l'ensemble de 3 ans, bien qu'en France, où elle n'a cessé d'augmenter depuis deux siècles, elle atteigne 7 ans. La surmortalité masculine, essentiellement d'origine sociale, est pour une faible part liée à la mortalité professionnelle et, pour l'essentiel, aux conséquences néfastes de l'alcoolisme, du tabagisme, à une consommation alimentaire excessive et à une conduite dangereuse sur la route.
4.2.2. Dynamique migratoire
La dynamique migratoire est beaucoup plus difficile à appréhender que la dynamique naturelle. Les informations sur les migrations externes (les mouvements entre les pays) font souvent défaut et sont rarement fiables. Il est encore plus délicat d'estimer les migrations internes (les flux de population à l'intérieur des frontières). L'étude de ce type de migration nécessite donc systématiquement le recours à des moyens indirects de mesure.
Solde migratoire
Qu'il s'agisse d'un pays ou d'une circonscription administrative, on cherche en premier lieu à mesurer le « solde migratoire » (ou « migration nette »), différence numérique entre les entrées et les sorties sur une période donnée. Dans le cas des migrations externes, cet indicateur mesure la différence entre le nombre des immigrants et celui des émigrants (le solde est positif si les entrées sont plus nombreuses que les sorties). Si le solde français a été constamment positif au cours du xxe s. (environ 50 000 par an à la fin du siècle, contre 700 000 pour les États-Unis), celui du Mexique par exemple est négatif depuis plusieurs décennies. On distingue ainsi des pays d'immigration (États-Unis, Canada, Australie, France) et des pays d'émigration (Mexique, Irlande, Grèce, Liban). Ces constatations valent également pour l'intérieur d'un pays : les départements septentrionaux de la France sont devenus, depuis le début des années 1970, des lieux de départ, tandis que ceux du Sud ont renforcé leur fonction d'accueil.
De même qu'il faut considérer séparément les naissances et les décès pour saisir le solde naturel, il faut distinguer les entrées et les sorties pour comprendre les mécanismes migratoires (en lui-même, le solde migratoire est une information insuffisante). Un solde nul ou voisin de zéro peut correspondre à des situations différentes : on constate une quasi-absence de mouvements pour des pays « fermés » (Albanie, Corée du Nord) et des cas d'équilibre avec de très amples mouvements dans les deux sens (Inde, Indonésie).
Taux de migration nette
Pour comparer des populations d'effectifs différents, on rapporte le solde migratoire à l'effectif de la population au milieu de la période considérée : c'est le « taux de migration nette », également appelé « taux de solde migratoire ». Celui de la France avoisine 1 ‰ au début du xxie s. (pour 1 000 habitants, une personne est venue s'ajouter chaque année grâce au jeu des migrations externes). Comparé aux taux américain (3 ‰), australien (8 ‰) ou à celui du Qatar (19 ‰), le taux français est modéré.
On calcule le « taux d'immigration » et le « taux d'émigration » en rapportant le nombre des entrées et des sorties à la population moyenne de la période considérée. Il apparaît ainsi que les deux départements alsaciens ont une population plutôt enracinée (flux assez faibles dans les deux sens, solde presque nul), tandis que Paris a une population fortement brassée par d'importants flux d'entrées et de sorties.
Pourquoi migrer ?
Les mouvements observés à l'échelle de la planète ou au sein d'une zone particulière ont toujours des causes diverses et complexes. Cependant, pour l'essentiel, ils sont liés aux possibilités d'emploi. Les migrations internes sont avant tout justifiées par les déséquilibres économiques existant entre les diverses parties d'un territoire : les zones de départ sont généralement celles où la situation de l'emploi est difficile ; à l'inverse, les zones d'arrivée apparaissent plus favorisées dans ce domaine. Il en va de même pour les migrations internationales, qui sont étroitement liées aux grands déséquilibres de développement. Ainsi s'explique en partie, par exemple, le flux des Maghrébins vers la France, des Turcs vers l'Allemagne ou des Mexicains vers les États-Unis. Mais d'autres facteurs interviennent : situation politique, conflits armés, pression démographique notamment.
5. Prospectives
Hypothèses et probabilités
La démographie ne fait pas de prévisions mais des projections ou des prospectives sur la base d'hypothèses clairement annoncées. Les perspectives « générales » concernent l'ensemble de la population, alors que les perspectives « dérivées » s'intéressent à une fraction de celle-ci (par exemple la population scolaire, la population active ou retraitée). Ces calculs sont utiles dans tous les domaines intéressés par la gestion de la population : personnel politique, administration, urbanisme.
Le principe de l'élaboration des perspectives est simple. Si l'on considère les enfants du groupe 0-4 ans à un moment donné, il est facile d'estimer leur nombre cinq ans plus tard en connaissant le taux de mortalité de ce groupe d'âge (qui est extrêmement faible) et la vitesse à laquelle il continue de baisser ; on retiendra alors un taux de mortalité probable pour les cinq années à venir, permettant de calculer le nombre d'enfants de ce groupe restant théoriquement à l'issue de la période considérée. On fera de même pour les groupes d'âge suivants. Il faut aussi prendre en compte les naissances intervenant dans les cinq années à venir en faisant une hypothèse sur le niveau probable de la fécondité (démarche encore plus délicate que pour celui de la mortalité). Afin de diminuer les risques d'erreur, plusieurs hypothèses seront retenues. Une hypothèse faible et une hypothèse forte s'ajouteront à l'hypothèse moyenne, considérée comme la plus probable. Ce stade franchi, le démographe devra prendre en compte les mouvements migratoires.
L'établissement de prospectives démographiques impose donc le recours à des hypothèses sur l'évolution future des éléments déterminants de la dynamique démographique : fécondité, mortalité, migrations.
Exemple : la croissance démographique mondiale
À échéance de dix ou vingt ans, les risques d'erreur des estimations sont faibles. Dès les années 1950, les démographes des Nations unies avaient annoncé une population mondiale totale de 5,2 milliards d'individus en 1990. La réalité (5,3 milliards) est très proche des estimations. Des études similaires ont annoncé une population mondiale de 7,2 milliards d'habitants pour 2010. Le chiffre de 7 milliards d'habitants sera finalement atteint en 2011. Selon l'Ined, la population devrait continuer de croître et pourrait atteindre autour de 10 milliards d'habitants en 2100, d'après les projections moyennes des Nations unies. D'après les perspectives établies pour l'année 2050, la France comptera 80 millions d'habitants (pour un peu plus de 60 millions en 2010) et l'Inde 1 milliard 550 millions. Au niveau mondial, on constate une explosion de la population urbaine (de 30 % en 1990 à 52 % en 2012), elle devrait atteindre 60 % en 2030.